jeudi 23 octobre 2014

Vague à l’âme



Chers lecteurs, avant de vous donner de mes nouvelles, je vais vous partager mes réflexions, plus exactement les questions fondamentales qui occupent mon esprit lors de mes soirées de solitude (entendez par là : soirées en célibataire). Je me doute bien que me livrer ainsi à vous, c’est me mettre à nu sur le Net, avec toutes les dérives que ce media peut provoquer. Mais comme plus personne ici n’ignore rien de mon anatomie, ce serait dommage de vous priver, vous, fidèles lecteurs, de la nudité de mon âme (j’ai cru entendre l’un ou l’autre lire « nullité de mon âme » ; c’est une erreur de votre part, relisez correctement). Voici donc où mes pensées me conduisent, vers quels questionnements les arcanes de la construction intérieure me mènent. Peut-être que vous aussi vous vous posez ces questions, depuis longtemps. Ce sera l’occasion de partager ce cheminement commun lors de nos prochaines rencontres. Voici donc :

Comment appelle-t-on un dossard que l’on met sur le ventre ?
Comment appelle-t-on une chatière pour chiens ?
Peut-on apprendre à une plante carnivore à devenir végétarienne ?
Un pédalier tire son nom du mot « pied », mais quand on pédale avec les mains, on pousse sur quoi ?
Adam avait-il un nombril ?
Loin de ces considérations philosophiques, je vais maintenant vous parler de ce qui se passe ici !

Tout d’abord, une chaise roulante adaptée à mes dimensions… Je me déplace facilement. Les entrainements en chaise roulante ont commencé; nous apprenons à tenir en équilibre sur les roues arrières, à franchir des bordures, à monter ou descendre des plans inclinés. Seule la pratique et la répétition de ces exercices nous mènera à l’autonomie. Lundi passé, en travaillant chez les ergos, il m’a été demandé d’essayer de me soulever en tendant les deux bras, appuyés sur les roues de ma chaise. Le but était donc de soulever le popotin « à bout de bras ». Entre le lundi et le jeudi je me suis entrainé dans ma chambre… et le jeudi soir, les muscles ont répondu « présents » : j’ai réussi à quitter mon siège. C’est donc un début avant d’imaginer me transférer de la chaise au lit, par exemple. Tant de petits exercices qui tout d’un coup montrent leur finalité  (rappelez-vous le plan de montage des Lego) ! Mardi matin, une stagiaire kiné veut me relever pour m’asseoir et faire des exercices d’équilibre (j’étais couché sur le dos sur la table), ce qui est un exercice assez contraignant pour elle : elle fait à mon avis moins que la moitié de mon poids. Je lui dis que je vais essayer de m’asseoir tout seul. Surprise, elle demande à voir, mais sans trop y croire. Je me roule sur le côté gauche, prends appui sur le coude gauche et le poing droit, me redresse un peu, place ma main gauche à plat et pousse de toutes mes petites forces… et me retrouve assis ! Ce n’est pas la bonne technique, mais ça a marché ! On gagnera du temps les prochaines fois !!!
Il y a aussi des exercices où les résultats sont moins bons. Je dois apprendre à mon cœur à pomper suffisamment que pour ne pas tomber dans les pommes quand je me tiens droit. Si je suis sur une table que l’on redresse, je tiens entre 25 et 40 minutes. Mais quand je suis à ce que nous appelons « le bar » (redressé verticalement, genoux calés, fesses maintenues par une sangle, et les bras accoudés à une tablette assez haute, presque sous les aisselles), je ne tiens pas 15 minutes ! Par contre, sensation nouvelle, je redécouvre ma vraie hauteur : je suis donc debout, et plus grand que tout le monde ! Après 4 mois couché ou assis, devant lever la tête pour m’adresser aux gens, je redécouvre que je suis grand… La première fois, je croyais vraiment que j’étais sur une estrade, un peu surélevé. Mais non, j’étais juste le plus grand.
Tout ceci vous montre un Pierre souriant, qui progresse. Mais vous n’avez là qu’une face, la plus belle. Il y a aussi des jours difficiles ! Il y a le Pierre qui tire la gueule, qui rouspète, qui se fait respecter si besoin. Mais ça, c’est nouveau. Ce qui a déclenché cela chez moi, c’est quand on m’a changé de chambre. Une personne nouvellement arrivée avait des problèmes respiratoires et devait se trouver près du local de garde des infirmières, surtout la nuit. On m’a donc attribué une nouvelle chambre, en tous points semblable à celle que je quittais. Mais il fallait aussi déménager tout ce qui était au mur. Et là a commencé pour moi une période très difficile. Il m’a fallu au moins 5 jours pour mettre des mots sur ce qui se passait en moi. Je me suis rendu compte que je ressentais ce déplacement (pour le moins mené tambour battant et pas spécialement de manière respectueuse) des cartes et dessins du mur comme une intrusion dans mon intimité. Déjà qu’en matière d’intimité, je n’ai plus rien à cacher, j’ai compris que toutes ces cartes et tous ces dessins au mur, c’était comme un jardin privé. Mais quand il a été massacré… où était le côté privé ? Je ne me suis pas senti respecté. Donc maintenant dès qu’on effleure certaines choses, certains sujets, j’ai un peu tendance à montrer les dents. Comme je lisais dans ce livre cosigné par Geinaro Olivieri et Guido Pancaldi, Arbitrage dans les JSF, « C’est comme ça, et puis c’est tout ». Actuellement, je n’ai plus envie d’afficher au mur. Les cartes et les dessins sont dans une farde, que je consulte à l’aise dans la solitude. Il n’y a pas de rancune, il n’y a plus de colère, mais il y a le choix de ne plus laisser entrer dans mon jardin privé comme avant. Je sens aussi que, depuis, je contrôle mes larmes en présence du personnel.
Puis, il a le retour à la maison ! C’est le troisième retour, mais à chaque fois, c’est le premier. Une fois pour des raisons techniques (adaptation des lieux), une fois une journée ; et maintenant un WE ! C’est vraiment impressionnant de vivre cela : les retrouvailles, la journée, les moments de connivence, un peu de ménage (je n’en fais pas trop : j’ai eu un accident !), se retrouver à deux pour juste être ensemble, pour partager les mots, la tendresse. Pouvoir tenir la main de Madicte sans être dérangés, avoir le silence pour nous… Le chat qui vient se coucher sur mon ventre et se met à ronronner… Un repas partagé avec les enfants… Voilà le retour à la maison ! Mais il y a aussi ce qui risque de ne plus être accessible (changer une ampoule au plafond, contrôler les corniches,…). C’est confrontant mais pas mortel. Actuellement je rentre avec une chaise roulante électrique à la maison, mais je vois les différences entre l’électrique et la manuelle : vivement rentrer à la maison avec la chaise manuelle, plus compacte, qui donne un sentiment plus grand d’autonomie ! Puis il y a le départ le dimanche soir, c’est plus difficile. Se séparer pour une semaine après tant de bons moments, c’est très dur. Mais un jour il y aura le retour définitif. L’horloge du living se remettra en route, je remettrai mon alliance ! N’oublie pas, ma petite femme, que nous nous remarierons quand nous serons tous les deux à la maison !!!
Je reviens un instant à mon image : je me suis vu l’une ou l’autre fois dans un miroir chez les kinés. C’est assez impressionnant, ce grand corps cassé, avec son gros ventre, dans une chaise roulante. Je n’y regarde pas trop souvent. Le miroir de mon lavabo me suffit ! Là je vois le sourire, c’est mieux !!!
J’ai l’immense chance de recevoir beaucoup de visites ! Vous êtes d’une fidélité incroyable. Madicte a une place immense dans nos conversations ; je sais que vous venez aussi pour elle. Je l’ai déjà dit : vous apportez le monde, la Vie à l’intérieur de notre petit monde de revalidation. Votre boulot, votre famille, votre vécu… tout cela me rappelle ma vie ! Je suis touché par vos partages, par vos larmes à l’occasion, par vos rires. Merci !
Je vous rappelle que votre présence est le cadeau ! Si à l’occasion quelque chose me manquait ou me ferait plaisir, je serais assez simple que pour oser vous le demander. S’il vous plait, je vous redemande de prévenir quand vous venez me rendre visite.

Régulièrement je pense à l’école… C’est parfois difficile ; mais recevant des dessins, des visites d’élèves (anciens ou non) et de collègues, le moral reste bon. Je me demande si je pourrai encore enseigner dans les mêmes conditions qu’avant l’accident. Avec ou sans jambes ? Quels trajets seront supportables ? Locaux accessibles ? Comment écrire au tableau si je suis dans une chaise roulante ? Toutes ces questions viennent peut-être trop tôt, mais je sais aussi que beaucoup d’entre vous ont des solutions en tête. Je m’en fais pour rien sans doute. Il m’arrive de temps en temps de penser aux élèves ; c’est alors une montée incontrôlable d’émotion ! Indirectement lié à l’école, il y a Dimitri que je ramène chez lui le vendredi après les cours. Dimitri, j’espère reprendre nos trajets ensemble, mais ce sera uniquement en voiture !

Dans notre petite communauté de « revalidables », il y a toute une émulation, toute une solidarité. Cela va dans tous les sens. Voici quelques petites cartes postales de ma rue… Le repas du soir, je le prends seul dans ma chambre, mais à midi nous mangeons à plusieurs dans le réfectoire. Il y a les moments amusants entre nous ; il y a la personne qui commence systématiquement par râler sur la nourriture ; il y a ce jeune hollandais à l’accent très prononcé, très sympathique, qui parle une langue que je ne comprends pas ; il y a celui qui mange presque dans son assiette, rit la bouche grande ouverte et bien remplie (on peut relire le menu du repas…) ; il y a celui qui ne termine jamais son assiette ; il y a le Pierre qui essaye de manger sans trop renverser (vive les grandes serviettes d’antan !). Une autre carte, c’est notre Erwin, qui nous dit le jeudi que sa maman vient le visiter le vendredi soir. Et on lui annonce le vendredi matin le décès de sa maman... Il y a celui qui rentre à la maison pour la première fois et qui en revient démoralisé parce que sa maison n’est pas adaptable pour lui quand il reviendra y vivre. Il y a cette surprise en rentrant dans ma chambre de découvrir une plante plus grande que moi, cadeau surprise ! Autre image de ma rue : lors d’un exercice « à vélo », nous nous trouvons bloqués à deux dans une côte, la route est humide et grasse, la roue avant (motrice) patine… (c’est tout un système de roue entrainée par un pédalier – manuel ! – qui est fixé à l’avant de la chaise) nous pouvons éventuellement lâcher le pédalier et pousser sur nos roues, mais alors nous ne sommes plus maîtres de la direction. L’un s’énerve, l’autre rit ! Nous décidons de redescendre et prenons un autre chemin. Ouf !
Autre carte postale : les départs, ceux qui rentrent définitivement chez eux après plusieurs mois passés ici. Ce sont les anciens, ceux qui savent se transférer de la chaise roulante vers n’importe quelle autre place, ceux qui ont des bras et des biceps comme des camions russes (très lourds).

Je n’ai pas de proposition musicale cette fois, ayant moins eu le temps d’aller sur Youtube. Faites-vous plaisir en écoutant quelque chose que vous aimez. N’oubliez pas de dire et redire à ceux qui sont importants à votre cœur que vous les aimez…

lundi 20 octobre 2014

Un week-end d'été indien pour fêter nos retrouvailles




Ce week-end, c'est l'été indien qui nous a réunis chez nous. Premier week-end où Pierre a pu loger à la maison. 32 heures de proximité, de retrouvailles, de complicité. Même le chat lui a manifesté son bonheur en se mettant à ronronner sur son ventre pendant la sieste. (Je ne sais pas lequel des deux était le plus heureux...). Grâce à l'assistance de nos deux infirmières à domicile, Pierre a eu les soins nécessaires et a pu passer ce week-end sans soucis.
Nous sommes ces amoureux d'il y a 35 ans qui décomptent les jours et les heures qui les séparent, qui trouvent alors le temps si long puis si court quand ils sont enfin ensemble et qui appréhendent l'heure où il faudra de nouveau se séparer, déchirer la toile tissée au fil des heures qui les avaient réunis. Nous vivons au rythme de ces marées de retrouvailles et de séparations.  Nous espérons que notre mer du Nord à nous deviendra un jour cette Méditerranée qui reste fidèle à ses plages et qui ne se sent pas le besoin de partir et de revenir sans cesse.

Entretemps la vie reprend son cours, Pierre continue encore plus intensivement sa revalidation. De 9 ou 10 heures du matin à 17 h il passe des kinés aux ergos et des ergos aux kinés.  Le programme est intensif, varié, exigeant, épuisant. C'est un parcours de combattant où chaque centimètre de mobilité gagné représente une victoire sur l'invalidité. Mon homme est courageux, persévérant, je l'admire.  Je sais qu'il se bat aussi pour moi, pour que notre vie commune soit encore pleine de promesses.
Bonne nouvelle: c'est un autre kiné qui l'accompagne maintenant, la méthode "bulldozer" ayant montré ses limites et sa contre productivité, je pense que le staff a compris qu'il valait mieux ne pas continuer sur cette voie périlleuse. Grand changement aussi, c'est l'arrivée enfin d'une chaise roulante manuelle adaptée aux dimensions, peu standard (rien à voir avec les Rouches) de mon homme.  Après trois semaines de galère dans une chaise manuelle trop petite et étroite qu'il ne pouvait faire avancer qu'à force d'efforts douloureux, Pierre a montré que sa patience avait des bornes et que trop c'est te veel et qu'il fallait pas jouer avec ses pieds (même si ceux-ci ne sont plus très collaborants actuellement). Comme quoi une petite gueulante peut parfois faire bouger les choses: dans la réserve à la cave une dizaine de chaises sont en attentes d'être enregistrées et "pucées" (il faut y mettre une puce électronique qui permet de les situer en cas de sortie, c'est comme les chats et les chiens qui doivent aussi avoir leur puce électronique pour qu'on les retrouve). Parmi celles-ci "la" chaise aux dimensions requises. Alors que la bureaucratie de la boîte refusait qu'elles soient mises en circulation, la responsable de l'hôpital a pris sur elle qu'on attribue à Pierre cette chaise tant convoitée. (Chapeau pour elle, elle montre qu'elle a le cœur au bon endroit!) De toute façon, je ne pense pas que Pierre se mettra de si tôt à fuguer...

Résultat comparable entre une tondeuse à gazon manuelle et une Ferrari: pour parcourir les 120 m qui séparent la chambre de Pierre à la salle de kiné, avec la tondeuse à gazon il mettait 6 minutes et avait si mal au poignet que le reste des exercices en était hypothéqué, avec la Ferrari... 40 secondes, sans douleur.
Depuis lors, il n'arrête pas de faire des progrès.  Il est même parvenu à se soulever pendant 7 secondes. Ce sont les prémices des transferts tant nécessaires. A partir du moment où il pourra passer de la chaise au lit, de la chaise à un autre siège, l'autonomie se dessine.  Nous attendons avec impatience qu'il puisse prendre place dans une auto "normale".  Actuellement il ne peut être transporté que dans un véhicule adapté pour le transport de personnes en chaises roulantes. Nous devons donc chaque fois qu'il peut rentrer à la maison faire appel à un service taxi spécialisé.

Les entraînements plus spécifiques pour le maniement de la chaise vont aller crescendo.  Avec deux autres compagnons de route il sera dropé dans un magasin à Louvain où ils devront faire les achats pour Halloween. Je me demande qui aura le plus peur dans cette histoire, eux ou les vendeurs?
La semaine prochaine il est aussi prévu que Pierre aille à la piscine, j'espère qu'il fera sa pierre ponce!
Bref, il n'a pas le temps de s'ennuyer et ses journées sont bien remplies. Le soir il est lessivé.

En ce qui me concerne, quand on me demande comment ça va, j'ai du mal à répondre.
De retour de la mer, j'avais l'impression d'avoir retrouvé mes forces d'avant, je me sentais enfin bien. Malheureusement, la deuxième chimio a de nouveau tout perturbé.
Grâce aux médicaments les premières 24 heures étaient moins chahutées mais vendredi j'étais vraiment pas en forme, les nausées et la fatigue des mauvaises nuits me donnaient un cocktail peu digeste. Heureusement le pire était passé quand Pierre est rentré. Dimanche était une bonne journée.

Quand je regarde dans le miroir je me demande qui est cette personne qui me regarde avec ces yeux noirs étonnés.  Elle ressemble très fort à cette petite fille de trois ans à la robe verte brodée d'escargots dont le portrait dessiné en 1962 pend au living. Je retrouve la tête ornée d'un léger duvet de notre Emilie bébé. Je vois une nonne tibétaine, une nonnette qui va faire ses vœux, une Juive qui a enlevé sa perruque, E.T. qui veut téléphoner à la maison, Jeanne d'Arc qui veut passer pour un garçon, Marie-Antoinette avant son passage à la guillotine, ...
Plus besoin de peigne, de sèche-cheveux, de pinces, d'élastiques, ... c'est pratique!  Mais c'est un peu froid quand même d'avoir la boule à zéro. L'autre jour il y a une fée qui est passée par notre boîte aux lettres et qui y a déposé un petit paquet anonyme.  Un joli bonnet tricoté main tout léger, tout doux s'y cachait.  Je ne sais qui était cette fée mais je voudrais lui dire merci pour ce cadeau si utile et agréable, il m'empêche d'avoir un rhume du cerveau et me permet de ne mettre ma perruque que quand je suis en compagnie. J'ai du mal à m'y habituer, ça chatouille (ou est-ce que ça gratouille?) et il fait chaud la dedans.  J'ai bien choisi mon timing.  Porter une perruque en plein été, ça doit chauffer, vive l'automne et l'hiver...

Moi qui ai toujours eu une gestion assez naturelle de la santé, je suis servie...  Je me sens empoisonnée par cette chimio "préventive" qui chamboule mon métabolisme.  Pour adoucir les effets secondaires et les dégâts collatéraux je dois prendre d'autres produits qui a leur tour ont aussi des effets secondaires et des risques non négligeables. La chimio faisant descendre mes globules blancs en chute libre, je dois recevoir une piqûre le lendemain pour me booster la moelle épinière pour qu'elle reproduise activement des globules blancs.  Ce produit-là pourrait favoriser une leucémie ou d'autres problèmes. Bref, en raccourci, pour éviter que mon cancer puisse revenir, on met mon immunité au 36ième dessous et on veut me rassurer en me donnant des produits qui pourraient être cancérigènes. Je caricature un peu, mais je ne suis pas vraiment loin de la réalité. Certes, on n'est plus à l'époque des saignées, mais sincèrement je ne suis pas vraiment rassurée à 100 % . Petit conseil, surtout ne lisez pas les notices de tous les médicaments qu'on vous fourgue, car c'est pas bon pour le moral ni les insomnies.  Comme disais je ne sais plus qui "je mourrai guérie". Heureusement que la phytothérapie chinoise veille sur moi et essaye de limiter les dégâts collatéraux de la médecine "classique".
Rien qu'en pensant que je devrai encore une fois supporter cette chimio, j'en ai des haut-le-cœur.  Donc je zappe, j'essaye de vivre le moment présent, je ne me laisse pas envahir par mes angoisses, du moins j'essaye. J'évite de me mettre dans des situations "à risques".  Désolée, chers amis, de paraître un peu misanthrope pour le moment, mais c'est purement pour des raisons sanitaires que je me mets un peu en quarantaine provisoire. Je ne peux pas me permettre de ramasser un virus ou un microbe pour le moment. Heureusement que les virus des moyens modernes de communication ne font pas partie de ceux qui pourraient me mettre en danger.  Donc n'hésitez pas à vous manifester par ces moyens-là, si vous en avez envie, je ne risque rien, au contraire, c'est bon pour le moral.



jeudi 9 octobre 2014


C'est un arc-en-ciel qui nous a accueillies à notre arrivée à la mer.
J'y passe quelques jours de bien-être pour refaire le plein d'énergie et de courage avant la deuxième chimio. Merci pour tous vos mots, vos pensées, vos petits et grands gestes de solidarité qui nous portent et nous aident à continuer notre chemin.

lundi 6 octobre 2014

Pierre de Tender, leçons de River Dance *



 
Petits messages personnels… Merci de ne lire que ce qui vous concerne !

-   -    Monsieur « Hollandse kaas », vos emballages sont vraiment bien pensés sur le plan hygiène : on ne risque pas de les ouvrir, en tout cas pas avec une main !
-    -  Ma petite femme, je crois qu’en quittant la maison le matin du 12 juin, j’ai oublié d’arrêter l’eau du bain que je faisais couler pour toi… Peux-tu contrôler si je l’ai fait ou non, stp ?
-   -   Jean-Marcel, tu ne m’as toujours pas rendu le Playboy que tu m’as emprunté « pour une étude sociologique de l’imagerie contemporaine ». Peux-tu me le faire parvenir via Madicte, de préférence dans une enveloppe fermée (tu peux écrire sur l’enveloppe « examens juin 2014 ») ?
-    -  Brigitte, quelle couleur as-tu choisie ?
-    -  Papa, maman, c’est moi qui ai laissé la porte du poulailler ouverte la fois où vous avez puni Bernard pour ça. Mais je trouvais qu’une punition suffisait et que devoir la refaire ne vous aurait rien apporté de plus…
-   -   Cher monsieur « petites serviettes pour se rafraichir les mains après le repas », vos emballages sont très beaux ! On dirait des sachets de thé « dreams come true ». L’odeur fruitée est bien faite, mais le goût est fortement « savon », même dans de l’eau chaude.
-   -   Corinne, pour ma place « handicapé » à l’école, voici les dimensions de ma voiture : 497 x 181,6. Merci de tenir compte que je dois pouvoir ouvrir ma portière ! Il n’est plus nécessaire de garder une place « moto » (j’ai eu un accident).

Je reprends le cours de mes petites nouvelles…
Les exercices de kiné me font mal au poignet… mais je suppose qu’ici aussi je dois passer au-delà. Il m’arrive de me décourager dans mes moments de solitude. Je sais aussi que ces mois-ci sont déterminants pour récupérer de la souplesse. Il faut aller de l’avant ! Je vois que certains exercices de kiné m’aident pour certains mouvements que je devrai pouvoir effectuer pour me déplacer en chaise roulante, pour me transférer de la chaise à la toilette, au lit, etc…  Mais vraiment cette semaine, c’est trop. La motivation n’a pas suivi… je me rends compte que mon « merci » du soir était limité. On me demande d’employer au maximum une chaise roulante manuelle, mais ma main droite me fait mal. J’étais découragé en voyant que pour parcourir les 120 mètres entre ma chambre et le local des ergos, j’avais mis 6 minutes et  j’y arrivais en n’étant presque plus capable de commencer certains mouvements. Je pleure pour un rien dans des moments comme ça.
Il y a des semaines faciles, d’autres qui le sont moins. Heureusement vos visites me font tant de bien. Nos échanges, quelques nouvelles du monde extérieur, de vos familles, une blague en passant… merci pour ce que vous m’apportez. Beaucoup d’entre vous regrettent de ne pas voir Madicte en venant à Pellenberg. Vous le savez, Madicte récupère de sa première chimio. Elle ne se déplace pas tous les jours, pour diverses raisons: fatigue, Emilie n’est plus disponible pour la conduire, elle ne reconduit pas encore, horaires pas toujours compatibles avec ses repas, … Je vois son combat, je suis plein de respect pour ce qu’elle vit, pour ce qu’elle porte, pour ce qu’elle supporte. Chaque jour m’apporte une image qui renforce mon respect et mon admiration pour ma Douce. Nous nous voyons moins, mais  gardons le samedi pour nous. 

Nous sommes conscients qu’une nouvelle vie commence. Lors de la visite de Vincent, nous parlions d’une nouvelle vie, d’une re-naissance. Beaucoup est à reconstruire. Je me souviens d’une époque où les enfants allaient recevoir un bateau de pirates Lego pour leur Saint Nicolas. Madicte et moi avons passé plusieurs soirées en cachette à construire ce bateau. Les premiers assemblages, en suivant les plans, ne nous donnaient pas l’image finale, le résultat auquel nous allions arriver. Je pense que nous sommes entrain d’assembler des pièces mais qu’il est beaucoup trop tôt pour imaginer ce que sera cette nouvelle vie. Une certitude, c’est que nous la vivrons ensemble. Nous avons l’expérience de notre « première Vie » qui va nous aider pour celle qui s’annonce. Beaucoup de choses seront différentes ; nous allons revivre des fiançailles (fiançailles : fête de la confiance) pour continuer, pour repartir après ce changement de cap. Nous aurons encore besoin de vous ; ne croyez pas vous en tirer comme ça ! Votre Amitié, votre soutien, sous toutes ses formes, vos prières, votre énergie, … nous en aurons encore besoin. Jusqu’au jour où, à votre tour, vous pourrez frapper à notre porte si besoin s’en faisait sentir!

Ce samedi 4 est une journée à marquer d’une pierre blanche : mon premier vrai retour à la maison ! Le matin, pendant ma toilette, Mieke, une infirmière est arrivée dans ma chambre avec un air sérieux pour confier à sa collègue que tous les ascenseurs étaient en panne. Donc pas de possibilité de rejoindre le rez-de-chaussée. Pas une fraction de seconde je n’ai cru à cette affirmation et lui ai montré d’un regard que son humour me plaisait. C’est la blague traditionnelle faite à tous ceux qui rentrent pour la première fois chez eux pour passer la journée. Préparez-vous-y, si un jour vous venez séjourner à Pellenberg… Moments émouvants en arrivant… Nous avons vécu quelques bonnes heures ensemble. Mano qui travaillait ce samedi était avec nous dans nos cœurs. Frédéric nous avait préparé de la lasagne. Emilie courait pour nous trouver une batterie pour le lift qui me permet d’aller de ma chaise au lit. Je me suis rendu compte de beaucoup de limites dans ma future vie à la maison, mais quand je serai dans une chaise manuelle, mon autonomie sera plus grande ! Le soir Madicte est revenue avec moi à Pellenberg. Comme elle le dit « l’automne a commencé », ce qui signifie que ses cheveux ont commencé à tomber suite à la chimio. Ce dimanche après midi, c’était donc la séance « coiffeur » : son amie Véra lui a coupé les cheveux dans ma chambre. Je pensais que ce moment serait plus difficile, mais l’ambiance était sereine et souriante. Après divers avis échangés, entre autres avec des infirmières, Madicte ne portera pas tout le temps sa perruque. La tondeuse a laissé 6 mm de cheveux, ce qui lui donne un visage de petite fille et une coupe moderne. Quand les cheveux s’en iront en laissant des trous, ce qui risque d’arriver, Madicte pourra encore choisir de porter sa perruque ou l’un ou l’autre couvre-chef. Les chapeaux, les casquettes, les foulards, … tout lui va ! 

Avant de quitter le clavier, j’ai envie de vous partager un beau moment, une carte postale. Ce mercredi, un beau soleil s’annonçait à travers la brume matinale. Par ma fenêtre, j’admirais depuis mon lit cette belle lumière brumeuse qui évoluait de minute en minute lorsqu’un un envol d’oies sauvages a percé la brume et est apparu entre les arbres. Elles venaient de décoller. Comme ma fenêtre donne plein sud, je les ai vues s’envoler, trouver leur direction en se mettant en formation, puis rapidement disparaître de mon champ visuel. Elles ont aussi un fameux chemin à parcourir ; elles y arriveront grâce à leur solidarité ! Ce n’est pas le hasard qui m’a donné de les voir et de voir cette image symbolique cette semaine !

Une chanson pour la semaine : « Driving the last spike » de Genesis ; la voix de Phill Colins donne des ailes.

*Selon une nouvelle méthode révolutionnaire basée sur l’observation de films et vidéos !

mercredi 1 octobre 2014

Douzième jour après la première chimio.



Mes journées se suivent et ne se ressemblent pas.  Il y en a où je me sens bien, pleine d’énergie puis il y en a d’autres où c’est pas la gloire.  Hier je me sentais vraiment mal.  J’avais tout le temps le vertige, je n’arrivais pas à marcher sans me tenir, (comme si j’étais ivre, mais je n’ai jamais été ivre, donc je m’imagine que c’est ça qu’on ressent) ma vue régressait, je ne trouvais plus mes mots.  Bref c’était vraiment angoissant.  Heureusement mon frère Michel venait avec Annemie, sa femme, le soir et passait la journée aujourd’hui chez nous.  Il a tout de suite détecté le problème.  Je faisais une grosse hypoglycémie liée à un dysfonctionnement du foie qui est mis à rude épreuve par la chimio.  Grâce à une alimentation adaptée et à une “potion magique” qu’il m’a concoctée avec de la réglisse, du gingembre et de la menthe je me suis retrouvée sur la terre ferme, le bateau ne tanguait plus. OUF
Je bénis le ciel d’avoir ce frère si attentif et soucieux qui veille sur ma santé.  

Je dois dire que vivre une chimio, c’est éprouvant, angoissant.  Je me sens empoisonnée et impuissante, obligée de devoir subir ce traitement afin de ne pas risquer une rechute.  Je me demande comment mon corps va supporter ces attaques multiples de bombardement chimique.  Mais je n’ai pas l’intention de me laisser aller, je veille sur moi  et j’ai la chance d’être entourée de bcp de personnes aimantes et soignantes qui sont là pour me soutenir, pour rendre de multiples services et accomplir plein de petites tâches que je ne suis plus à même de faire actuellement.  J'ai le cœur rempli de gratitude et d'émotion face à tant de générosité qui s'offre à moi, à nous.

Pierre et moi devons tous les deux rassembler toute notre énergie vitale pour avancer et aller au delà de la souffrance et des peurs.  C'est le seul chemin possible.  Nous nous battons l'un pour l'autre, pour que notre conjoint en plus de son combat n'ait pas à devoir porter le découragement de l'autre, parce que nous voulons encore avoir des projets de vie heureuse commune, parce que la vie est belle et qu'à force de ramer, le lait de notre seau finira bien par devenir du beurre...