Me
revoici face à mon écran d’ordinateur… Ce qui m’occupe l’esprit ces derniers
jours, hormis la santé de Madicte, hormis ma revalidation, hormis nos enfants
qui encaissent beaucoup, c’est cette fameuse actualité; je pense aux attentats
de Paris.
Je ne
sais pas par où commencer, quel fil de l’écheveau tirer en premier lieu. Les
tueries? Les chasses à l’homme? La solidarité? La récupération politique?
Je suis
déjà animé par l’idée qu’aucune conviction religieuse ne doit mener à supprimer
la Vie (sa propre Vie et celle des autres), qui plus est dans le contexte
présent dans un but de vengeance. Je n’ai pas de dictionnaire sous la main,
mais pour moi, la vengeance est réaction infligée par une personne ayant subi un
dommage; pas par quelqu’un de solidaire de cette personne. Pour moi cela
s’appelle de la rage, de la haine… Nous sommes ici dans un contexte
particulier, celui des convictions philosophiques. Tuer au nom de Dieu, c’est
se tromper de patron ! Certains veulent donner des conseils à nos frères
musulmans en matière des droits de la femme (par exemple)… Sommes-nous bien
placés pour le faire? Si chacun balaye devant sa porte, il faut reconnaitre que
la chrétienté, pendant des siècles, n’a pas été un exemple en matière de
tolérance. Aujourd’hui encore, le KKK, aux Etats-Unis, fonde son action et ses
convictions sur des passages de la Bible. Pourquoi nous autorisons-nous à
donner des leçons si nous, chrétiens, ne sommes pas capables de régler des
problèmes internes à notre religion ? (encore que… peu de chrétiens
reconnaissent le KKK comme faisant partie de leur famille religieuse !)
Un
journal comme Charlie Hebdo est une machine qui a fait du droit à la liberté
d’expression son fond de commerce, tout en sachant qu’il provoquait pas mal de
gens avec le modus qu’on ne blesse pas les gens: on les provoque sous le
« droit » à la liberté d’expression. Si je ne m’abuse, Charlie Hedbo
est né des cendres du journal Hara Kiri « le journal bête et méchant ».
Ces mêmes gens-qui-n’ont-pas-le-droit-d’être-blessés réagissent de manières différentes: il y a
ceux qui se taisent, ceux qui trouvent cela très bas, ceux qui se sentent
blessés voire humiliés, ceux qui en rigolent, ceux qui s’énervent, ceux qui
veulent « passer à l’action », et bien d’autres encore… Dans l’émission présentée par Naguy, passée à
la TV suite aux attentats (je reconnais avoir zappé et n’ai pas vu plus d’un
quart d’heure en tout), j’ai été frappé par la conjugaison de deux arguments: la
liberté d’expression et la suprématie républicaine de la laïcité (ou était-ce
la suprématie de la laïcité républicaine ?). Mais la laïcité présentée là
(je redis, je n’ai entendu que quelques morceaux de cette émission) m’a donné
l’impression d’être anti-religieuse. Ce n’est pas la laïcité que je connais, ni
celle que j’imagine: celle de la tolérance et du respect, celle du libre
arbitre. J’ai eu l’impression qu’il s’agissait d’un Pouvoir, presque d’une
dictature. Dans l’émotion du moment, les spectateurs applaudissaient, mais
étaient-ils tous conscients de ce qu’ils approuvaient ?
Il y a
beaucoup de malsain dans la provocation de Charlie Hebdo. Je trouve les
assassinats qui répondent à de telles provocations inacceptables, loin de toute
humanité et de toute éthique religieuse. Mais ils ont été provoqués. Partout et
de tous temps il y a eu des « fous de dieu » (oups, j’ai oublié la
majuscule), mais la moquerie gratuite, la provocation méchante et non
respectueuse sont à mon sens des actes non pas à éviter mais bien à bannir. Je
préfère l’humour juif, qui rit de lui-même, de ses croyances; de même que
l’autodérision des chrétiens.
J’ai
beaucoup aimé les liens solides qui unissaient les Français. C’était évidemment
l’image que devaient donner tous les médias ! Mais… combien d’entre eux (les Français) ne se
sont pas manifestés, gardant en silence leur peur, leur haine de l’étranger qui
vient s’installer en France et en Europe?
Je vais
en rester là concernant le chapitre «actualité », restant prêt à débattre
et à échanger avec vous (venez non armés, vous serez mieux accueillis !).
Un temps de prière partagée est aussi possible (j’ai une
chapelle-presque-privée) si vous promettez de ne pas vous moquer de mes
convictions…
Je
reviens à mes cartes postales (j’y prends goût, moi aussi).
Une
première carte, assez impressionnante : dans le jargon militaire, je dirai
que nous avons été renvoyés dans nos foyers vendredi. Depuis quelques jours, un
vilain virus agissait à Pellenberg. Nous avons été confinés dans nos chambres
dans le courant de la matinée vendredi. Interdiction de sortir, si ce n’était
pour quitter le site de Pellenberg ! Le virus a pris une telle ampleur que
les non malades-mais-transportables ont été invités, dans la mesure du
possible, à rentrer chez eux pour le WE . Je suis donc rentré vendredi sur
le temps de midi ! Retour probable ce mercredi soir…
Autre
carte postale: mon retour à la maison s’est fait avec notre voiture !
J’avais commencé à apprendre le transfert dans un véhicule dans les ateliers de
Pellenberg, dans une auto réservée à cet effet. Exercice difficile, pour lequel
mes kinés et ergos semblaient réservés quant à son succès. Or voilà que le
transfert dans notre voiture semble plus simple. Tant mieux, bien que ce ne
soit que du côté passager. Côté chauffeur, c’est trop tôt pour y penser. De
plus, il faudra voir si je pourrai reconduire (ce que je compte bien faire un
jour !), mais on est toujours très prudent dans les pronostiques. C’est
impressionnant comme en quelques mois j’ai perdu certains automatismes. Par
exemple, je ne savais plus du tout comment allumer ou éteindre le moteur de la
voiture! (il y a un bouton sur lequel il faut appuyer) Ma Vie à Pellenberg est
vraiment loin de tout le concret, de votre quotidien. Donc : continuez à
m’envoyer des cartes postales de votre Vie ! Elles me rappellent ce que
sera ma Vie quand j’aurai fini ma revalidation.
Merci !!!
Carte
postale maison : chaque séjour à Zepperen
nous donne l’occasion de peaufiner ce que seront nos besoins, quelles
seront les adaptations nécessaires pour une vie « normale » pour moi
dans nos murs. Nous sommes dans un processus encore peu précis, mais qui
évolue, qui avance. J’admire Madicte qui a beaucoup de patience avec moi, qui
veut faire un maximum pour moi.
Carte
postale physique: je pensais avoir fait le tour des muscles qui font mal en se
remettant au travail. Hé bien non: on en trouve de nouveaux chaque
semaine ! Autres exercices, autres postures, mêmes douleurs. Après un
certain temps, je découvre que tel exercice me
facilite un transfert, que tel mouvement se fait plus naturellement. Il
arrive quasi tous les jours que, confronté à un effort physique, je jure un bon
coup (style Franquin), pensant y arriver plus facilement. Il y a toujours une personne
à mes côtés pour me dire son étonnement qu’en tant que prof de religion, je
sois capable de tant de jurons. Ce à quoi je réponds invariablement qu’une
petite prière, ça aide toujours. Revalidation est un mot « valise »
qui est rempli de tant de techniques, de coordination, de patience, de
confiance. Les heures d’entrainement en chaise roulante sont vraiment
nécessaires. Je ne voudrais en manquer aucune ! Je ne prétends pas devenir
sage, mais il est clair que ces 7 derniers mois auront été une fameuse leçon de
Vie.
Carte
postale « timing »: J’ai appris la semaine passée que j’ai encore
trois mois de revalidation. Cela m’a rassuré, voyant tout ce qui doit encore
être acquis ! On m’a bien précisé que le retard causé par mes deux poignets
cassés a été pris en compte, que je continue à faire des progrès (quand on ne
progresse plus, on rentre chez soi), que je peux encore améliorer certaines
techniques, que je dois encore apprendre et maitriser beaucoup de techniques.
Ouf ! Une de mes craintes était justement que l’on estime que je ne
pourrais plus progresser (peur personnelle, non fondée ! Quand je vous
disais que la peur est la pire des conseillères ! Je découvre chaque jour
le rôle néfaste de la peur, croyant la connaitre, mais chaque jour elle revient
sous une autre forme). Donc je suis encore à Pellenberg jusque mi avril. Mais
si les virus nous éloignent de Pellenberg, on rajoutera quelques jours !
Je
confie à vos pensées, à vos prières, Madicte qui rame chaque semaine avec la
chimio (dernière séance ce mercredi, puis après une pause de deux semaines, on
continue avec un autre produit pendant un an, et fin février ou début mars, on
commence les rayons tous les jours durant 5 semaines). Je vous confie aussi nos enfants qui
traversent une période difficile, mes parents, nos familles. Chacun à sa
manière est solidaire. Chacun avec ses sensibilités partage et porte avec nous
larmes et sourires. Je n’oublie pas tous ceux qui traversent des heures
pénibles, non liées à ce que nous vivons.
Cette
fois-ci, pas de proposition de musique, mais un très beau film à revoir ou à
découvrir : Bucket List ! En
français, ce film s’appelle « Sans plus attendre ».