samedi 30 août 2014

Cliniquement vivant ! / Klinisch levend !




Voici plus de deux mois que mon accident est arrivé.   Deux longs mois mais en même temps courts par rapport à ce qui m’attend…
Ce dernier mois m’a surtout vu admirer Madicte face à tout ce qu’elle vivait ; je me suis senti impuissant, désarmé, parfois tout petit à côté d’elle. Puis un jour je me suis dit que me sentir « tout petit » ne m’apportait rien de bon, ne m’aidait pas à aller de l’avant, surtout que dans le même temps Madicte me disait trouver son énergie en moi (entre autres). Moi qui n’arrête pas de dire à mes élèves que cela n’apporte rien de se comparer aux autres, il est temps que j’applique au moins une fois tout ce que j’enseigne !!! Donc, plutôt que de me minimiser, j’ai regardé les évènements autrement. J’ai repris confiance en moi, surtout après l’opération. Les exercices de kiné évoluent, je vois les progrès. En conclusion, je retiens mon admiration pour ma douce. Nous pouvons nous épauler, compter l’un sur l’autre.
Nous avons découvert qu’il nous fallait du temps à deux, c’est ainsi que nous nous réservons le samedi, jour où Madicte reste loger à Pellenberg. Ce sont des moments importants pour nous. J’ai aussi limité les visites à deux par jour, pour profiter de chacun de vous. Cela permet une rencontre plus longue aussi, ce que j’apprécie ! Ne vous inquiétez pas d’arriver les mains vides : vous êtes le cadeau ! Cela fait un peu cliché, mais c’est sincère ; de plus je croule sous le chocolat ! Si j’ai la simplicité de vous le dire, ne vous vexez pas ; je pense que dans ce cas la franchise est importante. Quand vous venez, vous pouvez toujours me demander un peu à l’avance si quelque chose me ferait plaisir, ou me manque. Bien que mes besoins matériels soient limités ici (on est proche de l’ascétisme !)
En ce moment, ce qui est le plus dur, c’est de ne pas rentrer à la maison. Je sens que le jardin me manque, le chat sur mes genoux, l’ambiance de chaque pièce, … je sais aussi que cela fait partie de mon chemin. Dans beaucoup de domaines je suis patient ou, plus exactement, je prends ce qui vient au jour le jour. Est-ce cela la patience ??? Mes journées se remplissent de plus en plus ; en plus des séances de kiné et d’ergo, il y a des activités de groupes (atelier d’écriture, cours divers; je vais regretter l’enseignement et ses congés…). L’horloge du living s’est arrêtée (c’est moi qui la remonte) il y a plus de deux mois. Madicte attend mon retour définitif à la maison pour que le temps reprenne son tic tac dans la maison. Moi de mon côté je vis sans mon alliance depuis l’accident ; Madicte me la conserve avec soin et Amour pour me la rendre quand les circonstances seront favorables. J’aimerais nous « remarier », reprenant en partie le texte de notre engagement d’il y a 32 ans, et en l’adaptant à notre actualité.
Je reste impressionné par vos messages, par tout ce que vous exprimez. Je n’arrive pas à répondre à chaque message et m’en excuse auprès des « sans réponses ». Je loupe systématiquement vos appels téléphoniques. Je n’arrive pas à prendre mon gsm en main quand il sonne et à décrocher à temps. Mes deux poignets limités dans leurs mouvements me permettent d’envoyer des sms. Je peux à l’occasion envoyer un mail, mais il faut que toutes les conditions soient réunies : ordinateur à portée de mains, quand j’ai une heure libre, cela vaut la peine de demander à mes anges gardiens en blanc de m’installer l’engin, de me le mettre sur ma petite tablette qui sert pour les repas, etc… Travailler sur une table est exclu (chaise électrique trop longue, pas proche d’une table).
On ne sait toujours pas si je retrouverai l’usage de mes jambes, même si la probabilité est très faible. Je vis au jour le jour, me concentrant sur les progrès en kiné et en ergo. Cela ne veut pas dire que je mets mes jambes de côté, mais ce n’est pas la priorité du moment. Je suis conscient que des signes de mobilité devraient apparaître dans les deux à trois mois après l’accident ; nous sommes à deux mois et demi… Ne pouvant renforcer mes bras (à cause des deux poignets immobilisés), ça avance lentement. L’évolution se voit dans des exercices de maintien en équilibre ou de redressement (j’en suis au niveau de tout petits enfants dans leur parc, entourés de coussins et de couvertures pour ne pas se faire mal quand ils tombent en cherchant leur équilibre…). Je tiens sans problème redressé sur une table (de redressement) pendant 20 minutes à condition d’avoir les jambes en mouvement, stimulées par une machine qui reproduit les mouvements de la marche. La circulation du sang étant meilleure, je ne tombe plus dans les pommes. Chaque jour m’apporte sa petite victoire. Les personnes qui m’entourent et me soignent sont terriblement motivantes, apportent leur expérience à chaque instant, me conseillent, relancent la machine. CHAPEAU à TOUTE l’équipe ! MERCI à TOUTE l’équipe ! Je peux dire de chaque personne qu’elles colorent mes journées de par leurs qualités, leurs attentions, leur prévenance, leur qualité d’écoute. La communication est extraordinaire d’un service à l’autre, d’un switch à l’autre. Je ne sais pas si ce que je vais dire est correct : j’ai deux vies. L’une ici à Pellenberg, où je suis porté, soutenu, soigné, encouragé, poussé, … par tout le personnel. L’autre, c’est ici à Pellenberg, où je suis porté, soutenu, encouragé, poussé, … par vous tous ! Je voudrais citer cette grande dame, Annaïck Laborné, qui parle des relations humaines en les comparant aux édifices religieux. Chaque pierre a sa raison d’être ; si on en enlève une, l’édifice risque d’être déséquilibré. Chaque pierre est solidaire des autres (solidaire : solides, ensemble !). Ensemble, nous formons un bel édifice ! Et pour les amis laïcs qui seraient troublés par l’idée de former un édifice religieux, imaginez un autre bâtiment moyenâgeux de votre choix ! J
Madicte est allée se reposer quelques jours à la mer avec Marie-Claire. Elle en est revenue avec une mine superbe ! Ce jeudi 28.8, nous avons été en consultation à Gasthuisberg pour elle, pour voir la suite du programme préventif. C’est dur pour elle, mais elle vous en parle elle-même. Merci pour toutes les pensées pour elle à cette occasion !
Je m’arrête ici : il y a trop longtemps que ce texte est en chantier ; il faut maintenant vous le livrer ! Chacune et chacun se retrouvera dans ce dernier mot : MERCI !

(deux chansons que j’écoute beaucoup ces derniers temps « Simply the Best » de  Tina Turner et « you’ll never walk alone » de Elvis Presley. Seuls les titres m’intéressent, ainsi que la mélodie.)

jeudi 28 août 2014

La vie est belle avec ou sans ...



Mon séjour à la mer avec mon amie Marie-Claire m'a fait un bien fou.  Je me suis vraiment sentie en vacances et heureuse de passer ces quelques jours en si bonne compagnie complice dans l'appartement où Pierre et moi aimons tant recharger nos batteries.

Pierre et moi avons été à Gasthuisberg ce jeudi (28/08) afin d'en savoir plus sur la suite du traitement que je devrai suivre. 
La présence de Pierre près de moi lors de la consultation m'a fait bcp de bien.  Ce n'est pas évident pour lui de me voir me battre contre cette maladie, souvent séparée de lui, alors qu'il aimerait être à mes côtés. Nous sommes présents l'un à l'autre dans nos cœurs et nos pensées à chaque instant de notre vie, mais ça fait du bien de pouvoir se tenir la main, se regarder et se comprendre pour s'aider mutuellement à tenir le coup face aux épreuves qu'il nous faut traverser.
La journée fut éprouvante, je savais que le traitement ne s'arrêterait pas à l'opération, vu que le type de cancer qui m'a touchée est fort agressif. Même si mon opération a permis de supprimer la tumeur cancéreuse et qu'il n'y a pas de métastases, l'équipe médicale estime qu'il est nécessaire, que je subisse préventivement un traitement de chimiothérapie et de radiothérapie. Celui-ci sera étalé sur plusieurs mois. J'ai demandé s'il y avait moyen de recevoir la chimiothérapie plus près de notre domicile, car ce serait plus simple et moins fatiguant pour moi plutôt que de me rendre chaque fois à Louvain.
Il y a heureusement une oncologue venant de Gasthuisberg qui pratique maintenant à la clinique de Sint-Truiden et qui entretient d'excellents rapports professionnels avec le professeur P. Neven qui m'a opérée. Mardi, le 2 septembre j'ai un rendez-vous avec elle.  Je voudrais lui demander de ne pas commencer trop vite le traitement afin de pouvoir encore reprendre du poids et des forces.

Je me sens démunie devant ce traitement invasif par lequel je devrai passer.  Avant d'aller chez mon médecin de famille en juillet  j'avais fait un rêve où je perdais les cheveux.  C'était sans doute prémonitoire, intuitivement je me doutais que ce kyste n'était pas si bénin.
J'ai du mal à m'imaginer que je vais perdre ces cheveux de cuivre qui sont pour moi, une caractéristique marquante de mon identité physique, bien plus qu'un sein qu'on peut remplacer par une prothèse.
Heureusement ça repousse, les cheveux, une fois que la chimio est terminée.  Il me faudra donc de la patience et de la foi.  Pierre me montre bien le chemin qu'il a tracé devant moi avec des cailloux lumineux.  Il se bat patiemment tous les jours pour récupérer ce qu'il peut de sa mobilité et de sa force physique. Son âme n'en est que plus belle et plus rayonnante. Il continue à dire que la vie est belle avec ou sans jambes.  J'apprendrai à dire: " La vie est belle avec ou sans seins, avec ou sans cheveux".

samedi 16 août 2014

Nouvelles du front / Nieuws uit het front



Nouvelles du front (et du reste du corps)

Ce sera un peu décousu comme texte, j’ai un peu de mal de ranger mes idées !

Ce lundi 11 août, cela fait 35 ans que nous nous sommes rencontrés Madicte et moi ! Je ne pensais pas fêter cela ainsi… Quel chemin parcouru…
Ces dernières semaines, le parcours a été assez … surprenant. Ce qui nous arrive est l’occasion d’appliquer de manière concrète tout l’optimisme, la confiance, la sérénité que nous prônions quand tout allait bien. Ce qui nous unit renforce notre confiance.
Comme le disaient les philosophes Tassin, Pithiviers et Chaudard dans les années ’70 (je cite de mémoire) :  « Chaque jour est à vivre dans l’instant, même s’il nous rapproche du lendemain ; à nous de rendre l’approche heureuse, facile, en retenant le positif de la journée, en ne qualifiant pas de « négatives » les expériences qui nous ont mis en colère, qui nous ont fait pleurer, qui nous ont poussés à exprimer des paroles disproportionnées, qui nous ont poussés à agir (ou à ne pas agir) de manière blessante pour les autres ou pour nous-mêmes. Nous avons tous en nous ce que les croyants appellent une âme, les agnostiques « une force », qui peut nous mener à nous dépasser en choisissant d’appliquer cela».
Parmi les appuis qui donnent de l’eau à mon moulin, j’ai envie aujourd’hui de vous parler de l’équipe qui s’occupe de moi (infirmières, kinés, ergos, psy, assistante sociale, médecins, chauffeurs de navettes). Ma collègue Souha à qui je racontais l’extraordinaire disponibilité des infirmières m’a donné une belle comparaison : je suis comme Aladin, j’exprime un souhait et il est exhaussé ! Et encore ! Parfois avant que le souhait ne soit clair en moi, nos blouses blanches ont déjà mis des mots dessus. Lors de ma toilette, j’étais couché sur le côté droit tout en papotant avec mes deux infirmières du moment. Je leur confiais combien ce serait difficile de ne pas voir Madicte pendant quelques jours au moment de son opération; moins d’une demi-heure plus tard, elles revenaient en me disant que tout était arrangé pour que je puisse rendre visite à Madicte (alors que la date de son opération n’était pas encore fixée) : contact pris avec le service qui allait accueillir Madicte, place réservée dans la navette entre les hopitaux, etc… Deux jours plus tard, une infirmière vient s’accroupir près de mon lit, ma demandant si je comptais offrir quelque chose à Madicte (parfum, fleurs, lecture,…) lors de ma visite. Je lui ai confié mes limites en matière d’achats, pensant trouver un fleuriste à l’entrée du Gasthuisberg. Elle m’a pris l’avant bras, ma disant que je n’avais qu’à lui donner un budget et quelles couleurs je souhaitais. Et avant de rejoindre ma douce, quelques jours plus tard, elle m’apportait « le » bouquet !!! Les kinés et les ergos se sont concertées pour me fournir une chaise électrique pour mon déplacement. Puis se sont débrouillées pour que je garde cette chaise tant que je ne peux pas me servir de mes mains. Ceci n’est vraiment qu’une toute petite partie de ce que je vis ici ! Chaque personne met à notre service ses compétences, ses qualités. Et quand je remercie tous ces anges gardiens, j’ai invariablement la même réponse : « We doen ons best, we doen juist onze job. » Il ne se passe pas une heure sans que je remercie quelqu’un. C’est tellement important de manifester sa reconnaissance. Je m’attriste de ne pas encore connaître tous leurs prénoms !
Autre chose que j’ai envie de vous partager : nous vivons ici comme dans un internat. Nous partageons certains « cours », certains « profs ». Le vendredi l’internat se vide ; quelques-uns restent sur place pour le WE. On fait connaissance lors d’une séance de kiné, ou lors d’une sortie à l’ombre des arbres. Des liens se nouent (parfois pas…) ; ce qui me frappe, c’est à quel point chacun est à l’écoute de l’autre… On n’a pas envie de raconter son histoire. On écoute d’abord. Et TOUS nous sommes sans voix quand nous voyons dans la salle de kiné ce petit garçon qui, à mon avis, n’a pas trois ans. Il n’a plus de pieds. Il passe dans sa chaise roulante près de chaque personne quand il a fini sa séance pour nous faire un signe de la main. Nous ne nous sentons pas petits à côté de lui : nous sommes boostés, portés de l’avant. Dans cette salle de kiné, on voit tant de souffrances, mais surtout tant d’énergie, de patience, de courage. Je ne vous le souhaite pas, mais il faut le vivre pour le comprendre avec ses tripes.
A côté de notre petite communauté, il y a tout ce que je reçois de chacun (e) de vous. Chaque jour m’apporte son lot de mails, de sms, de réactions sur le blog, sur Facebook, les courriers postaux (si si, ça existe encore !), les coups de fil (souvent ratés : je n’ai aucune dextérité pour attraper mon gsm quand il sonne !!!). Une seule fois, j’ai comptabilisé tous ces messages sur une journée ; je garde le nombre pour moi, tant il est impressionnant. Mon retard à essayer de répondre à chacun augmente de jour en jour (voyez Gaston Lagaffe et son courrier en retard). Pouvez-vous vous imaginer l’importance de vos messages, de vos prières ? Madicte, moi et les enfants sommes portés par vous tous, par vous toutes ! Je puise mon courage dans ce que nous vivons Madicte et moi, mais il est clair qu’avec vous, cela met du vent dans les voiles !!!
Nous recevons régulièrement des messages du genre « Vous nous donnez tellement, vous ne vous rendez pas compte de ce que vous partagez, de ce que vous êtes, de ce que vous rayonnez… » (et j’en passe). Peut-être sommes-nous portés par une grâce ? Peut-être sommes-nous confiants ? Je ne sais pas exactement (je cherche à mettre les mots justes, mais je n’y suis pas encore arrivé), mais retenez surtout que nous accueillons toutes ces phrases avec humilité. C’est aussi une expérience de Vie que de passer par là ! Ces derniers temps les expériences se sont succédé assez rapidement. Je vois certains aspects de la Vie différemment, de manière bien simplifiée. Dans tous les domaines : la Foi, les relations, la patience, la réconciliation, … (La Vie est bien plus simple que ce que nous en faisons ; comme disait le sage Miych Demof : « Je crois que le plus compliqué, c’est de ne pas compliquer la Vie. ») Si certains d’entre vous puisent dans ce que nous partageons de quoi aller plus loin, qu’ils se servent abondamment, et qu’ils en fassent profiter leur entourage. Nous ne faisons que vous dire, vous partager notre vécu. Il n’est pas facile, mais ce chemin est vécu dans la Confiance, dans la joie de vivre. A cette période de notre Vie, le terreau était favorable pour y planter de tels évènements. Nous ne savons pas ce que donnera la récolte, mais j’y pressens du très bon !
Merci pour les visites ! Continuez ! Elles me font tant de bien ! J’adapte juste le rythme à mes facilités et à mes besoins. J’ai découvert qu’il me faut du temps pour moi, qu’il nous faut du temps à deux ou avec les enfants. C’est pourquoi nous organisons deux visites par jour ; ce qui nous permet d’en jouir sans restrictions ! Le temps d’attente est peut-être plus long (pour les visiteurs comme pour les visités !!!), mais la qualité est là à chaque fois ! Je me garde le samedi pour moi (lecture, méditation, sieste, visite de Madicte qui reste parfois dormir, …). Mais n’oubliez pas : je vous attends, vos visites sont très importantes !!! N’ayez pas peur d’arriver les mains vides ; ou en ayant demandé ce qui pourrait faire plaisir (parfois il y a quelque chose qui trotte dans ma tête et que j’aimerais avoir). Votre présence est le cadeau !!!

Soyez heureux,
Saint Pierre-la-Chance

Lieve vrienden, weet dat ik het niet vertik om de teksten te vertalen, maar ik ben voor het ogenblik nog te moe om lang achter de pc te zitten.  Ik hoop dat ik mijn schade later zal kunnen inhalen.  Bedankt voor jullie begrip.  Bénédicte

samedi 9 août 2014

Flash-back



Ces 15 derniers jours ont été très riches en émotions diverses et j'ai envie de vous partager un peu de notre vécu.

28-07-2014
Pierre est très content de se trouver ici à Pellenberg, le personnel soignant est vraiment formidable et très efficace.  Depuis longtemps il se plaignait de douleurs au poignet gauche qui devenaient plus récurrentes.  Ici, il a fallu moins de deux heures entre le moment où il en a parlé aux infirmières et le moment du diagnostic pour apprendre que ce poignet souffrait aussi de poly-fractures, heureusement sans déplacement.  Il avait donc fait toutes sortes d'exercices et d'efforts depuis des semaines avec un poignet fracturé...  Cela s'est passé le vendredi avant le long week-end du 21 juillet.  Il était trop tard pour l'immobiliser, mais interdiction lui était faite de s'en servir.  On a même retiré le perroquet de son perchoir afin qu'il ne s'aide pas avec cette main pour pouvoir changer de position dans son lit.
Après le week-end on lui a mis une attelle plutôt qu'un plâtre et nous étions bien soulagés par cette solution. 

Mercredi 23/07, c'était le bonheur, Pierre tenait enfin dans une chaise roulante et on a pu le sortir et lui faire profiter du bon air de la montagne brabançonne flamande.  On se trouve ici sur le site le plus élevé de la région, comme Pierre l'a dit dans son interview, :"On se trouve sur la montagne des pelles" .  Je crois qu'il a sucé cette traduction de son pouce, mais on la prendra comme une liberté littéraire... Mercredi, je vais chez mon médecin de famille, car je m'inquiète d'un point dur dans mon sein gauche.  C'est pas le moment d'avoir des pépins, encore moins des noyaux, je dois être près de Pierre, le soutenir, remplacer actuellement ses mains et ses jambes.  Mon toubib fait le même constat, prend la chose au sérieux et s'arrange pour que je puisse déjà faire des examens à l'hôpital le lendemain. Comme Pierre doit subir une opération au poignet droit vendredi, j'attends de lui raconter ce qui se passe.

Jeudi 24/07, Pierre reçoit une visite exceptionnelle et inattendue: le caporal Olivier Poupier ayant fait le service de nuit à Beauvechain ne rentre pas tout de suite chez lui, il fait le détour à Pellenberg.
Il attend très patiemment que les soins du matin soient terminés pour rentrer dans sa chambre.  Pierre voit un uniforme en treillis, croit que c'est notre fiston qui lui fait une surprise, mais non, ce n'est pas lui, il arrive à lire sa nominette, l'émotion le prend à la gorge, il a devant lui le gars qui lui a sauvé la vie.  Il apprend des détails sur ce qui s'est passé une fois que l'accident s'est produit.  Olivier était bien cet ange, ce samaritain envoyé du ciel de Beauvechain: lorsque le caporal s'est précipité vers lui, Pierre ne respirait plus et il n'avait plus de pouls.  Spécialiste en secourisme, le caporal a dû le réanimer à trois reprises et a pu ainsi le maintenir en vie sans qu'il n'ait de séquelles cérébrales.  C’est lui aussi qui avec le matériel des pompiers de la base (qui étaient là dans les 3 minutes) a découpé sa tenue de motard et a veillé à retirer son casque et ses bottes selon les prescriptions de sécurité. Il a pu ainsi faire un premier check-up et donner des informations précieuses aux services de secours. Il lui a tenu la main tout le temps, Pierre ne voulait plus la lâcher, à tel point qu’à un certain moment il a fait appel à un collègue et lui a confié la main de Pierre, car lui devait s’éloigner un moment. Comme les deux militaires étaient habillés comme des jumeaux il n'y a vu que du feu...  Rien qu'en écrivant ces lignes, j'ai les yeux qui ouvrent leur robinet.   Je n'ose pas imaginer ce que Pierre serait devenu si Olivier Poupier, lui aussi motard, mais secouriste aguerri n'avait pas été là.  Je ne pourrai jamais lui dire assez merci de m'avoir protégé et sauvé l'homme que je chéris le plus au monde.  
Ça fait drôle de penser que la vie de Pierre s'est jouée en quelques secondes entre les mains de deux militaires. Le conducteur responsable de l'accident est un caporal de Beauvechain  ainsi qu'Oliver,  son sauveur.  Nous n'avons eu aucun contact avec le premier, nous ne savons pas comment il vit sa responsabilité par rapport au bouleversement de nos vies.  Il a dû bien voir à quel point Pierre était grièvement blessé, ça ne doit pas être facile de porter ce fardeau. Un moment de distraction, de manque de patience peut créer des drames.  N'oublions jamais cela quand nous sommes au volant!

Pendant que Pierre vit cette rencontre intensément, je passe des examens médicaux, soutenue par la présence de notre amie Manuela dans la salle d'attente. L'écran de l'échographie me renvoie clairement l'image d'une petite boule insidieuse. Mes intuitions ne m'avaient pas trompée. Avec énormément de tact et de gentillesse le médecin m'annonce la nécessité de faire une ponction afin de procéder à une biopsie. A partir de ce moment tout va se précipiter. Vendredi soir notre médecin de famille me convoque samedi sur le temps de midi pour parler des résultats et des examens complémentaires à effectuer. Je me doute bien que s'il y a des examens complémentaires à faire, c'est que les nouvelles ne sont pas excellentes.  Pierre est encore un peu dans le gaz de l'anesthésie, vendredi soir, mais je ne peux plus faire de la rétention d'information. Il apprend donc mon souci de santé, mais j'insiste sur le fait que j'ai réagi vite et que si jamais la biopsie révèle un tissu malsain, il est clair que la médecine m'offrira les moyens de guérir, j'ai pas l'intention de le plaquer, non mais quoi, on s'est promis de mourir ensemble, mais on préfère surtout vivre ensemble, c'est plus marrant... 

Le sort semble s'acharner sur notre famille, mais nous n'allons pas nous laisser abattre.  On n'a pas le choix, il faut avancer, c'est encore un autre combat que nous devons mener.  Je suis surtout soulagée d'avoir réagi de façon proactive, sans jouer à l'autruche. Je suis très reconnaissante envers notre médecin de famille qui a pris la situation à cœur et en main afin de ne pas perdre de temps et de ne pas nous laisser longtemps dans l'incertitude. Grâce à elle, les examens médicaux complémentaires se succèdent et je peux déjà aller en consultation chez le spécialiste à l'hôpital universitaire de Leuven, Gasthuisberg jeudi matin (31/07). Il y aura certainement une intervention chirurgicale, mais il faut connaître les résultats des examens complémentaires pour mieux cerner l'ensemble des traitements qui devront avoir lieu. Je me sens plutôt optimiste, j'ai du mal à m'imaginer que je devrai subir des traitements lourds. On verra bien, il faut faire avancer le schmilblick, c'est le principal.

Suite de l'histoire vue à postériori (09/08/2014)
Alors que je m'imaginais passer une heure ou deux à Gasthuisberg pour la précision du diagnostic, nous y sommes restées, Emilie et moi de 9:15 à 16:00.  Les entrevues et examens se sont succédé.  Les nouvelles étaient moins rassurantes: la tumeur était plus grande, le type de cancer plus agressif, il fallait passer à une ablation totale du sein et envisager certainement une chimio préventive par après. L'ablation des ganglions lymphatiques se déciderait au cours de l'opération. Tous les intervenants étaient très humains, corrects, clairs dans leurs explication.  Je me sentais prise en charge par une équipe compétente et professionnelle.  C'était lourd à porter, heureusement qu'Emilie était là, présence douce, tendre et aimante pour m'aider à assumer et à aller de l'avant.  Quand nous sommes arrivés à Pellenberg, Pierre était entouré de visiteurs, c'était pas le moment de lui confier les mauvaises nouvelles.  C'était pas évident de devoir attendre un moment plus calme pour se retrouver enfin dans notre intimité familiale.
Ce n'est pas toujours facile de trouver une bonne gestion des visites.  Autant elles font du bien à Pierre et aux visiteurs, autant elles sont parfois fatigantes et envahissantes.  Pour nous, les plus proches, on se sent parfois frustrés, car les temps d'intimité se réduisent quelque fois à une peau de chagrin.
Voilà huit semaines que nous avons été arrachés l'un de l'autre. Notre quotidien ne ressemble plus en rien à ce qu'il était. Tous les gestes les plus simples qui pour nous faisaient partie de l'évidence de notre vie commune sont suspendus: se réveiller dans le même lit, se sourire, se dire :"tu as bien dormi? " s'embrasser, se blottir dans les bras de l'autre et prendre le temps de prendre le temps, se raconter ce qu'on a vécu la journée, penser en même temps à la même chose et se mettre à rire de notre complicité. Grimper sur notre tandem et parcourir les chemins en bavardant, profiter de notre abri côtier à Coxyde et s'émerveiller de la beauté changeante de la vue sur la mer, prendre un bain ensemble après avoir marché le long de la mer et profité de l'air bienfaisant...
J'ai la chance de pouvoir écrire que tout cela est suspendu et non pas révolu... Je pense à tous ces amoureux que la mort sépare inexorablement. Comme disait Jacques Brel c'est celui qui reste qui se retrouve en enfer. Nous voilà donc tous les deux dans le purgatoire pour quelque temps, mais nous avons bien l'intention de remonter au paradis, si nécessaire on se fera pousser des ailes pour y arriver. 
Heureusement, il y a le téléphone qui nous permet les échanges plus intimes de face à face. (On vient de découvrir le dernier soir qu'il y avait moyen de se téléphoner gratuitement par les lignes internes de l'UZ Leuven...)
Heureusement il y a moyen de loger le week-end à Pellenberg. Je l'ai déjà fait deux fois.  Les nuits sont entrecoupées, car on vient tourner Pierre dans son lit pour éviter les esquarres, mais je suis près de lui, je peux lui parler, le toucher, être ensemble dans la même bulle. Etre seule avec lui plusieurs heures d'affilée, quelle luxe!!!

A l'heure où j'écris, ma filleule Virginie va bientôt recevoir le bouquet de son bien-aimé Mathieu.  Il y a du soleil ici à Gasthuisberg, j'espère qu'il restera de la partie pour illuminer leur mariage. 
Sur l'appui de fenêtre de ma chambre d'hôpital trône le joli bouquet que mon tendre époux m'a apporté jeudi dans son cuistax de luxe électrique.  Nos alliances, nous nous les sommes échangées il y a plus de 32 ans. Et chaque jour on se remarierait bien ensemble, on se glisserait bien à nouveau l'alliance au doigt pour le meilleur et le pire. C'est peut-être le pire ce que nous vivons pour le moment, mais cela n'a pas le pouvoir de diminuer notre amour, au contraire.
Après l'accident j'ai retrouvé l'alliance de Pierre intacte, soigneusement glissée dans son porte-documents par les urgentistes. Vu les blessures à sa main droite, il ne peut la mettre, actuellement je la garde à la maison. Avant de partir pour l'hôpital mardi, j'ai déposé la mienne au creux de la sienne dans notre pièce de Reiki.  Elles attendent toutes deux notre retour de nos expéditions montagnardes hospitalières.
Comme l'évolution de mon état de santé est favorable, et que je ne dois pas subir d'ablation des ganglions, j'ai obtenu de pouvoir quitter l'hôpital demain plutôt que lundi. J'ai promis à Pierre de prendre soin de moi, de faire tout ce que je peux pour retrouver la santé, de me reposer suffisamment, de me nourrir convenablement.  Bref je voudrais être en forme avant de devoir affronter la chimio dans quelques semaines.