samedi 19 novembre 2016



Nous voilà samedi soir, trois jours après l'opération de Pierre.  Les douleurs terribles qu'il avait en position horizontale avant l'opération ont disparu, signe qu'il n'y a plus de pression sur sa moelle au niveau cervical. Il a l'impression que sa main est moins faible. Il est extrêmement courageux, mais c'est durdur. Les infirmières sont heureusement très gentilles et prévenantes. Le chirurgien a décidé aujourd'hui de lui donner du valium pour diminuer la douleur aux muscles qui ont été malmenés pendant l'intervention.  Jeudi il se sentait comme une vieille chambre à air rempli de rustines, tant il avait des petits sparadraps sur les bras et poignets aux endroits où il avait été piqué pour les cathéters ou les prises de sang (il a fallu piquer à plusieurs endroits avant d'avoir rempli les différentes éprouvettes).  Dire qu'il a eu une telle phobie des piqûres! Grâce à sa psy et à notre médecin de famille qui est très douée pour les prises de sang, il a pu surmonter quelque peu ses peurs.
A la tête on lui avait mis de l'Isobétadine dans les cheveux au-dessus des oreilles, je me demandais bien pourquoi, jusqu'à ce que je découvre des éraflures, puis à gauche un petit trou et à droite carrément une blessure de quelques cm refermée à l'aide d'agrafes. Je ne vous dis pas ma surprise: pourtant c'était bien en salle d'op et pas en salle de dissection qu'il avait été et le chirurgien ne s'appelle pas Frankenstein...
Il semblerait que ce soit l'armature en métal sur laquelle sa tête était fixée pendant l'opération qui lui a causé ces dégâts collatéraux. Ça me fait froid dans le dos. J'admire comme Pierre reste stoïque face à tout cela, moi j'aurais envie d'avoir une explication et de demander ce qui s'est passé. Je me doute bien que ce n'est pas le prof neurochirurgien qui est responsable de cela, mais quand même... la tête de Pierre n'est pas un vulgaire morceau de bois qu'on peut coincer avec des vices pour qu'elle ne bouge plus. En ses temps de hautes technologies est-il normal d'utiliser des supports métalliques sans rembourrage pour soutenir la tête? En tout cas, il a la tête dure mon homme, mais ça commence à bien faire, il serait temps qu'il puisse un peu souffler et arrêter de se ramasser la poisse...

Ses premières nuits étaient pénibles et inconfortables, j'espère que cette nuit il pourra enfin mieux dormir.  Il somnole assez bien pendant la journée, ce qui lui permet de récupérer.
Avant son hospitalisation, Pierre a pris le temps de terminer un texte qui était en chantier pour le blog.
Je vous le livre ici:

Tout ce qui a trait à la vache m’émeut.

Ce qui suit a été écrit en plusieurs fois avant ma visite chez le neurochirurgien, ce lundi 10 octobre ; Nous y avons appris que je dois repasser sur le billard, comme en juin, pour les mêmes raisons. Madicte vous l’a déjà annoncé. Cette fois ce sera quelques vertèbres plus haut. En juin, j’appartenais au 3 % de personnes ayant une lésion qui développent une syringomyélie après une lésion de la moelle, maintenant, je suis un cas que le Professeur n’a plus vu depuis 30 ans… Bref, le 16 novembre on ouvre le dos pour la troisième fois. Je vais proposer que l’on mette une tirette, on gagnera du temps les fois prochaines.
Ce soir, c’est un peu trop. Je vais vous déballer mes petites nostalgies comme le chante Pierre Perret. A une différence près, c’est que c’est surtout de la colère, du ras-le-bol. Ce ne sont pas vraiment des cartes postales cette fois.
Madicte m’achète un nouveau pantalon, je l’ai déjà « baptisé » !
Je n’ai plus de force dans les doigts de la main gauche : impossible de presser sur mon tube de dentifrice ; impossible de débrancher une prise de courant ; impossible d’ouvrir un sachet de chips ; impossible de fermer un sac poubelle ; impossible de remonter les 5 mètres de la pente depuis la boîte aux lettres ; impossible de soulever le chat pour le mettre sur mes genoux ; impossible d’ouvrir une brique de lait ; impossible de déboutonner une chemise ; impossible de soulever une assiette en la gardant horizontale ; impossible de me redresser dans le lit en poussant sur mes bras, ou en me tirant au perroquet ; impossible de soulever mes jambes quand je suis assis au bord du lit ; impossible de me pousser seul plus de 50 m dans ma chaise roulante ; impossible de m’habiller ou déshabiller seul (ça fait plus de 4 mois que Madicte s’occupe de moi matin et soir); …
Les infections à répétition, c’est usant… Les antibiotiques m’épuisent. Je suis dans une sorte de cercle infernal, ou vicieux (au choix) : pas de force, pas d’exercices, prise de poids, donc peu de motivation pour des exercices physiques…
On m’a dit que cela durerait longtemps avant que tout ne revienne. Les jours qui passent alternent peur, découragement et parfois patience.
Et toujours le sourire de Madicte, qui m’aide au moindre « accident » - et il y en a !!! Ses paroles sont douces, encourageantes. Pas de soupirs, pas d’agacement ; juste la douceur de son regard, la douceur de ses mains, la douceur de ses mots. Avec au besoin une pointe d’humour pour faire disparaître les larmes.  N’oubliez pas de la soutenir, de l’encourager. C’est elle qui porte tout. Elle a besoin de recharger ses batteries à votre Amitié, à vos petits mots, à vos attentions, à votre prière.

Dans ce tourbillon de tourmente, il y a aussi du positif ! (« Always look at the bright side of life ») : nous avons reçu la nouvelle voiture. Livraison à domicile le mercredi soir ; le jeudi je servais déjà de chauffeur pour Madicte. Elle devait passer une série de contrôles et de tests à l’hôpital. Cette fois, elle n’a pas dû prendre le volant d’une voiture qui la met mal à l’aise parce que trop grande. Elle n’a pas dû chercher un parking. Elle n’a pas dû démonter et remonter ma chaise. Elle pouvait ne penser qu’à elle, essayer de se préparer à tout ce qui l’attendait. De mon côté, ayant parqué la voiture et en étant sorti, je me suis senti envahi d’une bouffée d’émotion : je venais pour la première fois de rendre service à Madicte dans le cadre de sa convalescence ! Tout ceci ne doit pas me faire oublier de vous dire que les examens ont conclu que tout est bon pour Madicte ! Pour revenir à la voiture, les différents baptêmes du feu se sont bien passés : embouteillages, autoroute, manœuvres, etc…
Je me sens serein pour l’opération, je fais confiance. Les piqures ne sont plus un souci, une inquiétude. On y passe et puis c’est tout. Merci pour les messages d’encouragements qui arrivent ces derniers jours !
Une idée musique ? Ben, comme Léonard Cohen a décidé de nous quitter, je me suis remis dans l’écoute de ses chansons. En fait il était fort présent dans notre univers musical, sans que je m’en rende compte.

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