Chers tous, revoici le temps des cartes postales !
La première m’est parvenue de manière originale… je me suis rendu à la
chapelle. On y avait installé la crèche. C’est fou… depuis que les crèches
existent, le monde chrétien prépare le lit du petit Jésus, souvent quelques
semaines à l’avance. Si il y a 2000 ans Marie et Joseph en avaient fait autant,
ils n’auraient pas eu de problèmes de logement en arrivant à Bethléem. Manque
de prévoyance ? Jeunesse et insouciance de jeunes mariés ?
Booking.com n’existait pas encore ? En tout cas, cela n’arriverait plus
maintenant. Bref, j’en reviens à la crèche dans la chapelle. Les personnages
déjà présents sont deux poupées semblables habillées différemment. Visiblement
ce sont deux femmes (les pommettes maquillées de rouge, pas de barbe, doigts
très fins, cils très longs), l’une blonde et l’autre noire. Erreur de
casting ? Position de l’Eglise en faveur des couples du même sexe ?
Humour de notre équipe pastorale ? (il y a peut-être deux Joseph ailleurs
dans une autre chapelle, attendant aussi leur bébé adopté…) Préparation d’un
grand jeu des vacances de Noël « trouvez l’erreur » ? Toujours
est-il que les deux mamans ont le même regard très tendre. Je leur souhaite
plein de bonheur avec leur petit Jésus.
Autre carte postale : Cette semaine nous a vus fêter St Nicolas et
deux jours plus tard on commençait la décoration de Noël. Une stagiaire avait
en charge le sapin de la salle de TV ( donc moi je donnais les conseils et elle
exécutait ). Pas de disputes, mais beaucoup de bonne humeur. Cela m’a rappelé
cette petite anecdote, lors de mon séjour ici il y a deux ans. Les stagiaires
kinés, un vendredi, avaient moins de patients (certains étaient rentrés chez
eux dans l’après-midi du vendredi). L’un des stagiaires terminait un rapport à
l’ordinateur, un autre frottait les tables sans grande conviction, deux autres
papotaient, et deux autres se proposaient d’aider la dernière pour s’occuper de
moi. Une fois installé sur la table, mes trois stagiaires ont vu que ce n’était
pas possible de s’occuper à trois d’un seul patient. Donc l’une travaille et
les deux autres participent à la conversation. A un moment, je leur ai dit que
je venais de trouver le boulot que j’aimerais exercer après ma revalidation. On
a joué à deviner de quel métier il était question. Après quelques minutes, ne
trouvant pas, elles ont donné leur langue au chat. Je leur ai donc dit, en
regardant tout autour de moi vers les stagiaires, que le seul métier que je
serais capable d’exercer, c’était « STAGIAIRE » apparemment pas trop
dur. Pour revenir à la stagiaire-décoratrice : à un moment donné, un
stagiaire médecin est arrivé et a commencé à engager la conversation, mais
uniquement avec la jeune stagiaire. Je n’entrais pas dans son espace. Sentant
bien qu’il voulait s’accaparer la demoiselle, je me suis éclipsé sur la pointe
des pieds (c’est une image, hein !). Plus tard dans l’après midi, la
demoiselle est venue voir si je n’étais pas fâché, ou vexé ; cela l’embêtait
que je sois ainsi jeté par l’autre coco. Je lui ai dit que coco et moi avions
des objectifs différents ; moi j’étais là pour partager un moment de bonne
humeur, sans plus.
Je partage ma chambre avec un jeune homme… J’ai beaucoup de mal à le
comprendre : nous ne parlons pas le même néerlandais. Chaque matin quand
les infirmières viennent nous réveiller, je lui adresse un grand « Goeie
morgen Michaël ! ». En réponse j’ai toujours droit à ce vibrant,
chaleureux et sincère « Yeoooow… ».
Je me retrouve dans des situations très proches de celles vécues il y a
deux ans, avec la nuance que maintenant je sais à quoi tel ou tel mouvement va
servir. Ca ne diminue pas les douleurs, mais je sais quelle est la finalité des
exercices, c’est une fameuse motivation. J’ai commencé l’endurance… hé ben, je
ne suis pas fier ! Plus de souffle, plus de résistance. On va reconstruire
tout ça, je m’y engage à fond (avec mon équipe). Heureusement je vois des
progrès ici et là : la force revient dans les doigts. Je suis parvenu à me
recouper les ongles des deux mains (tout seul), je peux à nouveau ouvrir une
bouteille d’eau. Ma première leçon de chaise roulante a été efficace, le prof
m’a félicité. Mais je sais aussi que certains gestes, certaines manœuvres ne
sont pas envisageables tout de suite par manque de force dans le bras gauche.
Donc il faut travailler la musculation. C’est le plus douloureux ! Je
pense que les suites de cette opération sont plus douloureuses que celle de
juin (à l’époque je n’ai pas eu de revalidation). En ce qui concerne la chaise
roulante, je me rends compte que je manque de confiance en moi, je n’ose pas me
lancer, j’ai peur à certains moments. C’est idiot, j’ai la preuve que je peux y
arriver, je sais que la peur est mauvaise conseillère ; à moi de
travailler mon problème. J’ai un programme de plus en plus chargé. Mes deux
premières semaines étaient un petit échauffement, un round d’observation. Cette
semaine est un démarrage style « 24 h du Mans » : on
fonce !!!
Il faut vous partager une bonne nouvelle : j’ai appris que je peux
rentrer à la maison durant le WE !!! Donc cette semaine d’efforts a été
payante. Enfin ! Dormir chez soi ! M’endormir auprès de ma belle, me
réveiller près d’elle ! Ces petits plaisirs de la vie qui nous permettent
d’aller de l’avant.
J’ai demandé à mes infirmières-anges gardiens si je pouvais gérer seul mes
médicaments (on m’apporte chaque matin mon potiquet rempli de pilules). Il y a
deux ans je recevais la dose pour la semaine, avec mission de prendre le nombre
correct chaque jour. Une infirmière m’a demandé si vraiment j’en serais
capable, on a un peu échangé sur le sujet puis elle m’a demandé que faire si je
me trompais dans les doses. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas me tromper,
j’ai un système infaillible : le lundi je prends toutes les pilules
blanches, le mardi toutes les pilules oranges, le mercredi toutes les pilules
vertes, etc… Son regard effrayé a duré quelques secondes avant de réaliser que
je la taquinais… Bref, je devrais recevoir mon demi-kilo hebdomadaire en fin de
semaine.
Il y a parmi les revalidants une jeune dame de confession musulmane. Nous
avons sympathisé assez vite (je suis le seul à lui servir un « salam
aleikoum »). Elle m’a demandé en néerlandais où j’avais appris sa langue…
Hum, je lui ai sorti tout mon répertoire (choukran, avec l’accent des arabes
liégeois ; kif kif, avec l’accent d’Antwerpen ; mismillah, avec
l’accent d’Ottignies ; Inch’Allah, avec l’accent de Fernandel dans le film
Ali Baba et les 40 voleurs ; chouf, avec un mauvais accent marseillais ;
yalla ! avec l’accent franco-égyptien de sœur Emmanuelle). Rires, bonne
humeur, … et depuis nous nous parlons en néerlandais.
Je reste toujours aussi reconnaissant pour vos paroles et gestes de
soutien. Nous sommes portés
par tant de gens ! Ik voel me een beetje schuldig om zo weinig in het Nederlands
te schrijven; ik weet dat het gemakkelijker is om te babbelen dan schrijven.
Maar is dat een excuse? Dikke dikke dikke knuffel voor jullie allemaal!
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