mercredi 25 mars 2015

Il ne faut jamais parler sèchement à un Numide





Ik had het geschreven en beloofd: ik doe het deze keer in de taal van Vondel !
Negen maanden geleden is er iets speciaals gebeurd in onze leven. We zijn nu in een “ander” leven, met veel vragen , veel nieuwe uitdagingen, veel onzekerheid… maar vooral  rijker van jullie aandacht, jullie steun, jullie vriendschap.
Het is ongelofelijk hoe jullie aanwezig zijn voor ons! Elk op uw eigen manier, met jullie woorden, met jullie mails, post, sms, met jullie persoonlijke manier om aanwezig te zijn. Wij hebben geen schaal om te meten: alles is welkom! Het mag een klein knipoog of een boek, of een plant hoger dan den Pierre (rechtstaande), of een keer taxi spelen, of een lekker soep, of… moest ik alles schrijven, ik denk dat mijn harde schijf niet groot genoeg zou zijn!
Ik denk aan jullie allemaal: hoe jullie ons zo sterk hebben gehouden. Tja, het ging al goed tussen Bénédicte en mij, en het heeft zeker veel gedaan om door al deze pech te komen; maar jullie zijn echt een steun voor ons dagelijks gevecht.
Ik weet ook hoe ik de ploeg van Pellenberg zo dankbaar ben! Als de LO profs ons iets leren, (zelfs als het moeilijk is, het heeft een doel, een goede reden om het te doen; soms duurt het een paar weken voor dat het werkt, soms met bloed et tranen, soms met veel angst, … en soms niet) dan worden we stillekes zelfstandig in onze rolstoelen. De tijd dat de verpleegsters ons geven om ons te wassen met onze beperkingen, om een suppo leren zelf in te steken, om zelfvertrouwen terug vinden voor kleine gebaren. De juiste afstand houden tussen luisteren en helpen om de woorden te doen komen. De subtiliteit van een schouder klopje wanneer het nodig is. De feeling om ons alleen te laten wanneer het moet, maar met een aandachtig oog achter het gordijn. De subtiliteit om een info door te geven aan de volgende ploeg, in geval van… De manier om te vragen hoe het gaat met de echtgenoot (e), de kinderen, de ouders. Soms een beetje over henzelf vertellen om ons te helpen. De kiné’s en de ergo’s zijn ook belangrijk, dag na dag, om ons te duwen en steunen, in klein en groot oefeningen. Soms na een maand begrijpen we waarom we zo of zo moeten doen. De spierpijn is maar een weg om sterker te worden. Dus een school van geduld!  Ik ben dankbaar voor alles. Ik denk dat het moeilijkste was om mijn zitvlak te laten wassen, en voor mijn stoelgang door iemand te laten zorgen, soms met tranen… Ik voelde mij toen zo breekbaar, zo … Ik denk dat mijn “mooiste” manier om iedereen te danken, is te laten zien hoe ik zelfstandig ben geworden.
Ik vergeet niet hoe Bénédicte zo aanwezig is geweest in jullie vragen tijdens deze negen maanden. Net als een patiënt van onze gang!
Negen maanden! De tijd van een zwangerschap! Een nieuwe Leven! Het verschil tussen een echte zwangerschap en mijn verblijf in Pellenberg is dat na de zwangerschap, de mama blijft met haar baby. Hier, in mijn geval, is het anders: jullie, lieve dokters, verpleegsters, kiné’s, ergo’s, logistiek, sportleraars… jullie sturen mij niet naar buiten: jullie dragen mij naar een ander Leven!!! Ik kan van iedereen zeggen “ik heb een speciaal souvenir van U! Ik hou in mijn  hart een beeld van ons twee, een “privé moment” juist tussen ons twee!”.
Ik weet dat afscheid nemen echt moeilijk zal zijn volgende week: negen maanden, een mooi  weg vol begrip, lachen, wenen, vertrouwen, stilte, … Dat telt in een leven. Toen ik in Pellenberg kwam kon ik niet zittend blijven, nu ben ik bijna zelfstandig! Dankzij jullie allemaal!
Deze tekst kwam met mijn manier om van het Frans naar het Nederlands bijna letterlijk te vertalen. Het zal zeker de smaak van den Pierre hebben, zonder de kwaliteit van echte litératuur…

mercredi 18 mars 2015

Soit, n’y pensons plus dit-elle. Depuis j’y pense toujours !





Cette fois, j’ai envie de consacrer un peu de temps pour vous parler de mon amoureuse; je sais que vous la connaissez, mais voilà… c’est comme ça. Elle m’inspire !
Depuis plus de 33 ans, nous construisons ensemble « une relation », un couple. Dans beaucoup de domaines, nous sommes facilement d’accord pour certains choix, notamment matériels. Mais je ne peux passer sous silence tout ce que ma petite femme fait comme démarches personnelles pour s’adapter à moi depuis tant d’années. Et depuis l’accident, je suis vraiment encore plus en admiration devant elle. Des pages se tournent, et elle ne manifeste aucun regret. Nous allons de l’avant, c’est tout. Il y a des exemples simples, comme le fait que Madicte s’est mise à conduire souvent pour venir me visiter. Démarrer avec ma voiture, s’y adapter dans le trafic du Ring de Bruxelles, devoir la parquer ! C’est un petit exemple, mais très concret. Moi qui ai servi de chauffeur pour ma douce pendant tant d’années pour lui permettre de se reposer, de ne pas avoir à stresser au volant, je me vois dans l’impossibilité de l’aider, de la protéger, de la décharger. Elle se lance, « On n’a pas le choix » dit-elle. Il y a aussi des exemples plus marquants : Pour nos 50 ans, nous avions refait la cuisine (grâce à vos cadeaux ! je ne l’oublie pas) ; il faudra démolir et reconstruire autre chose pour me permettre de participer au tâches de la cuisine comme avant. Nous n’en avons pas beaucoup parlé, mais tous deux sommes conscients qu’il faut adapter les lieux. De même à l’appartement de Koksijde, la salle de bains devra subir de grosses transformations. Notre baignoire, choisie pour sa capacité à nous accueillir tous les deux, va passer à la trappe pour agrandir la douche. Pas un mot de regret de ma douce; on va de l’avant, cela nous permettra de revenir à Koksijde comme avant l’accident.
Je t’admire ma femme ! Tu me souris, tu souris à la Vie. Tu vois ce que nous allons faire, ce que nous allons reconstruire. Dans le domaine de la tendresse, nous repartons de zéro. On  ne peut même pas dire que nous reprenions le même jeu de cartes et que nous le remélangions, non: c’est un nouveau jeu que nous entamons. Avec de nouvelles règles. Heureusement, les joueurs restent les mêmes; en fait ils sont partenaires, car c’est un jeu de collaboration, de solidarité, pas un de compétition ! A nous de découvrir les nouvelles règles, nouvelles cartes avec de nouveaux symboles. Mais le but du jeu reste le même: gagner ensemble ! Avec nos corps cassés, nos apparences de Martiens (vous lecteurs, vous nous voyez habillés !!! Nous avons droit à une autre vue de la chose), nous entamons un chemin qui, sous certains aspects, peut nous rappeler le chemin parcouru jusqu’au carrefour de l’accident et de la maladie, mais qui clairement est fait d’un tout autre revêtement !
Ma douce, tu vis tout cela avec tant de sérénité, en sus de tous les traitements divers que tu encaisses. Je redis tout mon respect pour celle que tu es. Tu le rappelles régulièrement : « Nous avons bien fait de nous rencontrer ! ». Tu me rappelles parfois les tantes de Wasmes, qui à chaque étape difficile de leur Vie, trouvaient de nouvelles raisons de se réjouir ! Tu es seule à la maison, pour te préparer pour les séances de rayons, pour gérer au quotidien les factures, les offres de prix, les contacts avec les hommes de métiers. Respect !

J’ai pour vous quelques cartes postales de Pellenberg :
Je vois mes compagnons évoluer, chacune et chacun à son rythme. Chaque pas effectué, chaque étape dans l’autonomie est une victoire. Comment ne pas me réjouir avec celui qui m’annonce qu’il peut à nouveau aller seul à la toilette, et ce après plus de 11 mois ! Comment ne pas sentir mon cœur se serrer quand tel autre va devoir repasser sur le billard ? Comment rester serein quand celui-là, qui réapprend à marcher avec deux jambes artificielles, ne va pas bien parce que sa chimio le rend malade et qu’il ne peut continuer la kiné ? Comment ne pas crier ma révolte quand un organisme refuse à celle-là sa jambe artificielle (40.000 euros), en lui conseillant la chaise roulante ? Comment ne pas retenir une larme quand une fournée de stagiaires s’en va, après 5 semaines de proximité, d’efforts et de victoires ? Comment ne pas rire et pleurer quand une infirmière vient me confier qu’elle est enceinte ?
Dans deux semaines, je rentre définitivement à la maison ! La responsable de mon dossier me disait qu’on a longtemps cru, en équipe, que mes progrès seraient limités, que je ne pourrais pas atteindre certains objectifs. Mais on a tenu compte du retard provoqué par mes deux poignets cassés ! On a vu les progrès, on m’a donné cette chance qui s’appelle « temps ». De mon côté, je montre comme je le peux que chaque pas vers l’autonomie est un merci dirigé vers toute l’équipe. Je vois le sable du sablier se déverser… dans moins de trois semaines, je vais dire au revoir à mes infirmières et aides soignantes. Huit mois et demi, le temps d’un enfantement ! Pour démarrer une nouvelle Vie, mais contrairement à l’enfant qui reste près de sa mère, je vais quitter toutes ces dames. Déjà maintenant le nœud se noue quand j’y pense. Chacune d’elles, sans exception, aura marqué mon séjour à Pellenberg, qui par ses mots, qui par tel geste, qui par telle attention, qui par son écoute, qui par sa confiance, qui par sa manière de colorer mes heures, qui par un petit cadeau symbolique, qui par sa manière de m’accompagner à la chapelle quand j’étais incapable de me déplacer, qui par ses explications rassurantes, qui par sa patience pour m’apprendre à me sonder seul, qui par ses soins donnés en prenant le temps, qui par son humour, qui par ses initiatives pour devancer tel désir ou besoin, qui par tel achat pour me rendre service… Quand on vit plus de huit mois ensemble, des liens se tissent. Je ne peux m’imaginer dire « Voilà, on a fait un bout de chemin ensemble, maintenant je m’en vais, c’est fini. ». Les liens seront toujours là, mais mon quotidien sera autre. Ma Vie n’est pas à Pellenberg, mais elle est passée par Pellenberg. Partir sera difficile, mais en même temps, rentrer sera si beau !!!

Ce jeudi 19 mars, je passe sur le billard ! On m’a trouvé des calculs dans la vessie, il faut les faire exploser au laser. Cela se fera sous anesthésie totale. Je vous le disais il y a deux semaines. Je pense tout le temps à cette opération, aux piqûres. J’ai une fameuse boule dans le ventre en y pensant. J’ai découvert des photos de moi que je ne connaissais pas: aux soins intensifs, deux jours après l’accident. Quand je vois le nombre d’aiguilles qui me rentraient dans le corps, je réalise encore mieux l’origine de ma phobie (dans le cou, dans les bras, dans le poignet, dans le torse, dans le pied, …)

Dialogue :
-Pardonnez-moi mon Père car j’ai péché.
-Dans quel(s) domaine(s), mon fils, enfin je veux dire « monsieur » ?
-Dans bien des domaines, mon Père, enfin je veux dire « monsieur le curé » : je me rends compte que je ne vis pas le Carême comme on me l’a appris dans mon enfance. Je ne pense pas satisfaire à toutes les exigences.
-Pouvez-vous détailler, je vous prie ?
-… (silence de gêne perceptible)
-Voulez-vous que je vous aide ? Il est important de mettre des mots justes sur ce qui nous, enfin je veux dire  ce qui VOUS met mal à l’aise. S’agit-il du domaine financier ?
-Non, pas du tout.
-S’agit-il du domaine de la prière ?
-Non, pas du tout.
-Devons-nous nous diriger vers un domaine plus… intime ?
-Vous parlez de la sexualité ?
-Oui, appelons la chose ainsi…
-Je vous rassure, c’est une période d’abstinence totale !
-Voyons, êtes-vous au courant que le dimanche, on peut faire relâche ?
-Non, en fait il s’agit d’un sentiment de culpabilité parce que je n’arrive pas à obtenir « une face de Carême ». Je souris tous les jours. Je n’arrive pas à rester rigide, ferme dans une attitude digne et respectueuse.
-Je crains de ne pas vous suivre… Que voulez-vous dire ?
-Hé bien, disons que je suis joyeux, souriant. Il est vrai que je partage volontiers ce que mes visiteurs m’apportent: pralines, sucreries, fruits, … avec mes compagnons d’infortune, et cela dans la plus grande joie !
-Mais voilà un beau geste ! Où est le problème ?
-Je vous l’ai dit, je ne respecte pas ce que l’on m’a enseigné il y a bien longtemps. Je me suis fait miennes les maximes de cette grande philosophe qu’est Annaïk Laborné : « à la mi-Carême, ressers-toi de crème ! », ou encore « chocolat du matin réjouit le pèlerin », et « fou-rires et humour rendent le revalidant incontrôlable et lourd». Tout cela me met en porte-à-faux par rapport à ce que doit être le Carême…
-Mais voyons, vous retardez quelque peu ; il y a belle lurette que le Carême n’est plus un temps de souffrance. Il est normal de partager sa joie, sa bonne humeur, son morceau de chocolat avec ses compagnons. Je vous sens désireux de bien faire, et c’est ce que vous faites sans le savoir ! Permettez-moi de vous encourager à aller de l’avant ! Courez ! Sautez ! Dansez ! Ne traînez pas la patte !
-Mais êtes-vous certain que je n’hypothèque pas mon avenir, mon Paradis en agissant de la sorte ?
-Ecoutez-moi bien : vous veniez avec le besoin d’obtenir le Pardon ? He bien vous l’avez ! Mais à une condition : poursuivez votre Carême toute l’année ! N’oubliez pas : courez, sautez, dansez ! Alléluia !


Une idée musique ? Je réécoute en boucle le CD d’Amy MacDonald « This is the life ». Du rythme, des mélodies qui donnent envie de battre du pied, ou de claquer des doigts en se promenant. Mais en avançant dans une chaise roulante, je ne sais pas claquer des doigts. Ah, oui, je ne sais pas battre du pied non plus. Heureusement les oreilles, ça va encore un peu…

lundi 9 mars 2015

Un Pishava, sur une shavière dans la varogue





Me voici, face à l’écran, avec de nouvelles nouvelles (Pierre, une nouvelle, c’est toujours nouveau !).
En ce moment, il y a beaucoup de nouvelles têtes dans notre rue; des timides, des grognons, des amputés, des lésions de la colonne vertébrale, des transplantés, … Il y a ceux qui viennent manger avec nous à midi, ceux qui restent dans leur chambre pour les repas, ceux qui s’intéressent au groupe, qui s’intègrent, ceux qui râlent déjà sur tout, … Une belle brochette représentative de notre monde !

En matière de cartes postales, voici un cliché intéressant: j’ai subi un test pour voir si je suis apte à conduire une voiture. Donc, d’abord je dois montrer mon permis de conduire. Il a 33 ans et n’est plus valable ! Photo décollée, avec barbe et cheveux longs… OK, ça passe quand même. Puis test de la vue: là ça passe tout de suite. Bon pour le service. Etape suivante: on monte dans la voiture. Aie: elle n’est pas vraiment à mes dimensions. Transfert fastidieux, mais on y arrive ! Le gentil monsieur m’explique que nous allons partir faire un tour sur la route. Oui, mais… Je n’ai jamais conduit de véhicule « adapté » (la pédale des gaz est remplacée par un deuxième volant sur lequel j’appuie avec délicatesse et avec les pouces; la pédale de frein est une barre derrière le volant que je dois actionner avec la main droite. Attendez, c’est pas tout: il y a des pédales côté passager, car c’est un véhicule à boite manuelle. Je dois donc couper les gaz et dire au monsieur de changer de vitesse; il embraye et passe lui-même les vitesses). Voilà, j’ai compris le principe, nous pouvons démarrer. Le monsieur me propose de faire lui-même la manœuvre pour sortir en marche arrière de l’emplacement de parking. Je le laisse donc faire: il accroche la bordure avec le pare-choc arrière…  Maintenant nous sommes partis ! Je donne des gaz, je clignote, je donne les consignes pour le choix des rapports. Il me dit de tourner ou d’aller tout droit. Voilà, nous rentrons. C’est terminé, j’ai réussi. Ah, oui: je dois encore ressortir de la voiture. 

Petite carte postale « maison »: Il y a deux semaines, Madicte a commencé son traitement de radiothérapie. A nouveau, je me suis senti loin d’elle, impuissant à l’aider de manière concrète. C’est terrible d’être ainsi séparés et de vivre chacun de son côté sa thérapie ou sa revalidation. Deux mondes presque séparés, deux chemins parallèles, deux personnes liées et éloignées, deux envies semblables de se retrouver. Le vendredi, Madicte est venue me chercher à Pellenberg: quel bonheur de se retrouver. Entre émotion et rires, l’étreinte fait du bien. Je ne peux pas m’empêcher cette bête feinte « tu rayonnes, mon Amour ! ». Retour à deux à la maison: Emilie est occupée par son déménagement. Déjà la Vie nous rattrape, il nous faut nous pencher sur des offres de prix pour les changements à apporter à la maison ! Petit conseil: veillez à être bien assurés (pour quand vous aurez un accident de moto): ça chiffre fort, les adaptations dans une maison !
Carte postale bucolique: les jours ensoleillés me poussent (un peu) à mettre le nez dehors; je vais profiter du soleil contre un mur, à l’abri du vent. Ou, lors des entrainements à vélo, je m’arrête en haut du parking, face à la grande pelouse qui mène au château. Souvent j’entends le pic dans les arbres, mais ne l’ai pas encore repéré. Les oiseaux se font plus entendre, même si c’est fort tôt dans l’année. La lumière nous inonde, ça fait du bien ! M’arrêter dans l’entrainement vélo pour croquer une pomme au soleil… hmmm que c’est bon !

Carte postale « souvenirs » : Nous avons été à une soirée organisée par la jeune Province Vlaams Brabant, au cours de laquelle on a remercié tous les sportifs brabançons. Après les discours (brefs et bien ficelés, je le concède), on a fait venir une série de personnalités sportives sur le podium. Les premiers à arriver m’ont pour le moins surpris: âgés, bedonnants, aidés par une béquille… je me demandais qui ils étaient, je pensais à l’équipe provinciale de pétanque, ou des joueurs de cartes, style « couillon », ou encore l’équipe provinciale de domino. Après présentations, j’ai compris que c’étaient d’anciennes gloires d’avant Emile Zatopek, d’avant Pino Cerami, d’avant le déluge (presque). Puis vinrent les gloires actuelles: un joueur de foot d’Anderlecht (pas retenu son nom…); des militaires champions de sauts en parachutes (figures acrobatiques); Marieke Vervoort… Nous étions quatre revalidants de Pellenberg en chaises roulantes présents à cette grande fête du sport (plus d’autres revalidants avec prothèses, surtout aux jambes ! ici les dents ne comptent pas comme prothèses). Petit moment qui a fait du bien à mon égo : quand Marieke Vervoort nous a rejoints (nous avions les meilleures places, devant les huiles officielles), elle s’est approchée de moi, disant « Pierre, mijn maat ! ik ben zo blij u terug te zien ! Hoe is het ? » Bisous, embrassades, accolades à n’en plus finir ! Un moment de bonheur, mais aussi impressionnant: la plus grande Dame du jour qui vient ainsi à moi… et me fait passer avant tout le monde… Waow ! La Vie est belle aussi dans de tels moments !

Carte postale… sans nom ! Je suis dans une chambre à un lit. C’est une des conséquences positives de l’organisation préventive de Madicte, qui veille à tout en matière d’assurances (et autres !!!). Quand je vois mes voisins de rue, je suis conscient de cet avantage matériel. Je me sens privilégié, et cela me met parfois mal à l’aise. Mais quel confort ! J’entends les confidences des uns et des autres… C’est assez dur à vivre, une chambre commune; chacun y va de son ronflement, de ses crachats, de sa tv qui ne s’éteint que vers 2 h du matin, … et j’en passe !

Ce WE a été très spécial: nous avions rendez-vous à Koksijde le vendredi avec le responsable de la firme Vigo (Chaises roulantes et autre matériel pour adapter nos besoins à une vie la plus agréable possible, ou le contraire, c’est selon). Première épreuve: nous assurer que le Swiss Trac (voyez http://www.swisstrac.ch/en/home.html) pouvait me hisser en haut des pentes des garages. Mission accomplie. Ensuite voir si une chaise roulante pouvait entrer dans l’ascenseur dont l’espace à la porte d’entrée a une largeur de 69 cm; c’est peu. Ici aussi, c’est gagné ! Me voici donc pour la première fois dans notre appartement, après près de 9 mois ! Quelle émotion ! Il n’y a pas de mots pour dire ce que j’ai ressenti. Me retrouver dans notre nid côtier !!! Ignorant si nous y arriverions, Madicte avait réservé une chambre d’hôtel (adaptée aux personnes à mobilité réduite). Comme rien n’est aménagé pour de telles personnes dans l’appartement, nous y sommes passés pour l’un ou l’autre repas, pour une sieste, pour faire la liste de ce qui devra être modifié. La douche à l’hôtel, ainsi que le petit déj’. Comme des rois !!! Ce WE était en plus ensoleillé ! Passage inévitable par la chapelle  de l’église Notre Dame des Dunes. Moment de sérénité, de Paix, de silence. Madicte s’occupe de tout: elle conduit la voiture (il faut la voir sur l’autoroute, suivant le rythme imposé par le trafic, concentrée mais détendue – elle dit que c’est grâce à la puissance et au confort du véhicule, mais je dis que c’est d’abord grâce à son audace, à son énergie, à sa confiance, à sa volonté ! et aussi grâce à son calme au volant !), elle prépare le repas, fait la vaisselle, monte et démonte ma chaise après chaque transfert dans et hors de la voiture, s’occupe de mon confort, elle me chouchoute en voulant m’aider pour m’habiller, … Je suis sans voix devant tant d’amour, d’énergie, tant de Vie !
Ceci me fait penser à une disposition d’esprit que nous avions il y a 20 ans (donc, c’est du passé: ne vous alarmez pas !). Nous nous demandions souvent pourquoi nous avions droit à tant de bonheur. Et nous nous demandions aussitôt comment nous aurions un jour à le payer. Ce que nous vivons maintenant, c’est toujours le bonheur, même s’il passe par des heures de souffrance, de tristesse, de peur. Mais jamais plus il ne nous viendrait à l’idée de dire que nous avons « payé » pour ce bonheur. Nous découvrons chaque jour tout ce que l’amitié apporte. Nous avons la chance d’avoir des amis, d’avoir souvent échangé, partagé, écouté ou été écoutés, … Mais depuis 9 mois, c’est le concret de l’amitié qui se vit, ce sont les fleurs des bourgeons que nous connaissions qui offrent leur splendeur, leurs couleurs, leur lumière ! Le prix du bonheur ? C’est de continuer à être heureux, c’est de le partager, de l’entretenir, de le faire essaimer. Tout en sachant que nous pouvons compter sur vous. Chacun donne à sa manière, c’est cela la richesse du don.

Pour terminer dans cet esprit philosophique, je vous fais part de certaines découvertes qui me sont apparues lors de mes heures de méditation. C’est sans prétention, mais un esprit ouvert permet de faire la part des choses, de ne pas confondre… Les mots sont parfois trompeurs. Si ma toute modeste expérience peut vous être utile, c’est avec plaisir que je vous livre ceci :

Il ne faut pas confondre :
La galette des rois et le trésor de la monarchie
L’hypoglycémie et le cheval en sucre
Le nazi goreng et l’asiatique collabo
Une mongolfière et une femme d’Asie mineure imbue d’elle-même
Une pince Monseigneur et une vigoureuse poignée de mains de l’Evêque
Un homme à l’air maussade et quelqu’un qui travaille pour les services secrets israéliens

Je vous laisse à vos pensées, n’oubliez pas de vous dire sur le coin de l’oreiller combien vous vous aimez ! Remerciez selon vos convictions Dieu, la Vie, la nature pour votre journée ! Mais ne le faites pas en mémoire de moi…
Une idée musique pour cette fois-ci ? J’ai redécouvert le CD d’Emma Shapplin « Carmine meo ». Terrible, sa voix !!!!