samedi 28 février 2015

S’il vous plait, pas de piqûre !




Me revoici, je viens de recevoir de la visite : Jeanne et sa maman. Quel bonheur, les visites ! Je me rends compte à l’instant combien je suis joyeux après une visite. Ici, je viens de les raccompagner à l’ascenseur et, en revenant vers ma chambre, je vole, je suis plein d’énergie, je roule vite, je ne sens plus cette gêne abdominale, je chantonne… La Vie est belle ! Elle n’est pas facile, mais elle est belle !
Dites-vous que je me sens ainsi après chaque visite ! Vous m’apportez tant ! 

Voici encore quelques cartes postales de ma rue :
Lors de sa visite  hebdomadaire, notre doc m’a confirmé la sortie définitive vers le 10 – 15 avril. Retour à la maison qui me réjouit, mais aussi qui m’inquiète: serai-je prêt ? Il est un fait admis par toute l’équipe: mon poids joue en ma défaveur dans mon autonomie (me soulever  avec les bras demande chez moi davantage d’énergie que chez la plupart des patients); il faudra accepter des alternatives pour ne pas forcer à chaque fois les bras et leurs articulations (même si j’en suis capable), pour les ménager longtemps encore. On m’a découvert des pierres dans la vessie. Comme je ne sens rien comme douleurs, je dois être attentif à d’autres signes annonciateurs de soucis divers (par exemple, un mal de tête peut annoncer une vessie bien remplie…). Je vais redécouvrir mon petit corps, autrement. Pour les calculs dans la vessie, je vais passer sur le billard. On va les faire sauter au laser. Cela nécessite une anesthésie totale, donc piqûres, baxter et tout le saint tremblement. Vive la panique qui s’installe déjà, 3 semaines à l’avance.
Parmi nos nouveaux voisins, il y a un homme qui salue à chaque rencontre par un vibrant « Yeohoooww », d’une voix grave. Il mange avec nous au réfectoire à midi. Je confiais à une voisine que je ne comprends pas tout ce qu’il dit; elle m’a dit que personne ne le comprend entièrement! « Il doit être d’Anvers, ou de quelque part par là ! ». Ouf, ce n’est pas mon néerlandais qui est en cause.
Il y a parmi les stagiaires un jeune népalais, Nima. Quand on me l’a présenté, je l’ai salué en disant « namasté ». La kiné était surprise que je parle cette langue (dont je ne connais qu’un seul mot, qui d’ailleurs est en usage dans tous les pays qui bordent l’Inde !). Il y a également une stagiaire qui nous vient de Chypre, Anathasia. Avec ces deux-là, je ne parle que l’anglais. Ils suivent les cours à Leuven, en anglais, mais savent se débrouiller en néerlandais pour les choses élémentaires (« een grote friet met mayonnaise, zonder zout aub », « twee pintjes aub », …). J’aime nos échanges philosophiques, sur la Vie, sur les croyances, sur l’Homme. Nous partageons des lectures. Il est amusant, et rassurant, de savoir qu’un Mathieu Ricard ou un Pierre Rabhi sont connus à Chypre ! Tous ces échanges se font pendant que l’on mobilise mes jambes, ou que l’on me fait souffrir à hauteur des bras et des épaules.
Madicte vient de passer une semaine à la mer; pendant qu’il faisait mauvais sur l’ensemble du pays, elle a bénéficié d’un généreux soleil et est souvent sortie. Je l’ai retrouvée samedi soir. Quel bonheur, les retrouvailles ! En son absence, j’étais avec Emilie. Sorties entre père et fille : Pizza Hut, Colruyt, … rien que des folies ! Nous sentons à chaque fois combien les heures passées ensemble nous revitalisent. De même que les heures passées avec Emilie sont aussi un cadeau !
Pour le retour de Madicte, je lui réservais une petite surprise: j’arrive à me transférer de la chaise roulante vers le lit sans employer le lift. Nouvelle petite victoire, nouveau petit pas vers l’autonomie. Quand je passe une heure ou deux dans le fauteuil au living, je sais facilement « remonter » dans ma chaise roulante, malgré la différence de hauteur, idem pour les transferts en voiture, qui se font de plus en plus rapidement et de manière plus fluide. Je me sens comme un gamin à l’école maternelle, que l’on félicite pour ses petites victoires.

A propos de Madicte : je suis sans limites en admiration face à elle: quand je vois tout ce qu’elle porte, tout ce qu’elle organise, tout ce quelle vit. En-dehors de ce qu’elle gère seule administrativement depuis des années, elle a repris beaucoup de mes tâches. Une petite fleur en passant pour Emile, qui s’occupe des courses, des poubelles, de certains repas et trajets, et range à l’occasion là où sont passés ses parents… Cette semaine a commencé pour Madicte la série de rayons, durant 5 semaines, cinq fois par semaine. Cela se fait à Hasselt et ma petite femme, en organisatrice bien rodée a mis sur pieds un Doodle. En trois jours, tout était rempli: des connaissances locales se sont inscrites pour servir de chauffeur. 25 jours sans devoir s’inquiéter de trouver un lift ! Il y a même des personnes stand by qui servent de remplaçants en cas d’empêchement des chauffeurs bénévoles. Si c’est pas beau, ça ! Je suis vraiment en admiration devant cette solidarité, devant tant d’Amitié. Accepter et être heureux ! Le passage dans l’hôpital ne dure qu’un quart d’heure, ce qui signifie que les chauffeurs bénévoles attendent sur place puis ramènent mon Amoureuse à la maison. Quel soucis en moins ; elle ne doit plus y penser. Je sais qu’elle n’arrive pas à enlever de sa tête l’inquiétude face à ce nouveau traitement. Pour elle, chaque étape médicale dans ce domaine n’apporte qu’angoisses et inconnues. Elle continue à recevoir un baxter toutes les trois semaines mais «On n’appelle plus cela une chimio, chère madame de Moffarts… C’est juste un traitement !». Les effets de la deuxième chimio s’estompent très lentement : un peu moins de saignements du nez et d’aphtes (elle peut manger presque normalement), l’appétit revient petit à petit, mais les aliments ont encore parfois un goût désagréable. Je la trouve forte et courageuse, tandis qu’elle me trouve courageux et fort…

Emilie a trouvé du boulot, à Diepenbeek, dans une entreprise familiale qui fabrique des portes et châssis. Ils avaient besoin d’une personne maîtrisant bien le français pour les clients francophones. Elle est engagée à + ou – ¾ temps, ce qui lui permettrait de commencer une pratique en tant qu’indépendante à titre complémentaire (sans devoir payer les charges sociales d’indépendante). Le patron lui laisse poursuivre une formation de prévention en entreprise qu’elle a commencée l’an passé (un vendredi sur deux pendant deux ans). De plus il la laisse partir une semaine au Texas fin mars, où elle va assister au mariage de sa « petite sœur d’Amérique » chez qui elle a vécu pendant 10 mois. Son premier geste après avoir trouvé ce job a été de louer un studio à Hasselt.

Je continue à fréquenter la piscine, c’est bon pour la santé ! Mais aller à la piscine, c’est mouillé et froid… Je rentre frigorifié à Pellenberg, avec les oreilles bouchées. Bon pour la santé, ce parcours du combattant, mais à quel prix ? Le trajet se fait dans le minibus, où je reste dans ma chaise roulante, fixé avec des sangles et une ceinture de sécurité. Pas de dossier confortable, pas d’appuie-tête, rien de tel pour encaisser les chocs de la route. Mais c’est bon pour la santé !

Message personnel  (merci de ne lire que si vous vous sentez concernés*):
Mon Amour, il n’existe pas assez de mots pour te dire tout ce que je ressens pour toi. Il n’y a pas de hasard si nous nous sommes rencontrés il y a bientôt 36 ans. Le chemin parcouru depuis notre rencontre est parsemé de bonheurs grands et petits. Mon accident et ta maladie auront certes marqué un fameux tournant dans notre existence, mais nous sommes plus forts, plus déterminés et ce malgré toutes nos fragilités. Beaucoup de choses vont, ou ont changé… Mais la suite de l’histoire se déroulera toujours ensemble, éclairée par notre Amour, par notre complicité, par nos fous-rires, par nos convictions. Tu me relies au monde par ta confiance, par ta pureté, par ta loyauté ! Contrairement à ce que chante Cabrel, moi je t’aime à en vivre. Je te disais qu’il n’y a pas assez de mots, c’est pour cela que nous aimons tant le silence. En nous engageant l’un envers l’autre, nous ne savions pas ce qui nous attendait… Je pense que les choses se précisent un peu ces derniers mois, isnt’it ? L’idée de nous re-marier fait son bonhomme de chemin de semaine en semaine. Ce sera une confirmation, une mise à jour, sur base de ce que nous nous sommes promis il y a 33 ans (fin mars) mais en tenant compte des données nouvelles. Les corps ont changé, l’âme est restée.
Nous avons embarqué sur un navire qui a bravé pas mal de tempêtes; le dernier ouragan nous a déstabilisés, mais pas détournés, nous gardons le cap initial. Après ce mauvais coup, nous avons pu faire halte dans différents ports: le port de la confiance, le port de l’amitié, le port de la famille, le port du « laissez couler vos larmes », … Les voiles ont été réparées, nous avons refait le plein de nourritures. La croisière continue ! Tu es mon Amour !
Merci à chacune et chacun d’entre vous pour ce que vous êtes pour nous !

*Lisez tout !

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