lundi 3 septembre 2018

Lao Tzeu l’a dit: “Il faut trouver la Voie”. Moi je l’ai trouvée. Pour vous aider à la trouver je vais vous couper la tête.



Nous revoici, toujours en chemin vers un « mieux ». Ces derniers temps je repense à tout le chemin parcouru depuis l’accident.
En premier lieu, il y a le chemin de la revalidation. Je me revois ne sachant pas déboucher une bouteille d’eau, ou tenir mon gsm, incapable d’ouvrir le tube de dentifrice. Je me rappelle quand je tournais de l’œil quand on essayait de m’asseoir dans mon lit ou, couché sur la table de kiné, incapable de relever la tête sans la soulever à l’aide d’une main. Il y a eu la période de remusculation, où tous les muscles que l’on remettait en route me faisaient mal.
Il y a eu le chemin vers l’autonomie : au début on me déplaçait dans mon lit (vers les salles d’examens, vers la salle de kiné, …), puis dans une chaise « passive » que l’on devait pousser (la première fois que j’ai vu le paysage complet, du sol jusqu’au ciel, depuis les fenêtres des kinés; la première fois que l’on m’a conduit à la chapelle (dank U Leen, ik zal het nooit vergeten); la première sortie à l’air libre …). Puis il y a eu une chaise électronique, spécialement affrétée pour aller rendre visite à Madicte à Gasthuisberg le lendemain de son opération. Il y a eu les difficultés vaincues pour arriver à manger seul. Puis tout le chemin parcouru avec la chaise roulante « active » (quelle patience l’équipe a eue envers moi; mais aussi quelle confiance pour y croire et m’accorder plusieurs mois de plus que la moyenne afin d’y arriver !)
Il y a eu le chemin du mental ! Soutenu par tant de personnes, par les blouses blanches, par d’autres patients (petite pensée pour Gunther). Mes peurs qui freinaient les progrès (dank U Frederik : niets laten passeren, je was veeleisend met mij: zo werkt het, zo kregen we resultaten !). Il y a eu le soutien par vos prières, tous les messages, les visites, la présence discrète ou envahissante, les cadeaux, … J’ai cru longtemps que je  pourrais retrouver l’usage de mes jambes et donc, pendant cette période, j’étais moins poussé à progresser, me disant que j’allais quand-même ressortir de Pellenberg sur mes deux jambes (après 4 mois j’ai compris que cela n’arriverait pas, j’avais perdu l’usage de mes deux jambes et de tout ce qu’il y a entre ces deux jambes). Il y a eu la peur du regard des autres, la peur d’être inutile une fois rentré à la maison. Bien sûr personne ne savait qu’en rentrant à la maison la syringomyélie faisait déjà ses ravages (dank U dokter Kiekens: op tijd gezien ! Dank U prof van Calenberg: twee operaties later voel ik me echt goed. Wel beperkt, maar actief en autonoom!). Je dois “faire avec” les infections urinaires, les muscles trop sollicités, les exigences des kinés, les contrôles en clinique et ceux que je dois faire moi-même (contrôle des pieds, des fesses, etc… pour éviter et prévenir les champignons, les blessures); je dois m’imposer des temps de musculation, de stretching. Je dois veiller à ne pas trop laisser de traces de mon état dans la maison, donc veiller à ranger tout mon matériel pour ne pas encombrer le mental de ma douce épouse.
Tout ce chemin me fait dire chaque jour que j’ai beaucoup de chance ! Je vois ce qui n’est plus, mais je suis conscient de tout ce qui reste, de tout ce qui est à venir. Physiquement je peux encore m’améliorer. Il y a tant de chemin à parcourir encore. Avec  Madicte à mes côtés, avec ce que chacun et chacune, famille, amis, nous apporte je sais que je vais encore progresser ! Chaque jour je dis merci pour ce chemin. Sans pour autant négliger ma colère envers l’assurance de la partie adverse !

Tiens, une petite carte postale « communication conjugale »: Nous nous préparions à passer quelques jours à Koksijde et je me voyais déjà préparer le premier repas (à Koksijde, tout est adapté, c’est tellement plus simple). J’avais donc fait part à Madicte de mon menu: crêpes fourrées avec soit des poireaux soit des épinards et lardons, le tout dans une petite sauce béchamel et de la noix de muscade. J’en salive encore. Lors de nos achats, Madicte me propose d’acheter des wraps tout faits (gains de temps). J’accepte. Rentrés à l’appartement nous reparlons du repas et elle me demande si on va réchauffer les wraps, tout en me disant que nous avons du chou et un peu de salade et que ce serait mieux froid. Je m’énervais intérieurement car on passait de ce que j’avais prévu (crêpes chaudes fourrées lardons-poireaux-béchamel) à ce qu’elle me proposait (wraps froids salade-choux). Je me voyais entrer en Carême avant l’heure, avec la face-qui-va-avec ! Pourquoi ne pas remplacer le thé par de l’eau chaude et le chocolat par des chips de kiwi (‘tit clin d’œil à Marie-France) ? Ce que j’ignorais (parce que non dit), c’est qu’elle pensait y ajouter du saumon et des crevettes et sa spécialité: la vinaigrette Madicte! Comme quoi… la communication complète, c’est important (même en-dehors du Carême).

Une carte postale côtière maintenant: j’ai fait une longue balade seul en handbike. C’est assez amusant de voir le regard des gens: il y a les intrigués, qui regardent visiblement la machine; certains ont un regard curieux, parfois admiratif. Puis il y a ceux qui se sentent pris en défaut de curiosité et qui détournent le regard dès qu’ils croisent le mien, qui est pourtant en général amusé et souriant. Ensuite il y a les enfants, les plus spontanés « C’est quoi ce drôle de vélo maman ? » ou ceux qui osent demander directement « Pourquoi t’as un vélo comme ça ? », avec ceux-là la conversation s’engage facilement, ils sont curieux mais en même temps respectueux et spontanés. Il y a ceux qui sourient, alors on se salue de la main, d’un clin d’œil. Puis il y a les pires: ceux qui s’adressent à leurs enfants, à voix haute en me montrant du doigt, dans le genre « Regarde, regarde le mec là ! » comme pour dire qu’on a bien fait de se lever le matin car on aura vu un truc bizarre aujourd’hui et qu’on aura des choses à raconter après les vacances. Ceux-là souvent je les imite: je refais leur geste, je redis leurs mots… mais je doute que le message passe.

Une carte postale « animaux à protéger » : Un soir, juste avant de quitter l’autoroute à hauteur de Tirlemont, nous avons vu des cigognes perchées sur les poteaux d’éclairage (vous savez, ces poteaux qui n’éclairent plus, qui sont un souvenir de l’époque où la Belgique dépensait sans compter, sans savoir qu’il y aurait un futur). En arrivant à la maison, Madicte sort de la voiture et voit passer un vol d’oies juste au-dessus de nos têtes ! Waow ! Deux beaux spectacles en 30 minutes ! Puis, il y a quelques jours j’ai eu l’immense plaisir de revoir une espèce que je croyais complètement disparue. Elle a fait le bonheur des générations qui nous ont précédés, les jeunes de 60 ans et plus l’ont bien connue. On la trouvait le long de la route, dans les villages surtout. Penchées en avant dans une position très peu ergonomique, entrain de désherber l’entrée du garage, de la cour ou le trottoir … Souvent munies d’un couteau élimé, ces dames (oui, je parle bien de dames !) nous offraient le spectacle de leurs jambes, de leurs bas mal attachés. L’éternel tablier bleu sans manches avec des motifs de fleurs blanches, boutonné par devant. Cette espèce a survécu durant des dizaines d’années, mais la position penchée (très mauvaise pour le dos) aura eu raison de l’espèce. Il en reste l’une ou l’autre, très difficiles à photographier.

Une carte postale « parking d’autoroute » : je revenais de chez maman et me suis arrêté sur le parking Carpooling de Tienen pour un arrêt pipi. Me sonder dans la voiture est assez facile et discret. Il faisait très chaud ce soir-là, j’ai donc ouvert les fenêtres à l’avant de la voiture et ai reculé le siège chauffeur vers l’arrière de l’habitacle, pour disparaître dans la discrétion des vitres teintées. L’opération allait se dérouler normalement lorsqu’une voiture est venue se parquer à ma gauche. Nous sommes en démocratie, donc je laisse faire. Mais le chauffeur de ce véhicule avait un sérieux torticolis, il ne regardait que vers sa droite, visiblement dans ma direction (sans pouvoir me voir). Quelques secondes d’observation puis il a redémarré, a fait un tour complet du parking et est revenu  se parquer au même endroit. Il est alors sorti de sa voiture et s’est avancé, relax et tout sourire vers l’avant de ma voiture. J’imagine qu’il ne pouvait voir que ma tête via la fenêtre ouverte (pour me sonder je dois m’allonger sur le siège, presque à plat). J’ai alors agité mon petit sac et lui ai dit assez clairement « Je suis en train de me sonder, j’aimerais continuer en paix. Et tout seul ! ». Le très gentil monsieur a alors continué le tour de sa voiture, est remonté dedans et est reparti. Définitivement. Peut-être suis-je passé à côté d’une belle amitié naissante ? Mais en tout cas j’ai pu achever l’activité pressante à mon aise…

J’ai une pensée amicale et pleine d’énergie envers tous les collègues qui ont repris le chemin de l’école ! Je suis officiellement pensionné depuis le 1ier août.
Une idée musique ? Il y a longtemps que je n’avais plus entendu de chansons de Donovan… Colors par exemple. Mais je ne sais pourquoi ça n’a pas bien vieilli. Nous sommes dans le Folk des années ’60 et ’70.

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