mercredi 13 novembre 2019

Life’s a piece of shit, just remember the last laugh is on you


Voilà, je suis à Pellenberg depuis le 23 septembre ! Le début de mon séjour en revalidation a été ponctué par quelques retours originaux à Gasthuisberg. Retours variant entre petit passage aux urgences et en urologie ou encore séjour « pour examens complémentaires » suite à des infections, des variations anormales de tension et des poussées de fièvre. Avant cela, il y a eu les 4 semaines qui ont suivi la dernière opération qui ont été très monotones : d’abord une dizaine de jours devant rester uniquement sur le côté droit, puis un peu à la fois la chirurgienne m’a autorisé à me mettre sur le dos. Mais sans avoir l’occasion de sortir de ma chambre, sauf une fois, quelques jours avant mon transfert : un contrôle urologique m’a amené au rez-de-chaussée. C’est ce qui m’amène à ma première carte postale… qui n’en n’est pas une, car c’est une non-histoire.
Nous sommes dans un long corridor, la dame de la logistique pousse mon lit (tous mes déplacements durant cette période se faisaient en lit) et arrive face à nous un groupe de policiers. Immédiatement j’échafaude un mini scénario qui, selon moi, devrait faire sourire. Donc je commence par imaginer que je vais disparaître sous ma couverture et trouver une phrase à dire. Quelque chose du style « Dis-leur que tu ne m’as pas vu ! », ou alors « C’est pas moi, j’vous jure ! », ou peut-être « Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat »… Ayant un choix à faire rapidement et le groupe de policiers se rapprochant, je me suis dit que j’allais laisser tomber ma tentative. Grand bien m’en pris… Le groupe de policiers accompagnait un homme menotté que je n’avais jusque-là pas remarqué. Comme quoi, parfois, le silence est le meilleur des choix.
Carte postale « accueil à Pellenberg » : Je suis impressionné par le nombre d’infirmières, aides-soignantes, de kinés et ergos qui m’attendaient. Il y a eu une sorte de défilé dans ma chambre les deux premiers jours. Un mot d’accueil sur le petit tableau en face de mon lit. Sans compter la visite surprise de Koen, un ancien compagnon de revalidation d’il y a 5 ans. Il passait par là et a appris que je séjournais à nouveau dans la section 233.
Ma nouvelle adresse est donc :

Revalidatiecentrum UZ Pellenberg
Eenheid 233 – kamer 1
Weligerveld 1
3212 Lubbeek – Pellenberg

Ma revalidation a réellement démarré voici 4 semaines. La force faisait défaut, les muscles recommencent à travailler. Il faut réapprendre les transferts, les manœuvres avec la chaise roulante. Et… réapprendre à avoir confiance pour tout cela ! La condition physique est déplorable, je n’ai plus aucune résistance à l’effort. On y va progressivement.
J’ai quelques cartes postales que je vous partage volontiers.



La première a trait au départ de Marieke Vervoort. Il y a 5 ans, elle a fait un séjour de quelques semaines à Pellenberg et nous y avons fait connaissance. Elle m’a tiré la tête hors de l’eau à une époque un peu difficile, elle m’a botté le derrière lorsqu’il le fallait. Nous avons gardé le contact et sommes allés régulièrement chez elle à Diest, ou lui rendre visite lors de ses nombreux séjours en clinique à Diest ou à Jette. Elle nous a partagé sa décision de se faire euthanasier. Un jour nous lui avons proposé de l’aider à élaborer la cérémonie d’à-Dieu, lors de son enterrement, ce qui nous a donné de vivre de beaux moments de proximité et de partages. Lors de mon dernier séjour à Gasthuisberg, Madicte et moi avons eu le privilège de la rencontrer, chacun séparément, alors qu’elle y était elle-même hospitalisée. Moments intimes, intenses. Connaissant la date fixée pour son envol, nous savions que c’était pour chacun le dernier « au-revoir ». Les mots, les gestes de ces moments-là sont dans le coffre « secrets du cœur » et ne seront pas dévoilés. Au moment de son euthanasie, j’étais dans ma chambre avec Emilie et Jan, ce qui m’arrangeait bien pour ne pas trop y penser. Avant leur arrivée, j’avais choisi d’écouter JJ Goldman sur Youtube. J’ai laissé défiler les chansons et à l’arrivée de Jan et Emilie je n’ai pas coupé la musique, j’ai juste diminué le son pour avoir une musique de fond. A l’heure où Marieke quittait cette Vie a commencé la chanson « Puisque tu pars », chanson que j’associais à Marieke à cause de certaines paroles :
« cette force de penser que le plus beau reste à venir »
« puisque ta maison aujourd’hui, c’est l’horizon »
« sache qu’il reste de toi comme une empreinte indélébile ».
« nous t’aimons trop pour te retenir »
Bien que cette chanson ait été écrite lorsque son fils a voulu quitter la maison, certains mots peuvent être détournés en leur donnant la signification que l’on désire. Je ne m’en prive pas.
Le lendemain matin je partageais cela avec une infirmière, qui m’a dit que lors de son dernier séjour à Pellenberg, Marieke occupait la chambre où j’étais, son lit étant juste à l’endroit du mien. Il n’y a pas de hasard ! Je crois à ces signes de la Vie ! Voilà, je ne vais pas m’éterniser davantage sur ce sujet . Il y a certainement encore beaucoup à dire, à débattre à propos de l’euthanasie… Je pense qu’une personne médiatique comme Marieke aura secoué le cocotier.




Une carte postale « maison » : ces  deux derniers WE je suis rentré à la maison. Beaucoup de bonheur, de plaisir d’être là avec Madicte. Peler ensemble les légumes pour le potage, faire la vaisselle, prendre une douche (avec la présence rassurante de Madicte !), prendre le petit déj du dimanche avec Emilie et Jan, avoir le chat qui revient spontanément sur mes genoux, recevoir la visite de Geneviève, nous rendre à l’anniversaire d’amis, … J’ai presque l’impression d’avoir une vie normale ! J’ai aussi vu où étaient mes limites à la maison, les domaines où je dois encore progresser avant un retour définitif. En circulant dans le village j’ai vu des changements: une maison qui était en démolition il y a trois mois a fait place à une belle pelouse ; une autre maison a maintenant une nouvelle brique de façade ; le Centre de Rencontre du village est terminé: la vieille école a fait place à un bâtiment multifonctionnel, le trottoir a été réparé, … On s’absente trois mois et le monde change ! (un peu). Sans parler des surprises concoctées derrière mon dos: la cuisine a été repeinte ! A mon arrivée, un ruban me barrait l’entrée de la cuisine. J’ai inauguré la cuisine définitive ! Merci à Charly d’avoir donné du temps et de l’huile de bras pour finaliser les travaux ! Autre surprise : Madicte a organisé un repas d’anniversaire avec les enfants ! Je ne me doutais de rien et nous nous nous sommes retrouvés ensemble à table pour la première fois depuis le mois de juin !

Une carte postale de « ma rue » à Pellenberg : je retrouve mes infirmières, mes kinés, mes ergos, mes thérapeutes sportifs. Que du bonheur nom didjo ! Il n’y a que parmi les revalidants qu’il y a de nouvelles têtes (pour moi), mais on fait connaissance lors des séances de torture chez les kinés, les ergos ou dans la salle de sport. Beaucoup de messages passent dans un regard, dans un sourire complice ou dans des encouragements, des félicitations pour celle ou celui qui a franchi une étape insurmontable la veille encore. Il y a des personnes attachantes, quelqu’un de plus fermé, qui a sans doute du mal d’accepter sa situation, il y a toujours dans le tas l’un ou l’autre que je ne comprends pas parce que nous ne parlons pas la même langue de Vondel. Il y a une dame francophone qui s’exprime avec un accent liégeois très prononcé. Il y a quelques jours, au réfectoire, elle demandait « du péh » à l’infirmière. Celle-ci s’est tournée vers moi, le regard interrogateur… La dame demandait du pain.

Depuis mon arrivée fin juillet à Gasthuisberg, je n’ai pas posé les fesses sur une chaise roulante durant 2 mois. Les premiers tours de roues furent prudents, voire alarmants, tant je n’osais rien comme manœuvres. Je n’osais plus rien. La technique était dans ma tête, mais passer à la pratique était une toute autre histoire ! Ce mardi 5 novembre, jour de mes 61 ans, j’ai eu un cours de chaise roulante avec une de nos thérapeutes sportives. En une heure j’ai rattrapé le temps perdu ! Tout est revenu ! Confiance en moi, évaluation des difficultés, dosage de la force nécessaire. Ouf ! Maintenant il me faut entretenir cela. Il y a 5 ans, on me disait que ce n’est qu’après avoir franchi 1000 fois un obstacle qu’on peut prétendre être capable de le franchir…
J’ai appris que mon retour définitif à la maison est prévu pour le vendredi 29 novembre ! Le compte à rebours a commencé !

Une idée musique : Rondo Veneziano ! Musique entrainante, virevoltante, douce aussi ! L’idéal pour lire un livre.



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