Nous revoilà…
Il s’est passé beaucoup de temps depuis mon dernier texte. Beaucoup de
petits et grands évènements parfois joyeux parfois pas marrants. J’avais perdu
le plaisir de raconter mon quotidien sur le mode humour. Peut-être parce que je
ne voyais plus ce qui faisait sourire, ou parce que je ne souriais plus…
La maison a été en chantier très longtemps, ainsi que le jardin et les
abords. Madicte et moi avons chacun vécu cela à notre manière, avec parfois des
ressentis semblables. Il a fallu accepter les conséquences du mauvais choix
d’un entrepreneur, la patience pour retrouver un autre qui pouvait prendre le
chantier en cours et réparer les erreurs. Madicte a géré le chantier et
coordonné les différents corps de métiers. Chapeau ma belle. Nous avons à
nouveau une maison agréable, accessible, entourée de verdure ; un jardin
où je peux poser mes roues depuis fin avril.
Parmi les petites histoires à raconter, en voici une qui a failli me coûter
une belle chute : m’étant rendu à un enterrement, j’ai eu accès à l’église
grâce à un quatuor musclé (les hommes des pompes funèbres) qui m’a haussé
jusqu’en haut des marches du perron. A la sortie de la cérémonie, même
chose : le même quatuor m’a soulevé pour redescendre les marches. Pendant
la manœuvre, je leur ai fait remarquer qu’il ne devait pas leur arriver souvent
de sortir d’une église en portant quelqu’un de vivant. C’est là que cela a
failli déraper : l’un d’eux s’est mis à rire au point de presque me
lâcher ! Nous sommes arrivés au pied de l’escalier heureux et entiers.
Mais ils devaient retrouver une attitude de circonstances et camoufler leur
bonne humeur ! Moi pas…
Autre moment cocasse (si l’on veut) : invité à un mariage, je me gare
dans une file de voitures le long de la route pour me rendre un peu plus loin à
l’église. Je m’arrange pour laisser un espace suffisant pour sortir de la
voiture par le hayon arrière, en me disant que personne ne viendra se parquer
là, juste derrière moi. Hé bien si ! Il y en a un qui est arrivé à faire
un créneau et se coller derrière ma voiture. Après la cérémonie, je regagne mon
carrosse et découvre la situation. Le couple garé derrière moi est arrivé bien
longtemps après (on papote, on papote à la sortie de l’église, on ne voit pas
le temps passer). Confus, terriblement gêné, le couple s’excuse et au lieu de
bouger leur voiture commence à me raconter tout le respect qu’il a pour les PMR…
Je leur dis que c’est bon, que je ne suis pas mort et que nous allons pouvoir
nous rendre à la réception. Bref, les
dernières voitures garées le long de la route étaient les deux nôtres.
Une réception bien agréable, plein de retrouvailles avec des cousins, et de
nouvelles rencontres. Puis vient le dîner en fin de journée… Et qui se retrouve
à la même table ? Ben notre couple qui réussit si bien ses créneaux et
moi ! Re-excuses durant de longues minutes… J’ai essayé plusieurs fois de
changer de sujet, mais tout revenait toujours à leur respecte pour les PMR.
Heureusement qu’il y a eu d’autres conversations avec d’autres hôtes !
Parmi les grands bonheurs de notre vie, il y a les deux petits-fils :
Olivier, qui a 4 ans et son petit frère Mathieu qui a eu un an et demi. Voici
un peu plus d’un an, Olivier a commencé à me poser des questions à propos du
fait que je ne savais pas marcher. Quand je lui expliquais que je ne savais
plus bouger mes jambes, il me disait d’essayer. Et un jour il m’a demandé
pourquoi je ne savais pas marcher. Je lui ai dit qu’autrefois je savais marcher
mais que j’avais eu un accident de moto. Il m’a demandé de raconter l’accident.
Il m’a demandé si j’avais eu mal… Je ne voulais pas lui parler du comas et je
lui ai donc dit que j’avais eu très mal. Il avait alors des larmes dans les
yeux et m’a dit qu’il était triste parce que j’avais eu mal.
Il est un petit garçon qui exprime ce qu’il ressent, avec ses mots. Il y a
un an, il était entrain de jouer sur la terrasse avec des camions. A quelques
mètres de lui, je lisais et je l’entendais parler : il changeait de voix
en fonction du véhicule qu’il conduisait… Un des chauffeurs de camion a dit à
l’autre chauffeur de venir garer son camion près du sien. Quand les deux
camions furent l’un près de l’autre, il s’est levé et s’est approché de moi, a
posé sa tête sur ma cuisse et m’a dit « Je ben mijn beste vriend »
et s’en est retourné jouer avec ses camions. Il y a des jours comme ça où l’on
touche le ciel !
Je voudrais vous raconter maintenant une histoire que l’on pourrait
qualifier de fiction, pourtant, toute ressemblance avec des personnes existant
ou ayant existé est bien réelle. Imaginez une personne à mobilité réduite qui
en décembre commande une nouvelle voiture. On parle de livraison vers fin
avril, début mai. Il faut encore compter 2 ou 3 semaines pour les adaptations.
Notre personne moins valide, appelons la Modeste pour préserver son anonymat,
part en vacances en mai, toujours dans son ancienne voiture, qui fonctionne
très bien mais dont la suspension basique pose problème au dos de Modeste et de
son épouse Falbala (prénom d’emprunt également). De retour de vacances, il se
dit que dans une semaine il va contacter le garage pour savoir ce qu’il en est
à propos de la nouvelle voiture. Ayant un petit soucis technique, Modeste se
rend au garage où l’on fait les adaptations et apprend que sa nouvelle voiture
a quitté les ateliers depuis deux semaines. Ah, bon… Donc elle est chez le
concessionnaire. Voyons ce qu’il en est, s’ils ne l’ont pas encore contacté,
c’est certainement pour une bonne raison. Modeste téléphone et tombe plusieurs
fois sur un collègue du vendeur, qui n’est au courant de rien mais qui va faire
suivre la question à qui de droit. Un jour, nouvelle tentative et Modeste tombe
sur le vendeur ; il dit qu’il y a eu des problèmes administratifs mais que
maintenant tout est ok. Modeste reçoit un mail lui demandant un document
officiel pour la TVA à 6 %. Ce à quoi il répond que ce document existe et est
au garage, dans une armoire. Un mail arrive quelques jours plus tard : il
faut un nouveau document à chaque nouvelle voiture. Demande est faite au
Ministère des Finances, le document arrive et Modeste le porte personnellement
au garage. Le garage peut enfin rédiger la facture et l’envoyer. Très
rapidement Modeste paye la facture. Coup de fil du garage : on peut aller
chercher la voiture. Là, tout d’un coup Falbala s’énerve et dit que la voiture
doit être livrée à domicile. Ce serait la moindre des choses, vu le temps
perdu. Nous sommes début juillet…
Pour bénéficier de la suppression de la taxe de roulage, Falbala envoie un
mail le 19 juillet. Après un mois ne voyant rien venir, Falbala téléphone et on
lui dit que ce sera envoyé par courrier. Un courrier arrive le 19 août :
« Vous n’y avez pas droit, votre véhicule est considéré comme « campeerwagen ». Je vous passe
les temps d’attente au téléphone, le nombre de coups de fils donnés, mails et
téléphones avec l’assureur, avec les garages et la DIV. Tout le monde découvre
en même temps que le problème est lié à la demande online à la DIV. Donc… il
faut faire une demande pour correction de l’inscription. Ca ira vite… Sauf que
Modeste s’est retrouvé plusieurs fois aux Urgences et a passé deux fois
quelques nuits en cardiologie. En ces moments-là, on ne pense plus tellement à
la voiture.
Modeste revient à la maison un vendredi ; avec Falbala, ils décident
de se rendre au CT le lundi suivant pour obtenir un nouveau document. Ah… mais
en chemin, il y a un contrôle des Taxes et Accises le long de la route. « Bonjour
monsieur, vous venez d’être scanné à quelques centaines de mètres d’ici et
notre ordinateur nous dit que votre mobilhome n’est pas en ordre de contrôle
technique, il n’a pas été homologué ». Il faut rester sérieux, ne pas
éclater de rire face à un monsieur très aimable, et lui expliquer que Modeste
et Falbala se rendent justement au CT pour faire rectifier l’erreur. Le
monsieur est très compréhensif, voit que Modeste n’est pas vraiment au volant
d’un mobilhome et laisse repartir ce jeune couple honnête.
Arrivés au CT, Falbala rencontre le Directeur, qui est lui aussi très à
l’écoute (il raconte qu’il a lui-même un proche en chaise roulante et que le
combat pour obtenir tout ce à quoi on a droit est vraiment compliqué :
administrativement, tout est fait pour que les gens abandonnent les
démarches !) ; il remplit donc le nouveau document et souhaite bonne
chance à Falbala. Il lui explique aussi les prochaine démarches à faire :
-
Prendre un rendez-vous à la DIV locale pour la suite de
la paperasserie
-
Passer au CT pour les aménagements apportés à la voiture
-
Quand tout cela sera en ordre, Falbala pourra recommencer
les démarches qui les ont amenés ici, c’est-à-dire refaire une demande pour la
suppression de la taxe de roulage. Vous ai-je dit que Falbala et Modeste ont
tous les deux un Doctorat en Patience ?
Ils rentrent à la maison, Falbala se met à l’ordinateur pour prendre un
rendez-vous en ligne. Voilà… la date la plus proche est le 20 octobre. Je fais
très court… Mails, téléphone (« nos bureaux sont joignables jusque midi »).
En fin de matinée Falbala entre en contacta avec quelqu’un qui est très aimable
et … qui découvre que l’erreur vient de l’assureur : on ne sait pas
enregistrer un véhicule adapté via les formulaires on line. Comme l’ordinateur
ne reconnait pas la demande, il prend l’initiative d’enregistrer la voiture
comme voiture de camping… Bref, Modeste roule en ce moment avec une voiture non
homologuée, en défaut de CT. Sans Falbala, Modeste serait vraiment perdu !
Ah oui, aussi : la personne du bureau de la DIV que Falbala a pu
joindre lui explique que cette antenne de la DIV est extrêmement surchargée,
d’où les délais d’attente. Mais nous sommes libres d’aller ailleurs, là où les
délais d’attente sont moins longs, comme Oostende (les bureaux de la DIV sont
dans la gare) ou Eupen ou Neufchâteau par exemple, qui plus est vous pouvez y
aller en train (puisque évidemment nous ne roulons pas avec un véhicule qui
n’est pas en ordre…).
In fine, l’assureur va reprendre le dossier pour corriger ses erreurs.
Falbala a joué de son charme pour que toute la suite soit prise en charge par
celui par qui l’erreur est arrivée.