Nous revoici, toujours en chemin vers un « mieux ». Ces derniers
temps je repense à tout le chemin parcouru depuis l’accident.
En premier lieu, il y a le chemin de la revalidation. Je me revois ne
sachant pas déboucher une bouteille d’eau, ou tenir mon gsm, incapable d’ouvrir
le tube de dentifrice. Je me rappelle quand je tournais de l’œil quand on
essayait de m’asseoir dans mon lit ou, couché sur la table de kiné, incapable
de relever la tête sans la soulever à l’aide d’une main. Il y a eu la période
de remusculation, où tous les muscles que l’on remettait en route me faisaient
mal.
Il y a eu le chemin vers l’autonomie : au début on me déplaçait dans
mon lit (vers les salles d’examens, vers la salle de kiné, …), puis dans une
chaise « passive » que l’on devait pousser (la première fois que j’ai
vu le paysage complet, du sol jusqu’au ciel, depuis les fenêtres des kinés; la
première fois que l’on m’a conduit à la chapelle (dank U Leen, ik zal het nooit
vergeten); la première sortie à l’air libre …). Puis il y a eu une chaise
électronique, spécialement affrétée pour aller rendre visite à Madicte à
Gasthuisberg le lendemain de son opération. Il y a eu les difficultés vaincues
pour arriver à manger seul. Puis tout le chemin parcouru avec la chaise roulante
« active » (quelle patience l’équipe a eue envers moi; mais aussi
quelle confiance pour y croire et m’accorder plusieurs mois de plus que la
moyenne afin d’y arriver !)
Il y a eu le chemin du mental ! Soutenu par tant de personnes, par les
blouses blanches, par d’autres patients (petite pensée pour Gunther). Mes peurs qui freinaient les progrès (dank
U Frederik : niets laten passeren, je was veeleisend met mij: zo werkt het,
zo kregen we resultaten !). Il y a eu le soutien par vos prières, tous les messages,
les visites, la présence discrète ou envahissante, les cadeaux, … J’ai cru
longtemps que je pourrais retrouver
l’usage de mes jambes et donc, pendant cette période, j’étais moins poussé à
progresser, me disant que j’allais quand-même ressortir de Pellenberg sur mes
deux jambes (après 4 mois j’ai compris que cela n’arriverait pas, j’avais perdu
l’usage de mes deux jambes et de tout ce qu’il y a entre ces deux jambes). Il y
a eu la peur du regard des autres, la peur d’être inutile une fois rentré à la
maison. Bien sûr personne ne savait qu’en rentrant à la maison la syringomyélie
faisait déjà ses ravages (dank U dokter Kiekens: op tijd gezien ! Dank U prof van Calenberg: twee operaties
later voel ik me echt goed. Wel beperkt, maar actief en autonoom!). Je dois “faire
avec” les infections urinaires, les muscles trop sollicités, les exigences des
kinés, les contrôles en clinique et ceux que je dois faire moi-même (contrôle
des pieds, des fesses, etc… pour éviter et prévenir les champignons, les
blessures); je dois m’imposer des temps de musculation, de stretching. Je dois
veiller à ne pas trop laisser de traces de mon état dans la maison, donc
veiller à ranger tout mon matériel pour ne pas encombrer le mental de ma douce
épouse.
Tout ce chemin me fait dire chaque jour que j’ai beaucoup de chance !
Je vois ce qui n’est plus, mais je suis conscient de tout ce qui reste, de tout
ce qui est à venir. Physiquement je peux encore m’améliorer. Il y a tant de
chemin à parcourir encore. Avec Madicte
à mes côtés, avec ce que chacun et chacune, famille, amis, nous apporte je sais
que je vais encore progresser ! Chaque jour je dis merci pour ce chemin.
Sans pour autant négliger ma colère envers l’assurance de la partie
adverse !
Tiens, une petite carte postale « communication conjugale »: Nous
nous préparions à passer quelques jours à Koksijde et je me voyais déjà
préparer le premier repas (à Koksijde, tout est adapté, c’est tellement plus
simple). J’avais donc fait part à Madicte de mon menu: crêpes fourrées avec
soit des poireaux soit des épinards et lardons, le tout dans une petite sauce
béchamel et de la noix de muscade. J’en salive encore. Lors de nos achats,
Madicte me propose d’acheter des wraps tout faits (gains de temps). J’accepte.
Rentrés à l’appartement nous reparlons du repas et elle me demande si on va
réchauffer les wraps, tout en me disant que nous avons du chou et un peu de
salade et que ce serait mieux froid. Je m’énervais intérieurement car on
passait de ce que j’avais prévu (crêpes chaudes fourrées
lardons-poireaux-béchamel) à ce qu’elle me proposait (wraps froids
salade-choux). Je me voyais entrer en Carême avant l’heure, avec la
face-qui-va-avec ! Pourquoi ne pas remplacer le thé par de l’eau chaude et
le chocolat par des chips de kiwi (‘tit clin d’œil à Marie-France) ? Ce
que j’ignorais (parce que non dit), c’est qu’elle pensait y ajouter du saumon
et des crevettes et sa spécialité: la vinaigrette Madicte! Comme quoi… la
communication complète, c’est important (même en-dehors du Carême).
Une carte postale côtière maintenant: j’ai fait une longue balade seul en
handbike. C’est assez amusant de voir le regard des gens: il y a les intrigués,
qui regardent visiblement la machine; certains ont un regard curieux, parfois
admiratif. Puis il y a ceux qui se sentent pris en défaut de curiosité et qui
détournent le regard dès qu’ils croisent le mien, qui est pourtant en général
amusé et souriant. Ensuite il y a les enfants, les plus spontanés « C’est quoi ce drôle de vélo maman ? »
ou ceux qui osent demander directement « Pourquoi t’as un vélo comme ça ? », avec ceux-là la
conversation s’engage facilement, ils sont curieux mais en même temps
respectueux et spontanés. Il y a ceux qui sourient, alors on se salue de la
main, d’un clin d’œil. Puis il y a les pires: ceux qui s’adressent à leurs
enfants, à voix haute en me montrant du doigt, dans le genre « Regarde, regarde le mec là ! »
comme pour dire qu’on a bien fait de se lever le matin car on aura vu un truc
bizarre aujourd’hui et qu’on aura des choses à raconter après les vacances.
Ceux-là souvent je les imite: je refais leur geste, je redis leurs mots… mais
je doute que le message passe.
Une carte postale « animaux à protéger » : Un soir, juste
avant de quitter l’autoroute à hauteur de Tirlemont, nous avons vu des cigognes
perchées sur les poteaux d’éclairage (vous savez, ces poteaux qui n’éclairent
plus, qui sont un souvenir de l’époque où la Belgique dépensait sans compter,
sans savoir qu’il y aurait un futur). En arrivant à la maison, Madicte sort de
la voiture et voit passer un vol d’oies juste au-dessus de nos têtes !
Waow ! Deux beaux spectacles en 30 minutes ! Puis, il y a quelques
jours j’ai eu l’immense plaisir de revoir une espèce que je croyais
complètement disparue. Elle a fait le bonheur des générations qui nous ont
précédés, les jeunes de 60 ans et plus l’ont bien connue. On la trouvait le
long de la route, dans les villages surtout. Penchées en avant dans une
position très peu ergonomique, entrain de désherber l’entrée du garage, de la
cour ou le trottoir … Souvent munies d’un couteau élimé, ces dames (oui, je
parle bien de dames !) nous offraient le spectacle de leurs jambes, de
leurs bas mal attachés. L’éternel tablier bleu sans manches avec des motifs de
fleurs blanches, boutonné par devant. Cette espèce a survécu durant des
dizaines d’années, mais la position penchée (très mauvaise pour le dos) aura eu
raison de l’espèce. Il en reste l’une ou l’autre, très difficiles à
photographier.
Une carte postale « parking d’autoroute » : je revenais de
chez maman et me suis arrêté sur le parking Carpooling de Tienen pour un arrêt
pipi. Me sonder dans la voiture est assez facile et discret. Il faisait très
chaud ce soir-là, j’ai donc ouvert les fenêtres à l’avant de la voiture et ai
reculé le siège chauffeur vers l’arrière de l’habitacle, pour disparaître dans
la discrétion des vitres teintées. L’opération allait se dérouler normalement
lorsqu’une voiture est venue se parquer à ma gauche. Nous sommes en démocratie,
donc je laisse faire. Mais le chauffeur de ce véhicule avait un sérieux
torticolis, il ne regardait que vers sa droite, visiblement dans ma direction
(sans pouvoir me voir). Quelques secondes d’observation puis il a redémarré, a
fait un tour complet du parking et est revenu
se parquer au même endroit. Il est alors sorti de sa voiture et s’est
avancé, relax et tout sourire vers l’avant de ma voiture. J’imagine qu’il ne
pouvait voir que ma tête via la fenêtre ouverte (pour me sonder je dois
m’allonger sur le siège, presque à plat). J’ai alors agité mon petit sac et lui
ai dit assez clairement « Je suis en
train de me sonder, j’aimerais continuer en paix. Et tout seul ! ».
Le très gentil monsieur a alors continué le tour de sa voiture, est remonté
dedans et est reparti. Définitivement. Peut-être suis-je passé à côté d’une
belle amitié naissante ? Mais en tout cas j’ai pu achever l’activité
pressante à mon aise…
J’ai une pensée amicale et pleine d’énergie envers tous les collègues qui
ont repris le chemin de l’école ! Je suis officiellement pensionné depuis
le 1ier août.
Une idée musique ? Il y a longtemps que je n’avais plus entendu de
chansons de Donovan… Colors par exemple. Mais je ne sais pourquoi ça n’a pas bien
vieilli. Nous sommes dans le Folk des années ’60 et ’70.
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