jeudi 28 mai 2015

Enfin des nouvelles!



2015-05-16
Voilà  7 semaines que notre Ulysse est de retour au bercail.  Le chat n'a plus peur de son char et il se risque même à aller sur ses genoux.  Mon horloge préférée avec la petite statue d'un enfant tenant un oiseau dans la main, après dix mois de silence s'est remise à donner le rythme du temps qui passe.
Quel contraste!  Il file à une vitesse vv' alors que j'ai l'impression que nous vivons au ralenti.  Les effets secondaires de tous les traitements subis me mettent parfois dans la peau d'une octogénaire.  Les réveils sont souvent laborieux et pleins de raideurs, ma mémoire me joue des tours insidieux, les mots m'échappent et j'ai parfois bien du mal à les rattraper dans mon filet pour les remettre sur le fil de ma langue ou au bout de mes doigts endormis qui tapotent le clavier. Mon esprit papillonne et fait l'école buissonnière, mon application administrative en souffre et comme un cancre je remets souvent à demain le travail  que je devrais faire aujourd'hui.
Il paraît que tout ça c'est normal, en néerlandais ils appellent ça 'de chemobrein'.  Il paraît que ces symptômes devraient s'estomper avec le temps à moins que l'âge prenne la relève et qu'ils deviennent définitifs.  Je préfère me dire que ça finira bien par aller mieux ou bien je finirai par oublier que j'oublie...  L'autre jour je cherchais mon GSM que je tenais dans la main gauche!
Mieux vaut en rire n'est-ce pas?  J'essaye de ne pas trop m'inquiéter et j'apprends la tolérance vis-à-vis de moi-même.  Moi qui étais perfectionniste autrefois, j'ai appris à lâcher prise, à accepter ma fragilité.  Je ne sais pas vers quoi je vais, je me pose la question si un jour je pourrai reprendre le fil de mon travail.  Actuellement je n'en suis absolument pas capable ni physiquement, ni mentalement, alors que j'adorais mon boulot. 
Je comprends mieux la frustration des personnes âgées qui se sentent diminuées physiquement mais aussi intellectuellement, j'admire la sagesse de ma nounou qui va vers ses 86 ans, qui reste sereine et contente de son sort, heureuse de tout ce qui lui est encore donné de vivre dans les petites choses du quotidien.  Elle ne se laisse pas envahir par le regret des facultés perdues, elle continue à aller de l'avant à petits pas et offre sa bonne humeur et sa bonhomie à son entourage. Toute sa vie elle l'a déclinée sous l'égide du don de soi désintéressé.  Elle nous a pouponnés, portés, élevés  et chéris comme ses propres petits qu'elle n'a pas enfantés. Tous les deuxièmes dimanches de mai, je lui rends hommage pour cet amour maternel inconditionnel dont elle nous enveloppe encore aujourd'hui.  

Je ne sais comment Ulysse et Pénélope ont vécu leurs retrouvailles, mais je peux vous dire que pour Pierre et Madicte c'est un bonheur permanent de ne plus être séparés.  Pendant l' absence de Pierre, je dormais dans la chambre d'amis, je ne voulais pas être confrontée à sa place vide à mes côtés.  Je fonctionnais sur le mode survie, j'essayais de ne pas trop me négliger, question de ne pas me laisser dépérir et de reprendre des forces.  Maintenant, je suis parfois plus fatiguée, mais tellement heureuse de reprendre le fil de la vie commune.  Je dois encore trouver un modus vivendi équilibré qui nous donne à chacun l'espace vital nécessaire pour se sentir bien.  On est comme des jeunes mariés qui n'ont pas envie de se séparer, mais qui en même temps ont besoin de trouver leurs marques dans leur nouvelle vie.  Notre joie est contagieuse, on se taquine, on rigole, on pleure, on rit au même diapason.  Les larmes perlent souvent à nos paupières.  La plupart du temps, c'est l'émotion qui nous prend au dépourvu. Est-ce notre fragilité physique qui nous pare ainsi de colliers de perles salines?  Est-ce notre âme d'enfant qui refait surface et qui ouvre les barrages que le temps avait construit pour endiguer les émotions trop fortes?  Peu importe, je préfère, comme Gabriel Ringlet,  faire l'éloge de la fragilité qui nous rend plus humains, plus vrais, que de donner l'image de super héros que nous sommes loin d'être.

Ce soir nous sommes installés dans notre appartement à Coxyde, profitant des lueurs du soleil couchant qui se démultiplient dans les reflets de la mer. Nous sommes de vrais veinards! Pouvoir ainsi contempler ce paysage changeant sans cesse, c'est un spectacle permanent.  Nous voilà bien récompensés de la fatigue du voyage!
Cette semaine nous avons pu prendre livraison du fameux Swiss Trac, le moteur électrique qu'on peut brancher sur la chaise roulante de Pierre. Nous l'avons tout de suite inauguré sur les sentiers des bois de mon enfance. Quel cadeau de pouvoir ainsi arpenter à nouveau les allées de cette cathédrale de verdure!  Après ça, plus moyen de nous retenir, nous étions trop impatients de retourner dans notre abri côtier.  Ce sera encore du camping, mais l'essentiel est que maintenant Pierre peut entrer et sortir de l'immeuble sans problème.  Dans l'ascenseur c'est au milipoil, s'il chaussait du 48 il n'y rentrerait pas...  Il n'a pas accès à la salle de bains, mais qu'est-ce qu'on est heureux d'être là!

28-05-2015
On a finalement décidé de rentrer lundi matin, car dimanche soir  j'étais trop fatiguée pour conduire.  On a bien fait, le trajet s'est fait sans encombres et a pris une heure de moins que le vendredi après-midi.
J'ai toujours un pincement au cœur quand il faut quitter à nouveau la mer, on s'y sent si bien et la météo y était divine.
Hier nous avons eu la visite du papa de Pierre, de son frère et de sa sœur, ils sont venus dans l'intention de donner un coup de main au jardin.  Frédéric était là aussi.  Je dirais comme Mr Bean: "La famille c'est très important".  On a passé une après-midi mémorable.  Comme d'habitude, la bonne humeur était au rendez-vous, les rires parsemaient les heures et notre forêt vierge s'est payé un relooking impressionnant.  Merci not' gamin, merci papa, tit frère et tite soeur d'être là pour nous avec tout votre cœur et votre dévouement. Cela nous touche très fort.
Ce mardi on a eu une réunion au sommet à la maison:  un architecte expert, un représentant de l'assurance de la partie tierce et l'avocate de celle-ci sont venus chez nous. Mon frère architecte ainsi qu'une collaboratrice de notre avocat y étaient aussi.  Nous ne savons pas ce que l'expert donnera comme avis, mais une provision plus substantielle nous est accordée afin qu'on puisse démarrer l'adaptation de la chambre et de la salle de bains.  C'est enfin un début de commencement d'amorce de mise en route du chantier. 
Dans notre appartement aussi il faudra adapter les lieux, mais d'abord l'expert en question devra aussi donner son fiat aux aménagements proposés.  On n'y est donc pas encore...  Le hic, c'est que lorsqu'on travaillera à la maison, nous devrons trouver un autre lieu de vie.  L'appartement à la mer serait éventuellement possible à condition d'avoir l'aide d'une infirmière et la venue régulière d'un kiné.  Une autre possibilité est d'aller dans un centre de vacances pour personnes à mobilité réduite de la mutuelle qui dispose de tout l'équipement nécessaire. Enfin, on verra, on n'y est pas encore. 

Ce matin je me suis réveillée avec la tourniole et des nausées en me levant.  Pas de panique, non, je ne suis pas enceinte.... C'est un problème d'arthrose dans les cervicales qui peut déclencher ce genre de désagrément.  Bref, je me paye une journée au lit en espérant que demain je pourrai refonctionner normalement.  On peut dire que je cherche une certaine originalité dans mes bobos.  Cette fois-ci c'est Pierre qui était aux petits soins pour moi.
Puisque je ne peux pas trop bouger, j'en profite pour donner des nouvelles (ça faisait longtemps!) au risque de vous donner une indigestion ;-)
Ce dimanche Pierre va participer aux 20 km de Bruxelles ...  Non, non, je ne rigole pas.  Il le fera en handbike (vous savez, ce vélo où on pédale avec les mains) avec tout un groupe venant de Pellenberg.  Ils partiront une demi-heure avant les joggeurs.  Le levé sera matinal:  il doit être à Pellenberg avant 7 heures.  Heureusement que notre gamin a accepté de le lifter! Ouf!
Ils ont prévu des personnes valides pour aider les moins valides lorsque l'effort est trop lourd à fournir.  Donc je fais confiance et espère retrouver mon athlète chéri entier.
Pour ce qui est de la condition physique, je m'étais inscrite à un programme d'oncorevalidation à la clinique de St-Trond, mais après deux essais, j'ai décroché, car je me suis retrouvée  ayant à nouveau mal au dos comme autrefois. Donc je fais mon propre programme: piscine et balade. Ça me plaît bien davantage et ça remplace le tapis roulant (berkes, c'est rien pour moi, ça) et le home trainer (dont nous avons un exemplaire à la maison).
Demain pour moi, matinée à l'hôpital avec prise de sang, checkup et baxter.  J'arrive à la moitié des 18 baxters d'Herceptine qu'il faut m'administrer.  Je décompte: si tout va bien, plus que 27 semaines à tirer...