Me revoici donc à Pellenberg… Même rue, autres habitants, mais le service
d’ordre est bien le même (dames en blanc, docteur, kinés, profs de sport et de
chaise roulante, ergos, …). Je n’imaginais pas un tel accueil ! « Den
Pierre is terug ! » Les sourires, les mots d’accueil, les
souvenirs qui remontent à la surface… Certaines
infirmières, se souvenant de ma grande émotivité, sont arrivées dans ma chambre
avec une boite de mouchoirs ! Aussi bon que ce soit, ça ne fait pas
diminuer les douleurs physiques, hélas.
De mon séjour à Gasthuisberg, je garde quelques bons souvenirs, que je vous
livre en vrac : même plus peur des piqures, prises de sang et autres.
Cette phobie de la douleur est passée; notre médecin de famille y est pour
beaucoup ! Merci Viviane ! L’opération elle-même a duré 4 heures.
Nous avons, Madicte et moi, admiré que ce soit le Pr chirurgien lui-même qui
téléphone à Madicte pour la prévenir que l’opération était terminée, que tout
allait bien . L’image qu’on se fait d’un grand chirurgien, prof d’unif,
est parfois loin de la réalité ! Sans parler des visites amicales d’un
autre prof, ami, qui passait pour le plaisir d’une papote. L’imagerie populaire
transforme souvent, impose des clichés loin de la réalité. Que d’humanité, que
de soucis du patient et de ses proches ! J’ai bien sûr revu
« mon » infirmière qui danse autant qu’elle ne travaille, qui met
plus de soleil dans la chambre qu’il n’y en dans le ciel, qui devance la
douleur, qui choisit la couleur de mon T-shirt du jour.
Avec beaucoup de prévenance on me préparait mes tartines du petit déjeuner ; j’ai demandé à pouvoir les beurrer et tartiner moi-même, ce qui a lors été scrupuleusement notifié dans l’ordinateur. Mais chaque matin et chaque soir je recevais mes tartines toutes prêtes. J’ai compris, après une petite enquête, que les dames qui s’occupent de la logistique pensaient qu’il s’agissait d’une erreur de l’ordinateur et voulaient surtout me soulager. Dans les écoles, c’est formellement interdit: on appelle ça du chouchoutage !
Avec beaucoup de prévenance on me préparait mes tartines du petit déjeuner ; j’ai demandé à pouvoir les beurrer et tartiner moi-même, ce qui a lors été scrupuleusement notifié dans l’ordinateur. Mais chaque matin et chaque soir je recevais mes tartines toutes prêtes. J’ai compris, après une petite enquête, que les dames qui s’occupent de la logistique pensaient qu’il s’agissait d’une erreur de l’ordinateur et voulaient surtout me soulager. Dans les écoles, c’est formellement interdit: on appelle ça du chouchoutage !
En écrivant ces lignes, j’écoute le concerto pour harpe de Boieldieu
(Youtube, c’est un bel outil !!!). Je retrouve toute une ambiance de mon
enfance: papa à son bureau, moi par terre jouant avec mes petites autos. Papa
avait acheté un tourne-disque Dual qui a été installé dans les rayonnages de sa
bibliothèque et n’en a plus jamais bougé. Une image de paix, de bonheur me
revient et me porte tandis que je tapote mon clavier.
Ici à Pellenberg, mes activités ont vite repris leur cours comme il y a
deux ans: kiné, ergo, mais pas encore de sport. Arriver seul au local des ergos
est presque un exploit, il y a tant de mois que je n’ai plus fait 100 m
seul ! Les fines manipulations demandées sont douloureuses, mais je sais
(grande expérience !) que d’ici quelques semaines les muscles vont
refonctionner comme autrefois.
Vous êtes toujours aussi nombreux à nous soutenir. Nous savons Madicte et
moi ce que certains d’entre vous endurent au quotidien. Vous nous dites que
nous sommes des exemples, que vos souffrances sont relativisées par les nôtres.
Vous dites « De quoi ai-je le droit de me plaindre ? » Je n’aime
pas ce langage. Chacun a son grand ou petit fardeau à porter, chacun est en
chemin et a ses propres bagages (hormis Madicte, qui se charge des bagages des
autres, un peu comme Obélix, dans « Astérix légionnaire », qui porte
les sacs de cailloux de ses camarades - Sorry ma belle, l’occasion s’offrait à moi).
Vos sacs de cailloux ne seront pas moins lourds, moins douloureux parce que
nous portons nos sacs, qui – peut-être - à vos yeux sont plus lourds ou plus
douloureux que les vôtres ! (allez savoir !) Nous puisons aussi nos
forces à travers vous, à travers ce que vous vivez. Comparer n’apporte rien.
Mais si ce que nous vivons vous aide à aller de l’avant… alors profitez sans
honte de nous ! C’est ce que nous faisons aussi… Nous recevons de vos
visites, de vos pensées, de vos prières, de vos cadeaux, de vos messages mais
nous savons que, parfois, derrière vos sourires et votre tendresse se cachent
telle ou telle souffrance, telle ou telle crainte, tel ou tel désespoir, tel ou
tel silence. C’est vous qui nous nourrissez ! et nous ne nous sentons pas
« inférieurs »: nous recevons, c’est tout ! Nous portons aussi
dans nos cœurs ce que vous nous confiez (j’aime bien le concept de compassion).
Heureusement parmi vous, il y a surtout de la Vie, la joie, la solidarité,
l’entrain.
Je suis dans ma deuxième semaine à Pellenberg et certains petits détails me
montrent qu’il y a évolution dans la motricité des doigts; pour ce qui est de
la force, je vois que je suis arrivé à couper mes ongles seul (avant
l’opération, l’usage de la main gauche était exclu); à l’occasion j’aide un co-détenu
à déballer son pain, ou ses couverts (vive les emballages !).
Il y a du changement ici dans l’organisation des repas: quand on est
capable de se débrouiller seul, on va manger à la cafeteria (ce n’est pas un
choix, c’est obligatoire). Il y a un tel brouhaha, c’est pas très agréable. Qui
plus est, je suis plutôt « face to face » donc les grands
rassemblements ça ne m’amuse pas.
En matière de cartes postales, c’est un peu pauvre en ce moment, pas de
grands évènements dans ma rue, pas de voisins folkloriques à vous décrire, pas
de grands fou-rire, pas de chutes spectaculaires… Mon quotidien, ce sont les
séances de revalidation, les repas, les nuits où je dors comme un loir (ou
comme un bébé, ou comme un bienheureux). La douleur des muscles, des tendons
est bien présente, elle assure une permanence 24/24 h. La douleur de la
cicatrice s’en va doucement (le Capitaine Haddock chante cela si bien dans les
Bijoux de la Castafiore « Elle s’en va, elle est partie la douleur,
… »), cela facilite les déplacements seul dans le lit, mais l’épaule et le
bras sont encore enchaînés dans le salle de torture.
J’aimerais arriver à m’habiller seul, faire mes transferts, retrouver une
certaine dextérité dans la manipulation de ma chaise, ainsi qu’un peu de force
et d’endurance. J’ai lu quelque part que le Monde ne s’est pas fait en un jour…
Je vais donc réendosser ma pelure de patience.
Là où je suis, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… Avec
des nuances médico-littéraires… Je suis en de bonnes mains. Mais ma Belle me
manque ! Elle est souvent seule tandis que moi je suis surcouvé ici… (ce
n’est pas une plainte !)
J’ai peu d’accès à Internet en ce moment, donc peu de musique à vous
proposer… Faites-vous plaisir en écoutant ce que vous aimez! Merci pour tous
vos gestes d’amitié, pour tout ce que vous faites pour nous !
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