lundi 20 octobre 2014

Un week-end d'été indien pour fêter nos retrouvailles




Ce week-end, c'est l'été indien qui nous a réunis chez nous. Premier week-end où Pierre a pu loger à la maison. 32 heures de proximité, de retrouvailles, de complicité. Même le chat lui a manifesté son bonheur en se mettant à ronronner sur son ventre pendant la sieste. (Je ne sais pas lequel des deux était le plus heureux...). Grâce à l'assistance de nos deux infirmières à domicile, Pierre a eu les soins nécessaires et a pu passer ce week-end sans soucis.
Nous sommes ces amoureux d'il y a 35 ans qui décomptent les jours et les heures qui les séparent, qui trouvent alors le temps si long puis si court quand ils sont enfin ensemble et qui appréhendent l'heure où il faudra de nouveau se séparer, déchirer la toile tissée au fil des heures qui les avaient réunis. Nous vivons au rythme de ces marées de retrouvailles et de séparations.  Nous espérons que notre mer du Nord à nous deviendra un jour cette Méditerranée qui reste fidèle à ses plages et qui ne se sent pas le besoin de partir et de revenir sans cesse.

Entretemps la vie reprend son cours, Pierre continue encore plus intensivement sa revalidation. De 9 ou 10 heures du matin à 17 h il passe des kinés aux ergos et des ergos aux kinés.  Le programme est intensif, varié, exigeant, épuisant. C'est un parcours de combattant où chaque centimètre de mobilité gagné représente une victoire sur l'invalidité. Mon homme est courageux, persévérant, je l'admire.  Je sais qu'il se bat aussi pour moi, pour que notre vie commune soit encore pleine de promesses.
Bonne nouvelle: c'est un autre kiné qui l'accompagne maintenant, la méthode "bulldozer" ayant montré ses limites et sa contre productivité, je pense que le staff a compris qu'il valait mieux ne pas continuer sur cette voie périlleuse. Grand changement aussi, c'est l'arrivée enfin d'une chaise roulante manuelle adaptée aux dimensions, peu standard (rien à voir avec les Rouches) de mon homme.  Après trois semaines de galère dans une chaise manuelle trop petite et étroite qu'il ne pouvait faire avancer qu'à force d'efforts douloureux, Pierre a montré que sa patience avait des bornes et que trop c'est te veel et qu'il fallait pas jouer avec ses pieds (même si ceux-ci ne sont plus très collaborants actuellement). Comme quoi une petite gueulante peut parfois faire bouger les choses: dans la réserve à la cave une dizaine de chaises sont en attentes d'être enregistrées et "pucées" (il faut y mettre une puce électronique qui permet de les situer en cas de sortie, c'est comme les chats et les chiens qui doivent aussi avoir leur puce électronique pour qu'on les retrouve). Parmi celles-ci "la" chaise aux dimensions requises. Alors que la bureaucratie de la boîte refusait qu'elles soient mises en circulation, la responsable de l'hôpital a pris sur elle qu'on attribue à Pierre cette chaise tant convoitée. (Chapeau pour elle, elle montre qu'elle a le cœur au bon endroit!) De toute façon, je ne pense pas que Pierre se mettra de si tôt à fuguer...

Résultat comparable entre une tondeuse à gazon manuelle et une Ferrari: pour parcourir les 120 m qui séparent la chambre de Pierre à la salle de kiné, avec la tondeuse à gazon il mettait 6 minutes et avait si mal au poignet que le reste des exercices en était hypothéqué, avec la Ferrari... 40 secondes, sans douleur.
Depuis lors, il n'arrête pas de faire des progrès.  Il est même parvenu à se soulever pendant 7 secondes. Ce sont les prémices des transferts tant nécessaires. A partir du moment où il pourra passer de la chaise au lit, de la chaise à un autre siège, l'autonomie se dessine.  Nous attendons avec impatience qu'il puisse prendre place dans une auto "normale".  Actuellement il ne peut être transporté que dans un véhicule adapté pour le transport de personnes en chaises roulantes. Nous devons donc chaque fois qu'il peut rentrer à la maison faire appel à un service taxi spécialisé.

Les entraînements plus spécifiques pour le maniement de la chaise vont aller crescendo.  Avec deux autres compagnons de route il sera dropé dans un magasin à Louvain où ils devront faire les achats pour Halloween. Je me demande qui aura le plus peur dans cette histoire, eux ou les vendeurs?
La semaine prochaine il est aussi prévu que Pierre aille à la piscine, j'espère qu'il fera sa pierre ponce!
Bref, il n'a pas le temps de s'ennuyer et ses journées sont bien remplies. Le soir il est lessivé.

En ce qui me concerne, quand on me demande comment ça va, j'ai du mal à répondre.
De retour de la mer, j'avais l'impression d'avoir retrouvé mes forces d'avant, je me sentais enfin bien. Malheureusement, la deuxième chimio a de nouveau tout perturbé.
Grâce aux médicaments les premières 24 heures étaient moins chahutées mais vendredi j'étais vraiment pas en forme, les nausées et la fatigue des mauvaises nuits me donnaient un cocktail peu digeste. Heureusement le pire était passé quand Pierre est rentré. Dimanche était une bonne journée.

Quand je regarde dans le miroir je me demande qui est cette personne qui me regarde avec ces yeux noirs étonnés.  Elle ressemble très fort à cette petite fille de trois ans à la robe verte brodée d'escargots dont le portrait dessiné en 1962 pend au living. Je retrouve la tête ornée d'un léger duvet de notre Emilie bébé. Je vois une nonne tibétaine, une nonnette qui va faire ses vœux, une Juive qui a enlevé sa perruque, E.T. qui veut téléphoner à la maison, Jeanne d'Arc qui veut passer pour un garçon, Marie-Antoinette avant son passage à la guillotine, ...
Plus besoin de peigne, de sèche-cheveux, de pinces, d'élastiques, ... c'est pratique!  Mais c'est un peu froid quand même d'avoir la boule à zéro. L'autre jour il y a une fée qui est passée par notre boîte aux lettres et qui y a déposé un petit paquet anonyme.  Un joli bonnet tricoté main tout léger, tout doux s'y cachait.  Je ne sais qui était cette fée mais je voudrais lui dire merci pour ce cadeau si utile et agréable, il m'empêche d'avoir un rhume du cerveau et me permet de ne mettre ma perruque que quand je suis en compagnie. J'ai du mal à m'y habituer, ça chatouille (ou est-ce que ça gratouille?) et il fait chaud la dedans.  J'ai bien choisi mon timing.  Porter une perruque en plein été, ça doit chauffer, vive l'automne et l'hiver...

Moi qui ai toujours eu une gestion assez naturelle de la santé, je suis servie...  Je me sens empoisonnée par cette chimio "préventive" qui chamboule mon métabolisme.  Pour adoucir les effets secondaires et les dégâts collatéraux je dois prendre d'autres produits qui a leur tour ont aussi des effets secondaires et des risques non négligeables. La chimio faisant descendre mes globules blancs en chute libre, je dois recevoir une piqûre le lendemain pour me booster la moelle épinière pour qu'elle reproduise activement des globules blancs.  Ce produit-là pourrait favoriser une leucémie ou d'autres problèmes. Bref, en raccourci, pour éviter que mon cancer puisse revenir, on met mon immunité au 36ième dessous et on veut me rassurer en me donnant des produits qui pourraient être cancérigènes. Je caricature un peu, mais je ne suis pas vraiment loin de la réalité. Certes, on n'est plus à l'époque des saignées, mais sincèrement je ne suis pas vraiment rassurée à 100 % . Petit conseil, surtout ne lisez pas les notices de tous les médicaments qu'on vous fourgue, car c'est pas bon pour le moral ni les insomnies.  Comme disais je ne sais plus qui "je mourrai guérie". Heureusement que la phytothérapie chinoise veille sur moi et essaye de limiter les dégâts collatéraux de la médecine "classique".
Rien qu'en pensant que je devrai encore une fois supporter cette chimio, j'en ai des haut-le-cœur.  Donc je zappe, j'essaye de vivre le moment présent, je ne me laisse pas envahir par mes angoisses, du moins j'essaye. J'évite de me mettre dans des situations "à risques".  Désolée, chers amis, de paraître un peu misanthrope pour le moment, mais c'est purement pour des raisons sanitaires que je me mets un peu en quarantaine provisoire. Je ne peux pas me permettre de ramasser un virus ou un microbe pour le moment. Heureusement que les virus des moyens modernes de communication ne font pas partie de ceux qui pourraient me mettre en danger.  Donc n'hésitez pas à vous manifester par ces moyens-là, si vous en avez envie, je ne risque rien, au contraire, c'est bon pour le moral.



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