lundi 9 mars 2015

Un Pishava, sur une shavière dans la varogue





Me voici, face à l’écran, avec de nouvelles nouvelles (Pierre, une nouvelle, c’est toujours nouveau !).
En ce moment, il y a beaucoup de nouvelles têtes dans notre rue; des timides, des grognons, des amputés, des lésions de la colonne vertébrale, des transplantés, … Il y a ceux qui viennent manger avec nous à midi, ceux qui restent dans leur chambre pour les repas, ceux qui s’intéressent au groupe, qui s’intègrent, ceux qui râlent déjà sur tout, … Une belle brochette représentative de notre monde !

En matière de cartes postales, voici un cliché intéressant: j’ai subi un test pour voir si je suis apte à conduire une voiture. Donc, d’abord je dois montrer mon permis de conduire. Il a 33 ans et n’est plus valable ! Photo décollée, avec barbe et cheveux longs… OK, ça passe quand même. Puis test de la vue: là ça passe tout de suite. Bon pour le service. Etape suivante: on monte dans la voiture. Aie: elle n’est pas vraiment à mes dimensions. Transfert fastidieux, mais on y arrive ! Le gentil monsieur m’explique que nous allons partir faire un tour sur la route. Oui, mais… Je n’ai jamais conduit de véhicule « adapté » (la pédale des gaz est remplacée par un deuxième volant sur lequel j’appuie avec délicatesse et avec les pouces; la pédale de frein est une barre derrière le volant que je dois actionner avec la main droite. Attendez, c’est pas tout: il y a des pédales côté passager, car c’est un véhicule à boite manuelle. Je dois donc couper les gaz et dire au monsieur de changer de vitesse; il embraye et passe lui-même les vitesses). Voilà, j’ai compris le principe, nous pouvons démarrer. Le monsieur me propose de faire lui-même la manœuvre pour sortir en marche arrière de l’emplacement de parking. Je le laisse donc faire: il accroche la bordure avec le pare-choc arrière…  Maintenant nous sommes partis ! Je donne des gaz, je clignote, je donne les consignes pour le choix des rapports. Il me dit de tourner ou d’aller tout droit. Voilà, nous rentrons. C’est terminé, j’ai réussi. Ah, oui: je dois encore ressortir de la voiture. 

Petite carte postale « maison »: Il y a deux semaines, Madicte a commencé son traitement de radiothérapie. A nouveau, je me suis senti loin d’elle, impuissant à l’aider de manière concrète. C’est terrible d’être ainsi séparés et de vivre chacun de son côté sa thérapie ou sa revalidation. Deux mondes presque séparés, deux chemins parallèles, deux personnes liées et éloignées, deux envies semblables de se retrouver. Le vendredi, Madicte est venue me chercher à Pellenberg: quel bonheur de se retrouver. Entre émotion et rires, l’étreinte fait du bien. Je ne peux pas m’empêcher cette bête feinte « tu rayonnes, mon Amour ! ». Retour à deux à la maison: Emilie est occupée par son déménagement. Déjà la Vie nous rattrape, il nous faut nous pencher sur des offres de prix pour les changements à apporter à la maison ! Petit conseil: veillez à être bien assurés (pour quand vous aurez un accident de moto): ça chiffre fort, les adaptations dans une maison !
Carte postale bucolique: les jours ensoleillés me poussent (un peu) à mettre le nez dehors; je vais profiter du soleil contre un mur, à l’abri du vent. Ou, lors des entrainements à vélo, je m’arrête en haut du parking, face à la grande pelouse qui mène au château. Souvent j’entends le pic dans les arbres, mais ne l’ai pas encore repéré. Les oiseaux se font plus entendre, même si c’est fort tôt dans l’année. La lumière nous inonde, ça fait du bien ! M’arrêter dans l’entrainement vélo pour croquer une pomme au soleil… hmmm que c’est bon !

Carte postale « souvenirs » : Nous avons été à une soirée organisée par la jeune Province Vlaams Brabant, au cours de laquelle on a remercié tous les sportifs brabançons. Après les discours (brefs et bien ficelés, je le concède), on a fait venir une série de personnalités sportives sur le podium. Les premiers à arriver m’ont pour le moins surpris: âgés, bedonnants, aidés par une béquille… je me demandais qui ils étaient, je pensais à l’équipe provinciale de pétanque, ou des joueurs de cartes, style « couillon », ou encore l’équipe provinciale de domino. Après présentations, j’ai compris que c’étaient d’anciennes gloires d’avant Emile Zatopek, d’avant Pino Cerami, d’avant le déluge (presque). Puis vinrent les gloires actuelles: un joueur de foot d’Anderlecht (pas retenu son nom…); des militaires champions de sauts en parachutes (figures acrobatiques); Marieke Vervoort… Nous étions quatre revalidants de Pellenberg en chaises roulantes présents à cette grande fête du sport (plus d’autres revalidants avec prothèses, surtout aux jambes ! ici les dents ne comptent pas comme prothèses). Petit moment qui a fait du bien à mon égo : quand Marieke Vervoort nous a rejoints (nous avions les meilleures places, devant les huiles officielles), elle s’est approchée de moi, disant « Pierre, mijn maat ! ik ben zo blij u terug te zien ! Hoe is het ? » Bisous, embrassades, accolades à n’en plus finir ! Un moment de bonheur, mais aussi impressionnant: la plus grande Dame du jour qui vient ainsi à moi… et me fait passer avant tout le monde… Waow ! La Vie est belle aussi dans de tels moments !

Carte postale… sans nom ! Je suis dans une chambre à un lit. C’est une des conséquences positives de l’organisation préventive de Madicte, qui veille à tout en matière d’assurances (et autres !!!). Quand je vois mes voisins de rue, je suis conscient de cet avantage matériel. Je me sens privilégié, et cela me met parfois mal à l’aise. Mais quel confort ! J’entends les confidences des uns et des autres… C’est assez dur à vivre, une chambre commune; chacun y va de son ronflement, de ses crachats, de sa tv qui ne s’éteint que vers 2 h du matin, … et j’en passe !

Ce WE a été très spécial: nous avions rendez-vous à Koksijde le vendredi avec le responsable de la firme Vigo (Chaises roulantes et autre matériel pour adapter nos besoins à une vie la plus agréable possible, ou le contraire, c’est selon). Première épreuve: nous assurer que le Swiss Trac (voyez http://www.swisstrac.ch/en/home.html) pouvait me hisser en haut des pentes des garages. Mission accomplie. Ensuite voir si une chaise roulante pouvait entrer dans l’ascenseur dont l’espace à la porte d’entrée a une largeur de 69 cm; c’est peu. Ici aussi, c’est gagné ! Me voici donc pour la première fois dans notre appartement, après près de 9 mois ! Quelle émotion ! Il n’y a pas de mots pour dire ce que j’ai ressenti. Me retrouver dans notre nid côtier !!! Ignorant si nous y arriverions, Madicte avait réservé une chambre d’hôtel (adaptée aux personnes à mobilité réduite). Comme rien n’est aménagé pour de telles personnes dans l’appartement, nous y sommes passés pour l’un ou l’autre repas, pour une sieste, pour faire la liste de ce qui devra être modifié. La douche à l’hôtel, ainsi que le petit déj’. Comme des rois !!! Ce WE était en plus ensoleillé ! Passage inévitable par la chapelle  de l’église Notre Dame des Dunes. Moment de sérénité, de Paix, de silence. Madicte s’occupe de tout: elle conduit la voiture (il faut la voir sur l’autoroute, suivant le rythme imposé par le trafic, concentrée mais détendue – elle dit que c’est grâce à la puissance et au confort du véhicule, mais je dis que c’est d’abord grâce à son audace, à son énergie, à sa confiance, à sa volonté ! et aussi grâce à son calme au volant !), elle prépare le repas, fait la vaisselle, monte et démonte ma chaise après chaque transfert dans et hors de la voiture, s’occupe de mon confort, elle me chouchoute en voulant m’aider pour m’habiller, … Je suis sans voix devant tant d’amour, d’énergie, tant de Vie !
Ceci me fait penser à une disposition d’esprit que nous avions il y a 20 ans (donc, c’est du passé: ne vous alarmez pas !). Nous nous demandions souvent pourquoi nous avions droit à tant de bonheur. Et nous nous demandions aussitôt comment nous aurions un jour à le payer. Ce que nous vivons maintenant, c’est toujours le bonheur, même s’il passe par des heures de souffrance, de tristesse, de peur. Mais jamais plus il ne nous viendrait à l’idée de dire que nous avons « payé » pour ce bonheur. Nous découvrons chaque jour tout ce que l’amitié apporte. Nous avons la chance d’avoir des amis, d’avoir souvent échangé, partagé, écouté ou été écoutés, … Mais depuis 9 mois, c’est le concret de l’amitié qui se vit, ce sont les fleurs des bourgeons que nous connaissions qui offrent leur splendeur, leurs couleurs, leur lumière ! Le prix du bonheur ? C’est de continuer à être heureux, c’est de le partager, de l’entretenir, de le faire essaimer. Tout en sachant que nous pouvons compter sur vous. Chacun donne à sa manière, c’est cela la richesse du don.

Pour terminer dans cet esprit philosophique, je vous fais part de certaines découvertes qui me sont apparues lors de mes heures de méditation. C’est sans prétention, mais un esprit ouvert permet de faire la part des choses, de ne pas confondre… Les mots sont parfois trompeurs. Si ma toute modeste expérience peut vous être utile, c’est avec plaisir que je vous livre ceci :

Il ne faut pas confondre :
La galette des rois et le trésor de la monarchie
L’hypoglycémie et le cheval en sucre
Le nazi goreng et l’asiatique collabo
Une mongolfière et une femme d’Asie mineure imbue d’elle-même
Une pince Monseigneur et une vigoureuse poignée de mains de l’Evêque
Un homme à l’air maussade et quelqu’un qui travaille pour les services secrets israéliens

Je vous laisse à vos pensées, n’oubliez pas de vous dire sur le coin de l’oreiller combien vous vous aimez ! Remerciez selon vos convictions Dieu, la Vie, la nature pour votre journée ! Mais ne le faites pas en mémoire de moi…
Une idée musique pour cette fois-ci ? J’ai redécouvert le CD d’Emma Shapplin « Carmine meo ». Terrible, sa voix !!!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire