mercredi 19 octobre 2016

A l'eau, ici Ostende...




"A l'eau, ici Ostende, Villa royale, transformée en centre de soins et de revalidation." Après un merveilleux séjour début septembre (Reprendre son souffle à la mer), nous revoilà (Se ressourcer à la mer).
Il a fallu attendre la marée basse pour avoir accès à notre chambre hier. La locataire précédente s'y était endormie en laissant couler le robinet du lavabo qu'elle avait soigneusement fermé. J'imagine que dans ses rêves elle se voyait bercée par le clapotis des vagues. Résultat: toute la chambre sous eau.  Heureusement le plancher s'était asséché et nous avons pu intégrer les lieux sans bottes. Hier nous avons pu profiter du bon air marin dans l'après-midi, le vent avait chassé les nuages de pluie vers l'intérieur.  Aujourd'hui le vent est encore plus décapant, les averses plus méchantes, nous ne nous risquons pas dehors et regardons le spectacle permanent par la fenêtre. Ayant peur d'être trop mouillée, je préfère plonger dans la piscine intérieure et le jacuzzi.
Ici on se fait chouchouter: cuisine excellente, soins et massages l'après-midi, le personnel charmant nous soigne aux petits oignons. Ça fait du bien de pouvoir se laisser aller un peu, lâcher prise, laisser de côté tout ce à quoi il faut penser pour faire avancer le schmilblick.
 Les dernières semaines ont été plutôt éprouvantes, mon moral en a encaissé un coup.
Ma tristesse est proportionnelle à l'amour que je porte à l'homme de ma vie. Oui, j'ai le cœur gros.  J'ai tant de tendresse, d'admiration et de gratitude pour lui.  Il est celui qui m'a appris ce qu'aimer de tout mon cœur, de toute mon âme, de tout mon corps veut dire. C'est lui qui m'apprend la force cachée de la fragilité. C'est lui qui m'invite à faire émerger ce que j'ai de meilleur en moi. C'est pour lui que j'apprends à me battre contre les moulins de papier, à ne pas me résigner et à avancer pas à pas sans regarder dans le rétroviseur.  C'est pour lui le matin, que j'extirpe de notre lit mon corps endolori et raide pour commencer la journée qui parfois me semble si peu prometteuse.
Petite fille j'adorais jouer aux poupées, Myselle, ma nounou, leur cousait des vêtements que je mettais et changeais au gré de mes humeurs. Maintenant mon Kent est de grandeur nature et l'habiller est plutôt un tour de force.  Pas besoin d'aller en salle de fitness, je fais mon body building tous les matins et soirs.
Le voir cassé, diminué, limité, souffrant, dépendant, cela me fend le cœur et l'âme. Autrefois c'était lui le roc, l'homme à tout faire, celui qui assurait toutes les tâches quotidiennes qui faisaient tourner la boutique. Aujourd'hui, il ne lui reste plus que la force de son amour, de sa volonté et de son courage.  Il doit se battre contre l'inertie de son corps, le poids "mort" de ses jambes qui rechignent, la douleur que ses muscles étirés lui imposent, l'humiliation des fuites causées par les multiples infections urinaires, l'inquiétude provoquée par la régression de sont état de santé et la diminution de son autonomie, la monotonie des jours lorsqu'il n'y a pas de visites au programme ou que la météo l'empêche de sortir.
Nous ne savons vraiment pas vers quoi nous allons.  Certes, nous gardons l'espoir que son état de santé s'améliore, mais nous sommes actuellement dans l'incertitude.  Nous avons pu obtenir un rendez-vous d'urgence chez le neurochirurgien qui a confirmé nos craintes: la pression sur la moelle épinière n'est pas entièrement résolue. Le drain s'est sans doute bouché, une nouvelle opération doit se faire le 16 novembre, sinon il continuera à perdre la motricité de sa main et de son bras gauches. Un deuxième drain doit être introduit plus haut dans la colonne.
Pour ne pas me noyer dans cet océan de désespoir, il n'y a que l'Amour qui tient tête. Il me donne des ailes et réveille le clown en moi, celui qui me sauvait autrefois, quand dans  mon enfance il faisait trop froid.
Aimer et rire sont les meilleurs antidotes afin d'oser croire encore que la vie peut être  belle.