vendredi 19 décembre 2014

Je rêve d’un monde…




Cette fois-ci, j’ai envie de vous partager autre chose. Mais vous aurez quand-même à subir mes cartes postales !
Je rêve d’un monde où l’erreur serait juste un des pavés du chemin de la Vie, où il n’y aurait ni remords ni reproches; c’est par là que je passe, c’est tout.
Je rêve d’un monde où la culpabilité serait rayée du système éducatif. La faute serait appelée erreur. Et l’erreur n’annulerait ni le trajet ni l’effort accomplis.
Je rêve d’un monde où la culpabilité serait rayée de la communication, où l’on pourrait se dire sans chercher à enfoncer ou culpabiliser l’autre.
Je rêve d’un monde où présenter ses excuses ne serait pas perçu comme un signe de faiblesse, mais bien comme un geste participant à la réconciliation en reconnaissant et en acceptant une erreur.
Je rêve d’un monde où l’Amour ne pourrait pas être conjugué sans humour.
Je rêve d’un monde où l’orgueil n’aurait sa place que dans les histoires que l’on raconte aux enfants.
Je rêve d’un monde où l’on n’accable pas sans fin celui ou celle qui a commis des erreurs, si grosses soient elles.
Je rêve d’un monde où les gens qui s’occupent de malades, où les enseignants, où les pompiers, où les travailleurs de l’ombre auraient le respect et la reconnaissance de tous. On ne mettrait plus en avant les paroles creuses lancées par les politiciens qui s’accrochent au Pouvoir, mais on mettrait en avant tel ou tel fait discrètement arrivé, qui rend l’espoir à une personne, à une famille. Et je tais le sujet de leur rémunération !

A côté de mes rêves, il y a toujours l’actualité de Pellenberg… Voici donc quelques cartes postales de ma rue :
-      Lors d’un entrainement en chaises roulantes, la prof m’a demandé de présenter au groupe quelques déplacements et figures que je sais effectuer; les autres devaient juste m’imiter. J’ai d’abord proposé un quart d’heure de méditation… Refusé ! Bon, d’accord, nous n’avons pas le même humour elle et moi. J’ai alors proposé que nous avancions en équilibre sur les roues arrière ensemble côte à côte sur une ligne, puis après quelques mètres, nous avons effectué une rotation d’un quart de tour sur la droite. Bel ensemble, bien coordonné. Ensuite, il fallait reculer, toujours sur deux roues. Là j’ai entendu un cri semblable au mien quand je suis tombé du taxi ! Un de mes compagnons d’infortune est parti en chute vers l’arrière ; heureusement la prof veillait et a amorti le contact avec le sol. Mais notre ami était quand-même bien au sol, hors de sa chaise. Rapidement rassurés sur son état, nous avons assisté alors à un exercice qui me dépasse: remonter sur la chaise à la force des poignets ! En voyant son sourire, j’étais rassuré mais me demandais si ce que j’avais montré était trop dangereux. En fait il a attrapé des spasmes dans la main et n’a pas su contrôler sa chaise. Le port du casque est redevenu un sujet de conversation. L’un de nous porte un corset autour du thorax, nous lui avons demandé si le casque pour le ventre avait un intérêt en cas de chute. Difficile de rester sérieux dans ces cas-là.
-      Les profs de sport préparent une danse avec certains revalidants pour le spectacle de Noël. Je les observais en train de répéter dans la salle de sport. Mon visage oscillait entre émotion d’une part (je revois les filles de 6ième primaire qui répètent des danses pour les spectacles des écoles) et tristesse d’autre part (comme j’aimerais faire partie de ce groupe, même maladroitement, et faire usage de mes jambes pour un petit spectacle).
-      Une infirmière prend ma température un matin: 36,4°. Tout est normal. Quelques minutes plus tard, une autre arrive, l’air fort inquiète, et prend ma température. Tout est ok. Elle comprend que la précédente lui a fait une farce en lui disant que je n’allais pas bien et que ma fièvre montait. Nous décidons d’attraper une autre blouse blanche. Donc quand la troisième entre pour prendre ma température, je prends un air malade, je dis que je dois vomir. Mais son thermomètre indique aussi 36,4°. Elle ne se rend pas compte qu’elle est le dindon de la farce et pense que le thermomètre ne fonctionne pas.  C’est en voyant les sourires qu’elle réalise que je suis en super forme… Bon d’accord, ce n’est pas très sérieux, mais que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre !
-      Ici, dans ma rue, le Polonais parle en russe à l’Arménien ; le Belge parle en français au Polonais ; l’Arménien parle en néerlandais au Belge…
-      Il y a quelques jours, j’allais chercher de l’eau à la fontaine. Revenant avec ma cruche coincée entre les genoux, je croise une infirmière qui me propose de m’aider. J’accepte avec plaisir qu’elle me pousse pour les 10 derniers mètres, pouvant ainsi employer mes mains pour maintenir le pot d’eau en équilibre. Ne contrôlant plus rien de la propulsion, je constate qu’elle tire ma chaise vers l’arrière ! Me revoilà à la fontaine ! Elles sont très jouettes, ces femmes en blanc !

Mon séjour à Pellenberg dure depuis 5 mois et l’accident a eu lieu il y a 6 mois maintenant. Durant ces mois passés ici, j‘ai eu l’occasion d’étendre mon vocabulaire néerlandais. Surtout dans le domaine médical ! Au cas où vous auriez un accident de moto, je vous livre quelques mots utiles dans les conversations avec le personnel soignant (attention, ce n’est peut-être pas à un niveau académique): un tendon se dit een pees ; une attelle se dit een brees; une piqure se dit een pikuur ; un biceps se dit een bicheps (idem pour les tricheps et quadricheps); n’importe quel petit bouchon se trouvant au bout d’un tuyau ou d’un petit flacon se dit een tchoepke ; … Attention, si l’on vous dit pendant votre toilette que vous avez de belles fesses, ce n’est pas un compliment esthétique, c’est un terme technique qui signale que vous n’avez pas d’escarres.
Ce vendredi, je me suis réveillé avec de la fièvre: nouvelle infection urinaire… Donc pas de retour à la maison, re antibiotiques pour deux semaines ! Madicte s’est courageusement remise en route pour me visiter. Certaines infirmières ont plaidé pour qu’elle ne reste pas loger, étant donné sa faible immunité actuelle. Puis l’infirmière de nuit a trouvé dommage qu’elle ne puisse pas voir Madicte. C’est fou comme chacune d’elles s’inquiète, se soucie de ma petite femme !  Je l’ai déjà dit, c’est comme si Madicte faisait partie des patients de ma rue ! Je suis chaque jour interpelé par l’une ou l’autre pour donner des nouvelles de ma douce.
Au risque de me répéter, je suis sans voix devant vos gestes à notre égard: la liste des visites en attente continue, les sms, les mails, les courriers postaux montrent à souhait votre attention, votre souci et votre amitié pour nous. Je m’organise mal dans la gestion des réponses: durant la journée, je suis sans mon gsm, occupé par la revalidation. Quand je découvre les messages, si je ne réagis pas directement, je risque d’oublier une réponse, un rendez-vous. Je vous demande de m’excuser pour cette « organisation » (j’ai eu un accident). De plus, mon gsm me joue des tours, je ne suis pas content de cet achat ! Madicte m’a dit que le Père Noël pensera à moi en m’apportant un outil de qualité.
Depuis 6 mois, le temps a pris une autre dimension pour moi… Tout est lent par rapport à « avant ». Mais en même temps, je suis moins pressé: ce que je n’ai pas fait aujourd’hui est remis à plus tard. Les efforts faits aujourd’hui porteront leurs fruits une autre semaine. Il n’y a pas vraiment de délais pour faire se redévelopper tel muscle, ce qui compte c’est de le remettre au travail. Il me fait mal ? Ca passera dans quelques semaines. Quand je choisis de ranger ma chambre, je sais que je dois consacrer une heure pour quelque chose qui pourrait être fait « à pied » en 15 minutes. Si je veux aller chercher de l’eau à la fontaine dans le couloir, je dois compter sur un bon 4 minutes.
Les infirmières sont passées à la vitesse supérieure depuis deux jours: je dois me déshabiller et m’habiller seul. Je peux encore bénéficier d’aide les jours où la revalidation commence à 9.00 h. M’habiller seul au lit, en gardant l’équilibre, en devant tirer les bas de contention, enfiler slip et pantalon, mettre et lacer les chaussures: un travail de titan actuellement !!! Rajoutons qu’avant cela, j’ai passé 30 minutes dans le lit pour ma toilette, je peux être prêt en une heure et quart, rasage non compris. D’ici peu, après cette gymnastique, je pourrai me transférer du lit à la chaise roulante. Ah, oui : après cela je peux manger ! Il est certain que je vais m’améliorer avec le temps, mais je ne sais pas en combien de temps !
Les larmes sont encore mon lot quotidien. Je les sens monter, sans savoir pourquoi elles viennent. Je les laisse venir, j’évacue, mais je ne sais pas quoi ! Parfois, un mot, une image, une pensée, … provoque une montée d’émotion. Je passe régulièrement à la chapelle, où je peux pleurer à l’abri des regards et aussi trouver la sérénité.
Cette semaine, j’ai retrouvé Jacques Brel… Que du bonheur ! Mais qu’il est compliqué dans ses amours chantées. Pour moi c’est un peu plus simple…

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