jeudi 7 septembre 2017

Oui mais, si on danse ?




Me revoici, avec quelques cartes postales.
Nous allons régulièrement à l’appartement à la mer. Là je peux faire la vaisselle, cuisiner un peu (Madicte est douée pour accommoder les restants de repas, elle reprend donc la main pour ainsi dire un jour sur deux !). Je me rends en handbike chez la kiné, je fais souvent un crochet par la chapelle de Notre Dame des Dunes (et parfois par chez le marchand de glace, c’est presque sur ma route).
A force de ne plus pratiquer certains mouvements, certains gestes, certaines tâches, je fini par oublier, comme par exemple les emplacements où je rangeais du matériel de bricolage dans l’atelier. Et parfois j’imagine que je sais encore : j’imaginais pouvoir déplacer des meubles de jardin… Broquette ! Impossible ! En orthographe aussi c’est bizarre : certains mots que je n’employais jamais, tel « pharmacien », « prescription », « kinésithérapeute » me sont maintenant familiers. Et d’autres mots me sont devenus étrangers, comme « hérèksion » par exemple.
Mais à côté de cela, il y a tout ce qui me fait du bien : nous avons reçu plusieurs invitations (mariages, anniversaires, …) : quand nous sommes libres nous acceptons ; c’est aussi important de garder le contact en nous déplaçant nous-mêmes  vers les autres. Cela me fait dire que beaucoup d’entre vous pensent à nous intégrer, à nous faire participer à la fête. Non pas comme si rien ne s’était passé, au contraire ! On nous prévient par exemple que les lieux sont accessibles pour les chaises roulantes, ce qui signifie que vous avez testé, que vous vous êtes renseignés. Tant d’attention, tant de prévenance… Merci ! Même si pour Madicte, les trajets en voiture ne sont jamais des parties de plaisir, nous roulons ! Heureusement elle ne doit plus conduire ! Moi qui suis resté deux ans sans conduire… chaque fois que je peux reprendre le volant je le fais avec plaisir.
Je dois veiller à respecter un équilibre entre ce que je mange et les exercices physiques. Mais cet équilibre est très instable : souvent trop de nourriture pour pas assez d’exercices ! C’est difficile de garder une discipline. Madicte est souvent là pour m’encourager heureusement. De ce point de vue, le temps passé à Pellenberg était plus bénéfique mais, et bien qu’ayant pour but de me mener à l’autonomie, moins dur puisque tout organisé : un horaire tout fait dans lequel il suffisait d’entrer. C’est aussi cela l’autonomie : me discipliner, m’imposer des choix qui sont importants pour ma santé, me forcer à l’occasion . L’autonomie, ce n’est pas la liberté et le laisser-aller.  « Calvin, fais quelque chose que tu n’aimes pas, c’est bon pour le caractère ! », comme le disait le philosophe Jacques Careuil. « C’est là qu’est l’os ! » aurait répondu le penseur Idi Amin Dada.
Depuis que maman est à Bonlez, au Home des Lilas, elle a fait du chemin : elle accepte sa nouvelle situation, elle fait doucement son deuil de la maison, se contente de quelques objets familier et symboliques pas trop volumineux auprès d’elle. Elle retrouve de vieilles photos, en épingle certaines sur un tableau d’affichage que Bernard lui a apporté. Chapeau maman ! Un nouvel univers se présente à toi, avec ses mystères, ses surprises agréables ou moins agréables. Je vois que tu récupères un tout petit peu : tu arrives à te lever de ton fauteuil et à faire quelques pas.
Nous avons régulièrement des félicitations ou des remerciements  pour notre manière d’être, pour supporter notre nouvelle vie. Je n’ai pas de recette-miracle, je peux juste vous redire ma philosophie du moment… (Nous sommes tous en chemin dans la Vie, ce qui signifie que ce qui est vrai pour moi aujourd’hui sera sans doute différent plus tard…) Déjà bien avant l’accident, je m’endormais en disant merci pour la journée écoulée. Depuis plus de 40 ans, je me sens être un des disciples d’Emmaüs. C’est-à-dire que c’est par après que je prends conscience de ce qui s’est passé. Mais contrairement à Cléophas et son compagnon de route, je ne me dis pas « Potferdeke *, il était là ! Et nous ne l’avons pas reconnu ! ». Je me dis plutôt « J’ai eu cette chance aujourd’hui : Merci ! ». Je ne sais plus, contrairement aux deux disciples, prendre mes jambes à mon cou et courir retrouver les copains pour annoncer la bonne nouvelle, mais j’ai cette possibilité de partager via FB, via le blog, via les rencontres. C’est ma recette, mais elle n’est pas universelle ; ça marche pour moi, voilà. Le Pierre d’aujourd’hui est le fruit du chemin des 58 dernières années, en ce compris les heures lumineuses autant que les heures sombres. Je pars du principe que les heures lumineuses autant que les heures sombres d’aujourd’hui façonnent le Pierre de demain, ce qui me facilite la possibilité de dire Merci chaque soir.
C’est la rentrée des classes… je me rends compte que c’est le passé pour moi. En trois ans, il y a des pages qui se sont tournées. Les contacts restent avec les collègues, certains parents d’élèves, certains anciens élèves. Mais tant de choses ont changé : nouveaux programmes, autres méthodes, réaffectations (je crois que je donne cours dans 5 ou 6 écoles…), … Je ne garde dans la gibecière de ma mémoire que les bons souvenirs, les temps forts, les moments de bonheur. Je suis de tout cœur avec vous, collègues, avec toi Oh Lumière des Lumières, mon Inspectrice Principale Préférée, avec vous parents et enfants encore tributaires du rythme scolaire. Je vous souhaite une heureuse année, un chemin agréable à parcourir. Je n’oublie pas non plus les « travailleurs de l’ombre », les discrets et efficaces qui gèrent la paperasserie et les dossiers.

·         Traduction libre de l’Araméen