mercredi 3 février 2021

 

Souquez les artimuses !

 

Il y a si longtemps que je n’ai plus pris mon clavier.

C’est normal, quand on n’a rien à dire, on ne le dit pas.

Les onze derniers mois ont été particuliers pour tout le monde et ma petite vie n’a rien d’extraordinaire… Si je cherche, j’ai peut-être l’une ou l’autre carte postale à vous partager. Mais habituellement ces cartes postales ont un côté humoristique… parfois un peu philosophique, or il se fait que je n’avais pas grand-chose de comique qui me soit arrivé à vous partager. Cependant…

La première carte postale s’intitule « ne rien faire est aussi parfois dangereux ». En juillet je me suis rendu à Gasthuisberg pour un contrôle. Pendant que Madicte faisait la file pour m’inscrire (elle prend souvent les choses en mains), j’attendais dans le grand hall d’entrée. Soudain j’ai entendu un bruit terrible tout près de moi. Premier réflexe : un attentat, mais dans la seconde je me suis rendu compte que ce n’était pas possible. Pas de cris, pas de fumée ou de poussière. Donc ce n’était pas non plus un morceau du plafond qui nous tombait sur la tête. Cinq ou six secondes ont été nécessaires pour me décrisper et tourner la tête pour essayer de comprendre et découvrir ce qu’il s’était passé… Il y a un espace réservé à des terminaux informatiques pour les gens qui s’inscrivent seuls pour les consultations et autres rendez-vous. Ces écrans sont fixés dans des boîtiers métalliques eux-mêmes fixés sur des socles bien lourds, pour éviter des les faire choir.
Or… il y a moyen de les faire choir ! Un vieux monsieur a perdu l’équilibre et a voulu se rattraper à l’un de ces appareils, bien trop léger pour résister  au poids d’un Belge moyen. Donc tout a volé par terre et a atterri à 10 cm de ma roue gauche. On dira qu’un ange gardien a veillé à ce que je me parque à cet endroit, car 20 ou 30 cm plus près des appareils, c’eût été pour ma pomme, ou pour ma poire. Les angles du boîtier métallique auraient de loin été plus fort que mon petit crâne, qui en a pourtant déjà vu d’autres. Un gardien a redressé l’appareil, des gens bienveillants ont d’abord assis le vieux monsieur à même le sol et se sont occupés de lui.

Et une douzaine de badauds ont sorti leur smartphone pour filmer et prendre des photos. Ainsi ils ont eu quelque chose à raconter, photos à l’appui (contrairement à moi, qui ai pris la photo deux mois après pour vous permettre de visualiser ma prose).

Toujours Gasthuisberg, quelques mois plus tard: début décembre, je me présente à un contrôle et passe une heure dans une salle en compagnie de deux charmantes dames en blanc, où l’on mesure la capacité de ma vessie (c’est un exercice sérieux, qui n’a rien à voir avec les exercices estudiantins qui se pratiquent souvent avec de la bière et via la bouche; moi c’était du sérum physiologique et directement par la sortie). Trois jours plus tard nous recevons un coup de fil de Gasthuisberg nous expliquant que l’une des infirmières qui s’est occupée de moi a été testée positive au Covid. Je dois donc également me faire tester, mais après un temps nécessaire pour l’incubation. Me voici donc en quarantaine durant 6 jours. Plus aucun contact, plus de kiné, plus de sortie, plus de câlins avec ma femme préférée. Je savais que l’isolement n’est pas marrant; ici je l’ai vécu complètement. J’ai évidemment pensé à maman, qui a vécu la quarantaine dans son home après avoir été testée positive, enfermée dans sa chambre, recevant les repas de personnes complètement emmitouflées, masquées, sans aucun contact physique… C’est terrible.

Carte postale « quand votre famille s’agrandit » . Nous avons eu la grande et bonne surprise d’apprendre que Jan et Emilie attendent un enfant ! Il y avait un petit emballage cadeau caché au living et nous devions d’abord le trouver. L’emballage contenait le test de grossesse positif. Yéééé ! Nous voilà en route pour une nouvelle aventure de la Vie ! Il a fallu garder la nouvelle secrète jusqu’à ce que les futurs parents l’annoncent eux-mêmes, ce qui est fait. Nous avions déjà depuis longtemps choisi comment nous nous appellerions en tant que grands-parents: mon attachement au coquelicot (pour la symbolique de cette fleur et son rappel du souvenir des anciens combattants) m’a fait choisir Poppy. Mais pour Madicte ce ne sera pas Mommie 😉 ! Elle a choisi Mamie…

Je ne sais pas comment vous réagissez face à vos rêves… Moi je ne m’en souviens pour ainsi dire jamais, juste parfois une bribe, une image sans plus. J’ai une fois entendu cette phrase à la radio « Un rêve qui n’est pas interprété, c’est une lettre qu’on n’a pas lue ». J’ai juste constaté dans le tout petit peu de ce qui reste lors de mon réveil, c’est que je ne suis jamais en chaise roulante, je marche comme tout le monde.

La suite n’est plus vraiment des cartes postales, ce sont davantage des états d’âme. Tout ce que je fais se fait bien plus lentement qu’autrefois, j’ai vraiment l’impression que tout tourne au ralenti. N’ayant plus d’activité fixe, je me sens régulièrement inutile. Je me sens limité au niveau de l’espace de vie, limité dans ma capacité à réaliser certaines choses, j’ai envie d’essayer et dois parfois insister pour pouvoir essayer. Bien des gens veulent m’aider, dans les magasins par exemple. J’explique alors que c’est très gentil et amical de me proposer un coup de main, mais je préfère essayer seul, pour me donner un sentiment d’autonomie, pour ne pas devenir paresseux, pour entretenir ce que je sais faire, pour essayer d’encore progresser. Les gens comprennent bien et parfois sur le parking du Colruyt une conversation s’engage. J’ose aussi demander si un produit est trop haut dans les rayons. Il y a des domaines que Madicte a pris en mains il y a 6 ans et demi, des domaines où elle a posé sa marque, placé son organisation et où je ne me retrouve pas. Je gérais certains dossiers à ma manière autrefois et n’arrive pas à entrer dans son organisation (qui n’est pas mauvaise, loin de là ! mais qui n’est pas la mienne). J’aimerais peu à peu reprendre la main pour certaines choses, mais en alliant nos deux systèmes. Elle a pris en mains le décompte des frais à transmettre à l’avocat et est arrivée à saturation ; je devrais logiquement prendre le relais mais nous devrions organiser si pas une passation de pouvoir, à tout le moins un glissement de compétences. J’ai une boule dans le ventre quand je vois qu’il n’y a tout simplement pas de place pour déposer les dossiers qui s’amoncellent au living. Mon « bureau » dans notre chambre est une sorte de refuge mais qui est largement insuffisant pour ce que je voudrais organiser.

J’ai une reconnaissance infinie envers les amis qui viennent donner un coup de mains pour le jardin, j’ose demander, dire si c’est ok ou non. Ils se sont attaqués à l’intérieur (garage, atelier, lavanderie + la cabane de jardin : quatre lieux où s’accumulent des objets que nos enfants jetteraient sans même se poser de questions si nous devions disparaître maintenant). Dans ma précipitation à vouloir éliminer, je vais peut-être un peu vite parfois. Je voulais donner deux vieux ordis à une école, mais ils ne convenaient pas. Donc je me suis dit qu’ils étaient bons pour le parc à conteneurs ; Madicte m’a demandé d’attendre (yéééé !). Et voici qu’il y a quelques jours elle a trouvé en la personne d’un réfugié une destination au moins vieux des deux ordinateurs. Via Frédéric et la Défense, il a été nettoyé et remis en état avant d’être donné. Mais je n’envisage pas le même parcours pour du vieux (très vieux) matériel de camping et d’autres objets que je ne citerai pas ici (sérieusement :j’ai honte de ce que nous gardons parfois !). Bref pour le moment il y a aussi des pensées moins lumineuses… Lors de cette journée « on fait le vide », nous avons mis des objets devant la maison, avec un panneau « gratuit ». Un monsieur kosovar est passé, a tout pris et a demandé si nous n’avions rien d’autre. Nous lui avons trouvé du matériel de camping, il était très content. Et moi aussi. L’atelier m’est de nouveau accessible, je pourrai aller chercher moi-même un tournevis, de la colle, etc…

Les plans définitifs des adaptations de la maison sont prêts, le permis de bâtir est dans la poche. Peut-être verrons-nous la fin des travaux cette année ?

Au risque de me répéter, j’ai le grand bonheur de voir chaque matin Madicte danser, virevolter, chanter autour du lit. Les leçons de piano lui demandent beaucoup d’exercices ; elle s’entraîne donc de nombreuses heures chaque semaine. Je n’ai que du plaisir d’entendre les morceaux qu’elle joue ainsi que les gammes (« Et vos gammes Monsieur Wagner ? »). Nous nous disons régulièrement la chance que nous avons de nous être rencontrés il y a bientôt 41 ans. Notre chemin a été original, mais je ne regrette rien. Je re-signe chaque jour pour un nouveau bail.

Voilà… désolé pour le peu de cartes postales… ma vie est quelque peu monotone.

Si vous avez l’occasion, redécouvrez la musique du groupe « Rondo Veneziano », c’est entraînant et ça met de bonne humeur !

 

 

 

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