Me
revoilà, après quelques hésitations, je reprends le clavier pour vous parler de
Gunther.
Quand
je suis arrivé à Pellenberg, Gunther a été le premier, parmi les
revalidants, à m’accueillir. Il s’est présenté,
m’a demandé comment je m’appelais; il m’a mis à l’aise; lui sur sa chaise
roulante, moi encore dans mon lit… Ses mots sonnaient justes, il a trouvé les
sujets de conversation qui nous rapprochaient, il a gentiment souligné qu’on
entendait que je ne suis pas néerlandophone… On avait un peu le même humour. Impossible de l’oublier. Il n’est pas resté
longtemps après mon arrivée; peut-être trois ou quatre semaines. Puis il a pu
rentrer chez lui, à Hasselt. Ce lundi 22 décembre il a été enterré : il a
choisi de ne plus se battre, sa Vie était trop dure, il n’en pouvait plus,
limité par son corps prisonnier. Je n’ai jamais rencontré personne de sa
famille (sa femme et ses deux filles), je n’ai que des images qui se sont
estompées avec le temps. Voilà comment une image de quelqu’un de fort me
rappelle qu’il y a aussi des limites à cette force.
Dans ma
rue, il y a un autre « cassé » comme moi, arrivé il y a plus ou moins
6 semaines. Il m’a expliqué que la première semaine après son accident, il ne
voulait plus vivre. Il se demandait comment il serait possible de continuer. Il
est marié et a trois enfants âgés de 5 à 10 ans. Maintenant il veut vivre, être
le plus possible présent à sa femme et à leurs enfants.
Deux
vies, deux parcours…
Je n’ai
jamais songé au suicide ! (enfin… pas au mien !) Tant de lumières me
sourient, me réchauffent. Avec ou sans jambes.
Vivre, c’est une aventure magnifique, c’est une croisière qui nous fait
découvrir des mondes nouveaux, à commencer par notre propre monde intérieur. J’ai
l’immense chance d’avoir Madicte, les enfants, la famille, les amies et les
amis, les collègues et les enfants dans les écoles. Et moi aussi ! J’ai le
luxe d’avoir une chapelle à ma disposition ici à Pellenberg. J’aime y passer, que ce soit pour confier mes larmes,
ou mes sourires. Je sais aussi combien je peux me confier à vous tous !
En ces
jours qui précèdent Noël, je sais à quel point Madicte est efficace et envoie
nos vœux à tous. Elle est super organisée. Chapeau, chère Madame. Tes journées
sont bien remplies, entre l’administratif, les mails, le ménage, les moments de
repos volés au temps qui fuit. Merci pour tout ce que tu fais ma Douce !!!
En
rentrant ce mercredi à la maison pour ce long WE de Noël, j’ai eu une fameuse
surprise: au living pendaient des dizaines de cartes de vœux. Emilie a contacté
la radio Joe FM, en expliquant que son papa avait eu un accident de moto, qu’il
croit fermement aux anges gardiens, qu’il est en chaise roulante. Elle voulait
me faire la surprise de recevoir des cartes avec des illustrations d’anges. Des
dizaines et des dizaines d’auditeurs ont envoyé des cartes ! WAOW !
Des inconnus pour la plupart, mais aussi des amis. Il y a des cartes uniques
(faites par les personnes elles-mêmes), des dessins, des textes touchants de
motards, … La Vie est belle !!!
Nous
avons fêté Noël à Zepperen, avec ma famille. Je me sentais peu utile ou
efficace pour la préparation… Pas de soucis, la main-d’œuvre n’a pas
manqué ! A 11.30 h, les neveux, enfants et beau-frère ont déplacé fauteuils,
table, canapé et ont rallongé la table, déplacé des chaises d’un peu partout
dans la maison. Et la fête a commencé ! Lors de leur départ, tout avait
regagné sa place ! Madicte avait en plus prévu la visite d’Olivier (qui m’a sauvé la Vie) et de sa compagne.
Quand je vous dis qu’elle est terrible !
Nous
avons souvent, Madicte et moi, des moments d’émotion en pensant à tout ce que
vous êtes, à tout ce que vous faites pour nous ! La Vie est une leçon
d’humilité ! Nous recevons tellement, de manières si différentes, parfois
inattendues. C’est la main sur le cœur que nous vous disons MERCI ! Dans
le même temps, nous pensons et prions si souvent pour ceux et celles qui
rament, qui se battent. Je me permets de citer Annick, Anne-Sophie, Filip,
Anne, Etienne, Kathleen et forcément toutes vos familles qui vivent au
quotidien ces luttes de géants. Don’t give up ! Stay fighting ! Je ne
doute même pas qu’il y en a parmi vous qui luttiez en silence, en secret. Vous
êtes aussi présents dans notre prière ! Je pense parfois à cette sentence
lue sur un document scolaire de notre grande tante Margueritte ( qui était à
l’internat en Allemagne avant la première guerre mondiale) : « Aimer,
sourire, souffrir et se taire ». Je suis passé par toutes sortes de réflexions
par rapport à ces mots. Faut-il taire sa souffrance ? Pourquoi ? Pour
quoi ? Faut-il se cacher derrière le sourire ? Ne peut-on confier,
partager à l’un ou l’autre ? Chacun a sa réponse, sa ligne de conduite,
ses raisons
Ces
derniers temps, la progression dans la rééducation est un peu moins rapide
(douleurs musculaires, prise de conscience de tout ce qui ne sera plus, …),
parfois c’est décourageant. Même s’il n’est pas encore question de me renvoyer
définitivement à la maison, j’appréhende un peu ce retour : serai-je
suffisamment autonome ? A Pellenberg, chacun donne le maximum pour nous,
les « cassés ». A nous ensuite de poursuivre ce qui nous a été donné.
C’est là que la Foi, la force personnelle, le soutien, l’Amitié prennent le
relai !
A tous
ceux qui soupirent, nous disons : Courage ! Les jours
rallongent !
Pour
terminer j’ai envie de reprendre cette phrase qui figure sur les vœux de
Virginie et Jacques :
« Family, where Life begins and Love never
ends »
Que la
joie de Noël vous couvre et vous entoure de tous ses bienfaits. Là où fragilité
et force cohabitent, les promesses de Vie, d’Amour, d’Amitié, de Paix sont
présentes. Pour vous tous !
Une
idée musique ? Le CD de Lynda Lemay « Feutres et
Pastels » : un vrai coup de cœur !