jeudi 29 décembre 2016

Ils sont fous ces Romains !




Revoici, maintenant que je suis à Pellenberg depuis 4 semaines et demi, quelques cartes postales qui vous permettront de visualiser mon monde.
Il y a cette dame d’un âge respectable qui se sent tout doucement diminuer, qui sait qu’elle finira dans une chaise électronique, n’ayant plus de force pour se déplacer avec une chaise active. Nous nous sommes trouvés seuls il y a quelques jours, elle n’avait pas le moral. Elle me confiait que depuis toujours, elle diligentait la maisonnée, organisait tout… et maintenant elle dépend de tous pour se déplacer, pour s’habiller, parfois pour manger. Elle me  disait qu’elle n’est plus rien, plus personne. Ses paroles étaient entrecoupées de sanglots, de fines larmes coulaient sur ses joues, ce qui a déclenché les miennes! En essayant de contrôler mes propres sanglots, je lui ai fait remarquer qu’elle est encore quelqu’un, que des moments de creux, tout le monde en a et qu’il faut laisser sortir ses émotions. Je lui ai fait remarquer qu’il y a un combat en elle : il y a celle qui ne veut plus se battre, mais il y a l’autre, qui veut toujours se battre. Je lui ai expliqué que je les connais toutes les deux. Et je lui ai parlé de celle qui est remplie de courage. Pour ce faire, je me suis contenté de la décrire, comme si elle était face à un miroir : « Tu es la seule de notre rue à ne pas te balader en training, en survêtement sportif, tu es chaque jour habillée comme si tu te rendais en visite chez quelqu’un. Toujours soignée, bien coiffée, légèrement maquillée, avec un rouge à lèvres qui tient, des boucles d’oreilles à la fois discrètes et visibles ». Je lui ai dit qu’elle prend soin d’elle chaque jour et que c’est important et qu’à ces moments-là, c’est la courageuse qui l’emporte. Elle a alors réagi en disant que c’est important « d’être bien ». Je lui ai demandé si c’est important même quand ça ne va pas. Elle m’a répondu que c’est surtout à ces moments-là que c’est important, avec un immense sourire et des yeux pétillants de joie. 

Une carte postale de la salle de sport, où nous passons plusieurs heures par semaine. Nous sommes un grand groupe à suivre le même programme de sport/musculation, ayant tous des particularités différentes (amputations, lésions, besoin d’une remise en condition, etc…). Je me trouvais près d’un sympathique voisin de ma rue. Un peu jaloux de le voir faire ce qu’il veut avec ses bras musclés, je le regardais en me disant qu’il a de la chance. Un peu plus tard, nous étions à table ensemble entre chaises roulantes (c’est un club très fermé, on n’y entre pas facilement) et il nous dit alors qu’il est incapable de tenir droit tout seul, n’ayant plus le contrôle de son tronc. Je me suis dit alors que mon état n’est certainement pas pire que le sien… Me voilà surpris à comparer, à envier… alors que je crie à qui veut l’entendre qu’il ne faut pas comparer nos petits et grands problèmes. Et pan ! En plein dans le mille !

Ce jeudi (pour vous qui lisez ce texte, c’était jeudi passé…), j’apprends que je pourrai rentrer définitivement le vendredi 6 janvier !!! Je ne sais si je serai prêt, mais c’est une très bonne nouvelle. Il me reste deux semaines pour récupérer les techniques un peu perdues. Pour le moment on travaille l’autonomie pour me mettre et sortir du lit. La technique est bonne, mais je n’ose pas le faire seul… C’est fou comme je retombe facilement dans les mêmes pièges (peur, manque de confiance en moi). Je sais aussi que le travail se poursuivra à la maison. Vivement mon retour auprès de ma Douce et Tendre !

Petite carte postale de la soirée festive à Pellenberg. A l’occasion des fêtes de fin d’année, toute l’équipe a organisé un buffet festif durant lequel les revalidants ont été choyés comme des rois ! Abondance, ambiance, mais pas de danse. Voir nos anges gardiens habillés en civil, avec recherche et goût, c’était aussi un grand plaisir: un peu de leur monde nous était ouvert, je ne les voyais plus en blanc, je les découvrais « en vrai » comme diraient les enfants (encore que… ces anges sont vrais en blanc aussi). C’était l’occasion pour les gens de la rue de manger ensemble, ce qui n’arrive plus depuis que ceux qui mangent proprement doivent aller manger à la cafétéria. Certaines personnes restaient silencieuses, mais l’animation montait. Soignés aux petits oignons, nous n’avions à nous soucier que du bonheur d’être là. J’ai même vu sourire une personne qui ne sourit jamais.

Carte postale « rencontres »… J’ai fait la connaissance de quelqu’un qui a entendu à mon accent que je suis francophone et qui m’a donc parlé en français, me disant « ze suis parfait bilaink ». Mais ça va… ze comprends chon franchais (‘t doet me denken aan het liedje van  Urbanus « quand les oziaux chantent dans le bwa »). C’est amusant comme certaines personnes ont du plaisir à me parler en français ; de temps en temps une phrase, une petite conversation. On est loin des problèmes linguistiques qui divisent à l’occasion la Belgique. 

Ce vendredi, il y a des départs définitifs. Je me connais, ce sera dur. Et en même temps je me réjouis pour celles et ceux qui peuvent rentrer à la maison. J’ai eu l’occasion de saluer deux « départs »… Dur dur ! Entre joie pour eux, tristesse de la séparation, il y a un chemin que j’emprunte souvent. Mais je sais aussi que nous avons cheminé un temps ensemble et que nos chemins se séparent. Nous nous croiserons à l’occasion lors d’un contrôle, lors d’un évènement, mais que nous ne garderons pas le contact en permanence. C’est donc surtout cette idée de séparation qui me fend le cœur. J’ai évité un « au revoir »… ça aurait été trop dur ! 

Une carte postale « dames en blanc » : il y a des malades pour le moment, notre rue tourne avec des effectifs insuffisants ; qui plus est il n’y a ni stagiaires ni job-students pendant cette période de vacances. Je vois nos anges gardiens courir, transpirer, pester à l’occasion, mais dès qu’elles entrent dans une chambre, tout est mis de côté : attention, sourire, disponibilité, patience, écoute. Elles se refont une virginité relationnelle à chaque fois. La rue sert un peu à l’occasion de dévidoir (et moi aussi ! j’en taquine l’une ou l’autre, en faisant de petites remarques quand on se croise dans la rue « Attention, tu as oublié ton marteau, tu as perdu ton sac de sourire, tu as essayé l’euthanasie ? Parfois ça aide… »). Mais quel courage ! Il n’y a que deux mots pour exprimer ce que je ressens pour nos infirmières : Respect Respect !

Ce texte se termine plus ou moins ici… j’étais à la maison pour le WE de Noël, j’en goûte tous les petits plaisirs, la douceur de la présence de Madicte. Même si elle a déjà envoyé des vœux via les mails, je vous adresse encore tous nos vœux à l’occasion de Noël !


Une idée musicale ? J’ai eu énormément de plaisir à découvrir David Bowie tout jeune, chantant avec Bing Crosby « Peace on Earth – The Little Drummer Boy ». J’ai aussi réécouté avec bonheur le CD du film « 1492 ». Très belle musique de Vangélis… selon moi…


Ieder van ons kan, als  het donkert in de wereld,
in zichzelf een lichtje proberen aan te steken.
Wij wensen dat jullie steeds dat lichtje brandend kunnen houden
zodat hoop en vriendschap jullie weg mogen verlichten in 2017.

Bénédicte en Pierre, Frédéric, Emilie en Jan



Lorsqu'il fait sombre dans le monde,
chacun de nous peut essayer d'allumer
une petite lumière dans son cœur. 
Nous vous souhaitons de garder cette petite flamme ardente
afin que l'espérance et l'amitié éclairent votre chemin en 2017.

Pierre et Madicte, Frédéric, Emilie et Jan





















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