Voilà… mes journées passent lentement ici à Gasthuisberg. Actuellement ma
blessure ne demande pas de soins quotidiens, juste une intervention sur le
billard plus ou moins tous les 5 jours.
Donc je vois les infirmiers, infirmières pour la toilette, les repas, les
prises de sang, les doses d’antibiotiques toutes les 6 heures, le contrôle de
la température et de la tension. Pas d’activités physiques, pas de chaise
roulante, pas de kiné, de natation, pas de basket, je me mets moi-même en mouvement
avec les bras pour ne plus perdre trop au niveau des muscles. Donc pas mal de
moments de solitude, que je vis plutôt bien.
Voici quelques extraits de messages envoyés à l’un ou l’autre, cela vous
donnera une idée de mon quotidien :
-En faisant très court c'est une infection
d'une blessure à la fesse qui m'a amené aux urgences. Le côté sournois de cette
infection est que ça s'est surtout développé en profondeur, quand on l'a vue en
surface l'os était atteint. Il a fallu plusieurs opérations pour nettoyer et
assainir la plaie. Ce 15 août ce sera la 5ième fois que je passe sur le
billard. Chaque opération en prépare une autre, l'objectif étant de prendre un
morceau de muscle ailleurs pour "boucher le trou ". Mais pour cela il
faut que l'intérieur de la plaie soit impeccable, disons même à l'image de
Marie, qu'elle soit immaculée (ah ah, référence au 15 août), mais en ce
qui me concerne on ne met pas de majuscule.
Madicte est formidable, d'une patience d'ange, avec la force
de l'amour, elle est à la fois active, présente,
efficace, souriante, courageuse, disponible, et j'en passe.
C'est amusant, je préfère parler de ma femme plutôt que de mes fesses et
pourtant il me faut moins de mots pour y arriver...
-Ici la vie monacale donne le
rythme (en gros, frénésie style escargot). Plus de fièvre, les opérations se
succèdent, le moral est bon.
-Mes journées sont
plutôt plates… sans grand intérêt. Ce qui est encore le plus passionnant, ce
sont les jours d’opérations, hormis le fait de rester sans manger et sans
boire, car je vois du monde : d’abord la personne du service logistique
qui vient me chercher. Pendant le trajet de la chambre à la « salle
d’attente », on papote. Ces personnes-là, qui ne font que véhiculer les
gens toute la journée, parcourent sans problème 18 à 20 km par jour ! Puis
il y a l’infirmier / ière de la « salle d’attente » qui me demande
mon nom, ma date de naissance, pourquoi je suis là, si on m’a bien dessiné une
flèche au marqueur indiquant où je dois être opéré (contrôle visuel), si je
n’ai pas de fausses dents, si j’ai des allergies (c’est tout un protocole, qui
devient un rituel pour moi – j’ai une fois demandé pourquoi on posait toujours
ces questions-là, et pas par exemple quel est le nom de votre chat, ou de votre
chien. Résultat, une infirmière que j’ai vue plusieurs fois m’a demandé la
dernière fois comment s’appelle mon chat !). Puis j’arrive dans la salle
d’opération… où l’on me repose exactement les mêmes questions avec en plus un
contrôle buccal : il faut ouvrir la bouche bien grande! Il y a certaines
personnes que je reconnais, entre autres des anesthésistes. La première fois
que je suis arrivé là, je me sentais stressé et j’ai demandé si personne
n’avait une blague à raconter. Dans chaque équipe, il y a le comique de
service, j’ai donc eu droit à ma blague. Et lors de mes deux derniers passages
sur le billard, ils connaissent leurs dossiers, j’ai été accueilli par un
« Mijnheer de Tender ! Wij hebben een goeie
voor U ! » (Nous en avons une bonne pour vous). C’est là qu’on se sent vivre! Good vibrations!
J’avais écrit des cartes postales au début de mon séjour, les voici
seulement.
Carte postale « ombres
chinoises » : ce dimanche, le soleil termine sa course entre les
immeubles de Gasthuisberg et arrive jusqu’à notre chambre. Comme l’infirmière
soigne ma blessure et change les pansements, elle a tiré le rideau entre mon
voisin et moi. Je suis allongé sur le côté droit et après quelques minutes je
découvre l’ombre chinoise de mon voisin, couché sur son lit… Contrairement à
moi, il n’est pas inactif: il va chercher de la matière première dans son nez
puis commence un minutieux travail de façonnage : il roule ladite matière
entre le pouce et l’index pour former une petite boulette (ça dure au moins 30
à 45 secondes par boulette). Puis, avec la désinvolture de l’artiste parvenu au
sommet le la gloire, il laisse son chef d’œuvre tomber sur le sol. Comme ça ne
fait pas de bruit, je ne sais rien vous décrire de la chute. Bloqué au lit, je
ne risque pas d’être somnambule et de détruire cet art éphémère en le piétinant
durant la nuit…
Une carte postale
« solidarité » : en juin, nous sommes partis avec trois couples
d’amis dans une maison dans le Gard. Nous y sommes déjà allés l’an passé,
invités par les amis et cousins proprios des lieux. Parmi les activités
auxquelles j’ai participé, il y a eu deux mémorables tournois de pétanque. Le
premier sur la place du village, le second dans le jardin de la maison (un vrai
boulodrome !). Très heureux de notre position de derniers au classement à
l’issue du premier tournoi, Martine et moi avons refait équipe pour la suite.
J’ai signalé que mes mauvais résultats étaient dus à ma position assise ;
le groupe a alors suggéré que tout le monde soit mis sur un même pied d’égalité
et l’on a amené une chaise à côté de moi. Nous avons tous joué assis !
Cela a juste confirmé notre position de derniers au classement…
Carte postale « on ne va tout de même pas
demander à un handicapé ! » : Madicte et moi revenions du
village (toujours en France) ; elle photographiant fleurs et autres
beautés de la nature sur les bas-côtés, moi prenant quelques mètres d’avance à
chacune de ses haltes. Soudain une voiture venant vers nous s’arrête à ma
hauteur, la fenêtre passager s’ouvre et une jeune dame commence à me demander
quelque chose dans un langage très simple (toi comprendre moi ? Moi pas
parler trop vite ? – j’exagère à peine!). Juste au milieu de la question,
Madicte surgit derrière moi. Aussitôt le chauffeur interrompt sa passagère et
dit qu’on va demander à la dame. Il ouvre sa fenêtre et se penche en faisant
signe qu’il faut venir écouter de son côté. Ce n’est pas la première fois que
ça arrive : les gens s’adressent plus facilement à l’accompagnateur qu’à
la personne en chaise roulante…
Actuellement, il n’est pas question que je
quitte le lit, je ne sais donc rien de ce qui se passe dans le couloir. Il y a
des bruits, des rencontres, des conversations mais auxquelles je ne participe
pas. Ce n’est pas ma rue, c’est juste un couloir. Un peu isolé de l’animation,
je prends cela avec philosophie.
On pense que l’infection est arrivée suite au
travail préparatoire à une coloscopie (du grec Kolos, qui veut dire
géant ; et du wallon Co pis, qui signifie encore plus grave – une
coloscopie est donc un contrôle afin de s’assurer que rien n’est
disproportionné - dans la tuyauterie).
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