Revoici, maintenant que je suis à Pellenberg depuis 4 semaines et demi,
quelques cartes postales qui vous permettront de visualiser mon monde.
Il y a cette dame d’un âge respectable qui se sent tout doucement diminuer,
qui sait qu’elle finira dans une chaise électronique, n’ayant plus de force
pour se déplacer avec une chaise active. Nous nous sommes trouvés seuls il y a
quelques jours, elle n’avait pas le moral. Elle me confiait que depuis
toujours, elle diligentait la maisonnée, organisait tout… et maintenant elle
dépend de tous pour se déplacer, pour s’habiller, parfois pour manger. Elle
me disait qu’elle n’est plus rien, plus
personne. Ses paroles étaient entrecoupées de sanglots, de fines larmes
coulaient sur ses joues, ce qui a déclenché les miennes! En essayant de
contrôler mes propres sanglots, je lui ai fait remarquer qu’elle est encore
quelqu’un, que des moments de creux, tout le monde en a et qu’il faut laisser
sortir ses émotions. Je lui ai fait remarquer qu’il y a un combat en
elle : il y a celle qui ne veut plus se battre, mais il y a l’autre, qui
veut toujours se battre. Je lui ai expliqué que je les connais toutes les deux.
Et je lui ai parlé de celle qui est remplie de courage. Pour ce faire, je me
suis contenté de la décrire, comme si elle était face à un miroir :
« Tu es la seule de notre rue à ne pas te balader en training, en
survêtement sportif, tu es chaque jour habillée comme si tu te rendais en
visite chez quelqu’un. Toujours soignée, bien coiffée, légèrement maquillée,
avec un rouge à lèvres qui tient, des boucles d’oreilles à la fois discrètes et
visibles ». Je lui ai dit qu’elle prend soin d’elle chaque jour et que
c’est important et qu’à ces moments-là, c’est la courageuse qui l’emporte. Elle
a alors réagi en disant que c’est important « d’être bien ». Je lui
ai demandé si c’est important même quand ça ne va pas. Elle m’a répondu que
c’est surtout à ces moments-là que c’est important, avec un immense sourire et
des yeux pétillants de joie.
Une carte postale de la salle de sport, où nous passons plusieurs heures
par semaine. Nous sommes un grand groupe à suivre le même programme de
sport/musculation, ayant tous des particularités différentes (amputations,
lésions, besoin d’une remise en condition, etc…). Je me trouvais près d’un
sympathique voisin de ma rue. Un peu jaloux de le voir faire ce qu’il veut avec
ses bras musclés, je le regardais en me disant qu’il a de la chance. Un peu
plus tard, nous étions à table ensemble entre chaises roulantes (c’est un club
très fermé, on n’y entre pas facilement) et il nous dit alors qu’il est
incapable de tenir droit tout seul, n’ayant plus le contrôle de son tronc. Je
me suis dit alors que mon état n’est certainement pas pire que le sien… Me
voilà surpris à comparer, à envier… alors que je crie à qui veut l’entendre
qu’il ne faut pas comparer nos petits et grands problèmes. Et pan ! En
plein dans le mille !
Ce jeudi (pour vous qui lisez ce texte, c’était jeudi passé…), j’apprends
que je pourrai rentrer définitivement le vendredi 6 janvier !!! Je ne sais
si je serai prêt, mais c’est une très bonne nouvelle. Il me reste deux semaines
pour récupérer les techniques un peu perdues. Pour le moment on travaille
l’autonomie pour me mettre et sortir du lit. La technique est bonne, mais je
n’ose pas le faire seul… C’est fou comme je retombe facilement dans les mêmes
pièges (peur, manque de confiance en moi). Je sais aussi que le travail se
poursuivra à la maison. Vivement mon retour auprès de ma Douce et Tendre !
Petite carte postale de la soirée festive à Pellenberg. A l’occasion des
fêtes de fin d’année, toute l’équipe a organisé un buffet festif durant lequel
les revalidants ont été choyés comme des rois ! Abondance, ambiance, mais
pas de danse. Voir nos anges gardiens habillés en civil, avec recherche et
goût, c’était aussi un grand plaisir: un peu de leur monde nous était ouvert,
je ne les voyais plus en blanc, je les découvrais « en vrai » comme
diraient les enfants (encore que… ces anges sont vrais en blanc aussi). C’était
l’occasion pour les gens de la rue de manger ensemble, ce qui n’arrive plus
depuis que ceux qui mangent proprement doivent aller manger à la cafétéria.
Certaines personnes restaient silencieuses, mais l’animation montait. Soignés
aux petits oignons, nous n’avions à nous soucier que du bonheur d’être là. J’ai
même vu sourire une personne qui ne sourit jamais.
Carte postale « rencontres »… J’ai fait la connaissance de
quelqu’un qui a entendu à mon accent que je suis francophone et qui m’a donc
parlé en français, me disant « ze suis parfait bilaink ». Mais ça va…
ze comprends chon franchais (‘t doet me denken aan het liedje van Urbanus « quand les oziaux chantent dans
le bwa »). C’est amusant comme certaines personnes ont du plaisir à me
parler en français ; de temps en temps une phrase, une petite
conversation. On est loin des problèmes linguistiques qui divisent à l’occasion
la Belgique.
Ce vendredi, il y a des départs définitifs. Je me connais, ce sera dur. Et
en même temps je me réjouis pour celles et ceux qui peuvent rentrer à la
maison. J’ai eu l’occasion de saluer deux « départs »… Dur dur !
Entre joie pour eux, tristesse de la séparation, il y a un chemin que
j’emprunte souvent. Mais je sais aussi que nous avons cheminé un temps ensemble
et que nos chemins se séparent. Nous nous croiserons à l’occasion lors d’un
contrôle, lors d’un évènement, mais que nous ne garderons pas le contact en
permanence. C’est donc surtout cette idée de séparation qui me fend le cœur.
J’ai évité un « au revoir »… ça aurait été trop dur !
Une carte postale « dames en blanc » : il y a des malades
pour le moment, notre rue tourne avec des effectifs insuffisants ; qui
plus est il n’y a ni stagiaires ni job-students pendant cette période de
vacances. Je vois nos anges gardiens courir, transpirer, pester à l’occasion,
mais dès qu’elles entrent dans une chambre, tout est mis de côté :
attention, sourire, disponibilité, patience, écoute. Elles se refont une
virginité relationnelle à chaque fois. La rue sert un peu à l’occasion de
dévidoir (et moi aussi ! j’en taquine l’une ou l’autre, en faisant de
petites remarques quand on se croise dans la rue « Attention, tu as oublié
ton marteau, tu as perdu ton sac de sourire, tu as essayé l’euthanasie ?
Parfois ça aide… »). Mais quel courage ! Il n’y a que deux mots pour
exprimer ce que je ressens pour nos infirmières : Respect Respect !
Ce texte se termine plus ou moins ici… j’étais à la maison pour le WE de
Noël, j’en goûte tous les petits plaisirs, la douceur de la présence de
Madicte. Même si elle a déjà envoyé des vœux via les mails, je vous adresse
encore tous nos vœux à l’occasion de Noël !
Une idée musicale ? J’ai eu énormément de plaisir à découvrir David
Bowie tout jeune, chantant avec Bing Crosby « Peace on Earth – The Little
Drummer Boy ». J’ai aussi réécouté avec bonheur le CD du
film « 1492 ». Très belle musique de Vangélis… selon moi…
Ieder van ons kan, als
het donkert in de wereld,
in zichzelf een lichtje proberen aan te steken.
Wij wensen dat jullie steeds dat lichtje brandend kunnen houden
zodat hoop en vriendschap jullie weg mogen verlichten in 2017.
in zichzelf een lichtje proberen aan te steken.
Wij wensen dat jullie steeds dat lichtje brandend kunnen houden
zodat hoop en vriendschap jullie weg mogen verlichten in 2017.
Bénédicte en Pierre,
Frédéric, Emilie en Jan
Lorsqu'il fait sombre dans le
monde,
chacun de nous peut essayer d'allumer
une petite lumière dans son cœur.
Nous vous souhaitons de garder cette petite flamme ardente
afin que l'espérance et l'amitié éclairent votre chemin en 2017.
chacun de nous peut essayer d'allumer
une petite lumière dans son cœur.
Nous vous souhaitons de garder cette petite flamme ardente
afin que l'espérance et l'amitié éclairent votre chemin en 2017.
Pierre et Madicte, Frédéric,
Emilie et Jan