vendredi 7 septembre 2018

Touze palles pour fous, touze palles pour fous



L’occasion se présente, je la saisis au bond. Voici une carte postale toute chaude de ce mercredi, imprimée à Pellenberg. J’ai  Vraiment envie de vous partager ce bonheur !
Passant dans le coin, je me suis rendu à Pellenberg. C’est toujours un bonheur de revoir mes anges d’il y a 4 ans: kinés, ergos, infirmières, aide-soignantes, technicienne de surface, profs de sport… Certes leurs horaires font que je ne peux plus les rencontrer toutes et tous. Mais m’asseoir à table avec quelques-unes pour le repas, ça fait du bien un peu partout ! Marc, l’infirmier en chef, m’a informé qu’une de mes demandes avait abouti. Il y a quelques mois je l’avais rencontré pour lui soumettre des projets, des remarques, dont celle-ci: j’avais vu Selma, une revalidante musulmane, prier dans la salle de TV. Sa prière finie, je lui ai demandé pourquoi elle priait là, et pas dans un endroit plus tranquille. Elle m’a dit qu’il n’y avait pas grand-chose à la disposition des musulmans dans ce bâtiment. M’est alors venu l’idée de partager la chapelle. Je lui ai dit qu’elle pouvait aller y prier, que je lui en donnais l’autorisation (parfois on a le droit, intérieurement tout de pourpre vêtu, de se sentir investi d’une autorité universelle), que je l’invitais à s’y rendre. J’ai donc proposé que l’on aménage un espace pour les musulmans dans la chapelle. Et Marc vient de m’annoncer que c’est fait ! J’ai donc été voir: un grand drap sobre (pas un drap de clinique) sépare un espace près d’une des fenêtres. Il y a un panneau indiquant qu’on doit enlever ses chaussures et deux illustrations montrant un homme et une femme en prière (deux illustrations séparées, of course). Je suis très heureux de ce résultat, de ce sens de l’accueil. On pourrait encore y consacrer d’autres espaces (juif, bouddhiste, laïc …) tant il y a de la place ! Bref, un bonheur à partager !

Certains d’entre vous ont réagi il y a longtemps à la liste « c’était comme ça avant ». Alors je continue cette liste avec plaisir :
Les voitures démarraient avec un starter, ou un choke. Les Coccinelles avaient un starter automatique, le régime du moteur diminuait de lui-même. Les premières voitures de papa avaient encore un trou dans la calandre pour démarrer avec une manivelle (Juvaquatre, 2 CV). La gendarmerie avait des gyrophares rouges et la police des gyrophares bleus. On communiait agenouillé derrière un banc de communion. La mayonnaise se vendait en tubes, pas en pots. Le changement de vitesse de presque toutes les motos était au guidon, poignée de gauche, couplé avec l’embrayage. Ma première boite de crayons de couleur était de la marque Caran d’Asche. Il n’y avait pas d’heure d’été et d’heure d’hiver. Les vélos avaient une plaque annuelle obligatoire qui était en fait une taxe provinciale… On était fier quand on pouvait en mettre plusieurs en éventail, ça voulait dire qu’on roulait depuis longtemps. On devait acheter un ticket de quai pour accompagner quelqu’un sur le quai de la gare, ou pour accueillir quelqu’un à sa sortie du train. Au début des années soixante sont apparus les œufs en chocolat Suchard. A cette époque on trouvait encore des œufs de Pâques mi-chocolat, mi-sucre. Quand on achetait un cornet de frites, on allait toujours à la friture; ce n’est que vers les années 1970 qu’on a commencé à souligner l’erreur de français: on ne pouvait plus aller à la friture, on devait se rendre à la friterie !!! Je suppose que vous avez tous une table de nuit…. Quand je repense aux tables de nuit dans les maisons de la génération de nos grands-parents, ces meubles avaient principalement deux fonctions : support pour une lampe de chevet et derrière la petite porte on trouvait un pot de chambre, le plus souvent en porcelaine. On disait aussi un vase de nuit. Occasionnellement, chez certaines personnes, on pouvait y voir de fausses dents tremper dans un verre. Je me demande qui emploie encore sa table de nuit pour ces deux fonctions… Vous pouvez me le faire savoir via mon mail, c’est plus discret. Je respecterai l’anonymat mais je publierai les résultats ! En ce qui nous concerne, table de nuit = lampe de chevet + une véritable bibliothèque (dessus et dedans). On y trouve parfois du chocolat, un emballage vide du dernier réveil acheté, l’un ou l’autre bibelot à ranger (prochainement), et des tas d’autres choses que ma femme m’a demandé de ne pas divulguer. On recevait un stylo et un réveil lors de notre première communion; et une montre pour la confirmation. Quand nous étions en séjour à Wasmes, chez les grandes-tantes, il y avait vers 14.00 h à la radio l’énoncé des cotations de la bourse: une voix monocorde citait par ordre alphabétique l’ensemble des actions en donnant leur valeur et ce qu’elles avaient gagné ou perdu en %. Il arrivait encore à cette époque que l’on détricote un pull pour réemployer la laine pour un autre usage. Je vois encore le détricotage, la boule de laine que l’on faisait. Puis, je ne sais plus dans quel ordre, on nettoyait la laine, on l’enroulait au dossier d’une chaise pour rendre le fil plus droit. Petit souvenir en mémoire de Proust: moudre du café dans un vieux moulin… L’odeur et le bruit me reviennent comme si je le faisais encore maintenant. Il y avait des frontières entre les pays ; ces frontières étaient très marquées par la présence de douaniers. Franchir une frontière était certes légal, mais surtout une chose très sérieuse. Le souvenir que j’en garde, c’est que nous avions tous, toujours des têtes de coupables. Que cachions-nous ? A quel trafic nous adonnions-nous ? Il y avait entre la Belgique et la France, une douane réputée très perméable: Cul-des-Sarts, pas loin de Couvin. On quittait la civilisation pour aller à Cul-des-Sarts. Ce lieu était connu comme celui emprunté par tous ceux qui avaient des choses louches à transporter. Les autres points de passages étaient bien huilés : on sortait de Belgique en franchissant d’abord la douane belge. Les douaniers jetaient un coup d’œil dans la voiture par les fenêtres et nous faisaient signe de passer. Un peu plus loin nous entrions en France. Là, en plus de marquer l’arrêt, papa ouvrait la fenêtre. « Rien à déclarer monsieur ? Cigarettes, alcool, vins, spiritueux ? » « Non, rien de tout ça, nous partons en vacances » « Vous pouvez passer Monsieur, bonne route ». A nos yeux d’enfants, c’était du sérieux. Une fois, jeunes mariés, nous avons été passer un WE à Paris. Dans le train, des douaniers nous ont fait ouvrir notre valise. N’ayant rien à nous reprocher nous trouvions cela étrange, déplacé. A l’école primaire, au village, le matériel était encore archaïque. Je me rappelle qu’en 3ième et en 4ième primaires, nous avions une ardoise qui servait de cahier de brouillon. On écrivait avec une touche, on effaçait avec une petite éponge que l’on rangeait dans un boîtier en plastique, pour garder un peu d’humidité (cela puait la rage !). Venant d’un collège bruxellois où l’on avait un cahier de brouillon (en 1ière et 2ième primaires) et arrivant dans la petite école du village, cela me semblait très vieux, mais en même temps amusant. Nous avions des cours de calligraphie… Un élève distribuait l’encre à chaque banc, dans un petit récipient où l’on trempait notre plume. On apprenait à faire des déliés, des pleins. Et des taches ! On ne demandait pas pour aller à la toilette (à Bruxelles on employait ce mot), au village on demandait pour « aller à la cour ». Pour le petit bruxellois que j’étais, c’était assez spécial… Il y a avait la cour de récréation. Et dans cette cour, il y a avait « la cour », le bâtiment des toilettes. Tout était spécial à la campagne… Voilà… petites cartes postales du temps passé. Sans nostalgie.

 Je ne résiste pas à l'envie de vous repartager la deux vidéo suivante qui a été faite le 13 juillet 2014, veille du départ de Pierre en revalidation à l'UZ Pellenberg. L'hilarothérapie faisait déjà partie de notre panoplie ...





lundi 3 septembre 2018

Lao Tzeu l’a dit: “Il faut trouver la Voie”. Moi je l’ai trouvée. Pour vous aider à la trouver je vais vous couper la tête.



Nous revoici, toujours en chemin vers un « mieux ». Ces derniers temps je repense à tout le chemin parcouru depuis l’accident.
En premier lieu, il y a le chemin de la revalidation. Je me revois ne sachant pas déboucher une bouteille d’eau, ou tenir mon gsm, incapable d’ouvrir le tube de dentifrice. Je me rappelle quand je tournais de l’œil quand on essayait de m’asseoir dans mon lit ou, couché sur la table de kiné, incapable de relever la tête sans la soulever à l’aide d’une main. Il y a eu la période de remusculation, où tous les muscles que l’on remettait en route me faisaient mal.
Il y a eu le chemin vers l’autonomie : au début on me déplaçait dans mon lit (vers les salles d’examens, vers la salle de kiné, …), puis dans une chaise « passive » que l’on devait pousser (la première fois que j’ai vu le paysage complet, du sol jusqu’au ciel, depuis les fenêtres des kinés; la première fois que l’on m’a conduit à la chapelle (dank U Leen, ik zal het nooit vergeten); la première sortie à l’air libre …). Puis il y a eu une chaise électronique, spécialement affrétée pour aller rendre visite à Madicte à Gasthuisberg le lendemain de son opération. Il y a eu les difficultés vaincues pour arriver à manger seul. Puis tout le chemin parcouru avec la chaise roulante « active » (quelle patience l’équipe a eue envers moi; mais aussi quelle confiance pour y croire et m’accorder plusieurs mois de plus que la moyenne afin d’y arriver !)
Il y a eu le chemin du mental ! Soutenu par tant de personnes, par les blouses blanches, par d’autres patients (petite pensée pour Gunther). Mes peurs qui freinaient les progrès (dank U Frederik : niets laten passeren, je was veeleisend met mij: zo werkt het, zo kregen we resultaten !). Il y a eu le soutien par vos prières, tous les messages, les visites, la présence discrète ou envahissante, les cadeaux, … J’ai cru longtemps que je  pourrais retrouver l’usage de mes jambes et donc, pendant cette période, j’étais moins poussé à progresser, me disant que j’allais quand-même ressortir de Pellenberg sur mes deux jambes (après 4 mois j’ai compris que cela n’arriverait pas, j’avais perdu l’usage de mes deux jambes et de tout ce qu’il y a entre ces deux jambes). Il y a eu la peur du regard des autres, la peur d’être inutile une fois rentré à la maison. Bien sûr personne ne savait qu’en rentrant à la maison la syringomyélie faisait déjà ses ravages (dank U dokter Kiekens: op tijd gezien ! Dank U prof van Calenberg: twee operaties later voel ik me echt goed. Wel beperkt, maar actief en autonoom!). Je dois “faire avec” les infections urinaires, les muscles trop sollicités, les exigences des kinés, les contrôles en clinique et ceux que je dois faire moi-même (contrôle des pieds, des fesses, etc… pour éviter et prévenir les champignons, les blessures); je dois m’imposer des temps de musculation, de stretching. Je dois veiller à ne pas trop laisser de traces de mon état dans la maison, donc veiller à ranger tout mon matériel pour ne pas encombrer le mental de ma douce épouse.
Tout ce chemin me fait dire chaque jour que j’ai beaucoup de chance ! Je vois ce qui n’est plus, mais je suis conscient de tout ce qui reste, de tout ce qui est à venir. Physiquement je peux encore m’améliorer. Il y a tant de chemin à parcourir encore. Avec  Madicte à mes côtés, avec ce que chacun et chacune, famille, amis, nous apporte je sais que je vais encore progresser ! Chaque jour je dis merci pour ce chemin. Sans pour autant négliger ma colère envers l’assurance de la partie adverse !

Tiens, une petite carte postale « communication conjugale »: Nous nous préparions à passer quelques jours à Koksijde et je me voyais déjà préparer le premier repas (à Koksijde, tout est adapté, c’est tellement plus simple). J’avais donc fait part à Madicte de mon menu: crêpes fourrées avec soit des poireaux soit des épinards et lardons, le tout dans une petite sauce béchamel et de la noix de muscade. J’en salive encore. Lors de nos achats, Madicte me propose d’acheter des wraps tout faits (gains de temps). J’accepte. Rentrés à l’appartement nous reparlons du repas et elle me demande si on va réchauffer les wraps, tout en me disant que nous avons du chou et un peu de salade et que ce serait mieux froid. Je m’énervais intérieurement car on passait de ce que j’avais prévu (crêpes chaudes fourrées lardons-poireaux-béchamel) à ce qu’elle me proposait (wraps froids salade-choux). Je me voyais entrer en Carême avant l’heure, avec la face-qui-va-avec ! Pourquoi ne pas remplacer le thé par de l’eau chaude et le chocolat par des chips de kiwi (‘tit clin d’œil à Marie-France) ? Ce que j’ignorais (parce que non dit), c’est qu’elle pensait y ajouter du saumon et des crevettes et sa spécialité: la vinaigrette Madicte! Comme quoi… la communication complète, c’est important (même en-dehors du Carême).

Une carte postale côtière maintenant: j’ai fait une longue balade seul en handbike. C’est assez amusant de voir le regard des gens: il y a les intrigués, qui regardent visiblement la machine; certains ont un regard curieux, parfois admiratif. Puis il y a ceux qui se sentent pris en défaut de curiosité et qui détournent le regard dès qu’ils croisent le mien, qui est pourtant en général amusé et souriant. Ensuite il y a les enfants, les plus spontanés « C’est quoi ce drôle de vélo maman ? » ou ceux qui osent demander directement « Pourquoi t’as un vélo comme ça ? », avec ceux-là la conversation s’engage facilement, ils sont curieux mais en même temps respectueux et spontanés. Il y a ceux qui sourient, alors on se salue de la main, d’un clin d’œil. Puis il y a les pires: ceux qui s’adressent à leurs enfants, à voix haute en me montrant du doigt, dans le genre « Regarde, regarde le mec là ! » comme pour dire qu’on a bien fait de se lever le matin car on aura vu un truc bizarre aujourd’hui et qu’on aura des choses à raconter après les vacances. Ceux-là souvent je les imite: je refais leur geste, je redis leurs mots… mais je doute que le message passe.

Une carte postale « animaux à protéger » : Un soir, juste avant de quitter l’autoroute à hauteur de Tirlemont, nous avons vu des cigognes perchées sur les poteaux d’éclairage (vous savez, ces poteaux qui n’éclairent plus, qui sont un souvenir de l’époque où la Belgique dépensait sans compter, sans savoir qu’il y aurait un futur). En arrivant à la maison, Madicte sort de la voiture et voit passer un vol d’oies juste au-dessus de nos têtes ! Waow ! Deux beaux spectacles en 30 minutes ! Puis, il y a quelques jours j’ai eu l’immense plaisir de revoir une espèce que je croyais complètement disparue. Elle a fait le bonheur des générations qui nous ont précédés, les jeunes de 60 ans et plus l’ont bien connue. On la trouvait le long de la route, dans les villages surtout. Penchées en avant dans une position très peu ergonomique, entrain de désherber l’entrée du garage, de la cour ou le trottoir … Souvent munies d’un couteau élimé, ces dames (oui, je parle bien de dames !) nous offraient le spectacle de leurs jambes, de leurs bas mal attachés. L’éternel tablier bleu sans manches avec des motifs de fleurs blanches, boutonné par devant. Cette espèce a survécu durant des dizaines d’années, mais la position penchée (très mauvaise pour le dos) aura eu raison de l’espèce. Il en reste l’une ou l’autre, très difficiles à photographier.

Une carte postale « parking d’autoroute » : je revenais de chez maman et me suis arrêté sur le parking Carpooling de Tienen pour un arrêt pipi. Me sonder dans la voiture est assez facile et discret. Il faisait très chaud ce soir-là, j’ai donc ouvert les fenêtres à l’avant de la voiture et ai reculé le siège chauffeur vers l’arrière de l’habitacle, pour disparaître dans la discrétion des vitres teintées. L’opération allait se dérouler normalement lorsqu’une voiture est venue se parquer à ma gauche. Nous sommes en démocratie, donc je laisse faire. Mais le chauffeur de ce véhicule avait un sérieux torticolis, il ne regardait que vers sa droite, visiblement dans ma direction (sans pouvoir me voir). Quelques secondes d’observation puis il a redémarré, a fait un tour complet du parking et est revenu  se parquer au même endroit. Il est alors sorti de sa voiture et s’est avancé, relax et tout sourire vers l’avant de ma voiture. J’imagine qu’il ne pouvait voir que ma tête via la fenêtre ouverte (pour me sonder je dois m’allonger sur le siège, presque à plat). J’ai alors agité mon petit sac et lui ai dit assez clairement « Je suis en train de me sonder, j’aimerais continuer en paix. Et tout seul ! ». Le très gentil monsieur a alors continué le tour de sa voiture, est remonté dedans et est reparti. Définitivement. Peut-être suis-je passé à côté d’une belle amitié naissante ? Mais en tout cas j’ai pu achever l’activité pressante à mon aise…

J’ai une pensée amicale et pleine d’énergie envers tous les collègues qui ont repris le chemin de l’école ! Je suis officiellement pensionné depuis le 1ier août.
Une idée musique ? Il y a longtemps que je n’avais plus entendu de chansons de Donovan… Colors par exemple. Mais je ne sais pourquoi ça n’a pas bien vieilli. Nous sommes dans le Folk des années ’60 et ’70.