vendredi 25 décembre 2015

Joyeux Noël




Les nouvelles que Pierre avait mises sur le blog il y a un peu moins d'un mois n'étaient pas vraiment joyeuses. Parfois, trop c'est te veel et il faut faire sauter la soupape pour éviter d'exploser.
Heureusement le traitement d'antibiotiques a été efficace et le sale microbe a quitté la vessie de Pierre, à notre grand soulagement à tous deux.  Pierre reprend du poil de la bête, il reste cependant avec des problèmes d'inflammation au bras.  Suite à son opération en octobre il a dû épargner son poignet droit et a surchargé son côté gauche. Ce qui explique cela. 

Cette semaine j'ai pu, pour la première fois depuis des mois, me dire que je ne devais pas aller à l'hôpital pour recevoir ma dose chimique. Je peux enfin clore ce chapitre et avoir d'autres perspectives.  Je sais bien qu'il me faudra le temps de me désintoxiquer.  Personne ne peut me dire dans quelle mesure je serai entièrement ou non libérée de tous les effets secondaires qui sont apparus au fil du temps des traitements subis. L'oncologue dit que ses patients après un certain temps s'en plaignent moins, mais que c'est sans doute aussi parce qu'ils apprennent à "vivre avec"...

Bonne nouvelle, c'est quasi par hasard que nous avons appris que la mutuelle a un service social qui aiguille et aide les personnes comme nous qui sommes inondées de soucis administratifs divers. Nous avons été très bien accueillis et contrairement à certains bureaucrates qui ne voient en nous que des dossiers et des contentieux à régler, l'assistante sociale a pris le temps de voir tout ce que ses services pouvaient faire pour nous aider et pour m'alléger la tâche. Elle est la première professionnelle qui m'a dit clairement que mon congé de maladie était là pour me donner les moyens de guérir et de me reposer et non pas de régler tous les problèmes liés au dossier de l'accident de Pierre et de pallier aux lacunes qu'ils crée.  Donc, chers amis, si un jour vous êtes confrontés à la gestion de plein de dossiers liés à des problèmes de santé, sachez que votre mutuelle a un service social qui peut vous aider. Quand soi-même on essaye de garder la tête en dehors de l'eau, c'est une vraie bouée qui vous est offerte. Je ne souhaite à personne de vivre ce que nous avons vécu et vivons, mais être entourés et aidés comme nous le sommes, ça c'est un privilège qui nous donne le courage de garder le moral le mieux possible.

Après six mois nous avons enfin reçu le rapport de l'expert architecte de la partie tierce concernant les adaptations à notre maison et l'appartement. Comme douche froide, il n'y a pas mieux. On pourrait supposer que le type est payé en fonction des réductions des dédommagements à payer qu'il parvient à obtenir ... il n'y a pas à dire, comme moyen démoralisant c'est efficace.  Je vous donne deux exemples: il pose la question de savoir si c'est vraiment nécessaire que Pierre puisse cuisiner dans notre appartement à la mer, puisque c'est un logement de vacances... Il se demande aussi si ça se justifie que nous demandions une extension de notre domicile au rez-de-chaussée, vu que les enfants n'y habitent plus et que la maison est déjà grande.
Nous ne pouvons surtout pas bénéficier de quelque avantage que ce soit par rapport à notre vie antérieure. Tout est passé au crible fin, tout doit se justifier jusqu'au moindre détail. Je souhaiterais que cet "expert" qui doit examiner nos dossiers soit obligé de passer une semaine en chaise roulante dans notre maison et appartement, qu'il soit obligé de faire des transferts du lit au fauteuil, du fauteuil à la voiture, qu'il doive circuler dans les pièces en bougeant parfois des chaises ou des objets qui sont dans le chemin, qu'il essaye de se laver les mains et d'aller dans une salle de bain dont la porte est trop étroite, qu'il attende que la télé soit allumée par un tiers pour qu'il puisse la regarder, qu'il essaye de se réchauffer une assiette dans le four auquel in n'a pas accès, qu'il dorme dans le couloir dans un lit d'hôpital parce qu'il ne peut pas rentrer dans la chambre, que pour aller à selle il ait besoin d'une infirmière qui lui fait un toucher rectal sur le lit, que pour se déplacer en voiture il est toujours dépendant d'un chauffeur.  Je me demande si après ça il considèrerait encore nos demandes comme démesurées.
Je sens en moi une colère gronder depuis des mois par rapport à la façon dont l'assurance de la partie tierce nous traite, je devrais dire maltraite.  Mais on ne va pas se laisser faire, heureusement que nous avons des professionnels compétents et bienveillants qui nous soutiennent.  Restons zen, mais nom d'une pipe, j'en ai parfois ras-le-bol de devoir passer tant de temps à m'occuper des paperasses afin de prouver tous les frais que nous avons et justifier les besoins qui résultent des conséquences de l'accident. On pourrait presque croire que nous sommes suspectés de vouloir nous enrichir et de profiter de la situation pour rouler les assurances.  Tout coupable a le droit de bénéficier de la présomption d'innocence, mais les victimes, elles, on leur a foutu leur vie en l'air et elles doivent se dém... pour essayer de ne pas sombrer et de reconstruire une vie qui ne sera plus jamais comme avant. Elles doivent épuiser leurs économies, attendre des mois, des années parfois, avant de pouvoir s'engager à faire des frais importants et pourtant si nécessaires et toucher le moindre dédommagement. Après il faudra encore dire merci à messieurs les assureurs d'avoir bien voulu accéder à une partie de nos demandes...
Je dois dire que notre vécu par rapport aux assurances me dégoûtent et que je suis bien heureuse de ne pas être actionnaire de l'une d'elle, j'aurais l'impression de toucher des dividendes sur le dos des victimes qu'on essaye de flouer et de priver de dédommagements auxquels elles auraient droit. Alors qu'au départ ces assurances devraient représenter un système de solidarité où les primes payées permettent de dédommager les sinistrés, aujourd'hui, comme les banques, leur premier objectif est de faire des bénéfices.  Et elles en font! Il suffit de voir les avantages et les parachutes dorés que certains cadres s'octroient....

Mais ne soyons pas amers, c'est pas bon pour la santé, surtout, ne pas rester dans la colère ou la frustration.... Ne soyons pas des Kaliméro!  Quand j'ai la vague à l'âme, je me dis que j'ai de la chance, que nous avons de la chance.  J'ai failli perdre l'amour de ma vie et il m'a été rendu, certes un peu cassé, mais à choisir, je préfère que tout fonctionne au-dessus du nombril plutôt qu'il puisse encore marcher mais que dans sa tête il déménage.... Alors je me dis que peu de femmes ont la chance d'avoir un époux aussi tendre et attentionné, aussi courageux et joyeux malgré toute l'adversité que la vie lui impose. Alors je me dis, en rencontrant tant d'autres personnes qui rament, que l'expression flamande "elk huisje heeft zijn kruisje" est bien vraie et que nous ne choisissons pas toujours les évènements et les circonstances de notre vie, mais que la façon dont nous y réagissons est davantage le résultat de notre choix.
Souvent des personnes nous demandent comment nous faisons pour rester aussi positifs et je me rends compte que c'est le seul chemin possible pour garder une certaine qualité de vie.  Nous n'avons pas envie de nous empoisonner l'un l'autre d'énergie négative.  Nous nous savons dépendants de l'humeur de l'autre, donc nous essayons de regarder toujours la bouteille à demi pleine et pas celle à demi vide. Je connais des personnes qui présentent leur foi comme le bâton sur lequel elles s'appuient pour avancer dans la vie. Chez moi, c'est plus qu'une foi, c'est la certitude enracinée que l'Amour est une force inégalable qui pousse ceux qui se laissent habiter par Lui à se dépasser et à faire émerger le divin qu'ils portent en eux.
Ça me fait penser à un texte que vous connaissez sans doute, il reste universel qu'on soit croyant ou non, il suffit d'être pleinement humain et de suivre la voix de son âme pour y adhérer:
J'aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel,
Si je n'ai pas la charité, s'il me manque l'amour,
je ne suis qu'un cuivre qui résonne,
une cymbale retentissante .
J'aurais beau être prophète,
avoir toute la science des mystères,
et toute la connaissance de Dieu,
et toute la foi jusqu'à transporter les montagnes,
s'il me manque l'amour,
je ne suis rien.
J'aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés,
j'aurais beau me faire brûler vif,
s'il me manque l'amour,
cela ne me sert à rien.

L'amour prend patience,
l'amour rend service,
l'amour ne jalouse pas,
il ne se vante pas,
ne se gonfle pas d'orgueil,
il ne fait rien de malhonnête,
il ne cherche pas son intérêt,
il ne s'emporte pas,
il n'entretient pas de rancune,
il ne se réjouit pas de ce qui est mal
mais il trouve la joie dans ce qui est vrai,
il supporte tout,
il fait confiance en tout,
il espère tout, il endure tout
L'amour ne passera jamais.

première lettre de Saint Paul, apôtre, aux Corinthiens (12,31 -13,8a)
Belle fête de Noël!

Allo, madame Laurent, Télésecours à l’appareil. Comment allez-vous ce matin ?


Ik zou graag meer in het Nederlands willen schrijven, maar ik voel me meer op mijn gemak voor praten dan schrijven. Jullie zijn even veel aan het lezen in het Noorden (en in Nederland) dan in het Zuiden van Belgïe. Een kleine inspanning kan ik ook.
De laatste weken zijn niet zo goed geweest. Blaasinfectie met een vuile bacterie, spieronsteking (2 armen). Ik werd er beu van!
We hebben onze (?) auto besteld. Volgens de raadgevingen van Pellenberg hebben we een hoge genomen (ik zou langs de achterdeur binnen dankzij een lift, dan kan ik naar de voorplaatsen gaan en een transfer doen direct op de chauffeurs zetel). Ik weet, jullie vragen “welke auto?”… Het is een grijze! Levering in juni 2016… Plus nog een maand nodig voor de aanpassing!

Verleden donderdag, in een van mijn scholen, gebeurde de Kerstviering. Ik voel deze laatste dagen hoe ik dat mis… Het beste moment om te huilen is onder de douche: dan ben ik alleen. Maar ik kan mijn verdriet aan Bénédicte niet verbergen. Ik had vroeger de chance gehad om mee te doen aan deze viering en aan zijn voorbereiding met mijn collega en vriendin Marie-France. Ik mis dat! De keuze van de teksten, de liedjes, het toneel met en door de kinderen. Om zoiets te bouwen hebben we het geluk gehad dat wij altijd op dezelfde golflengte waren. Hoeveel keer hebben we niet dezelfde idee samen gehad! Of als een van ons twee iets voorstelde, den ander was er altijd blij van! Zo een manier om te werken, EN zo een vriendschap wens ik aan iedereen!

Volgende maand word ik opgeroepen voor een commissie die zou beslissen over mijn op pensioen stellen… Ik heb geen idee van wat ze zullen beslissen. Ik weet wel dat ik hetzelfde job, van voor de ongeval, niet meer zal kunnen doen. Om 8.15 u in Louvain-la-Neuve zijn, dan zou ik om 5.00 u moeten opstaan. In sommige scholen is er geen toilet voor gehandicapten, of zijn er trappen overal… Mijn lieve inspectrice heeft wel oplossingen: ze heeft een lijst van scholen die bereikbaar zijn met een rolstoel. Maar dat betekent nieuwe scholen, nieuwe collega’s, nieuwe leerlingen, andere mentaliteit (hebben ze humor?)… Een serieuse adaptatie!

In deze periode van Advent ben ik een beetje zwak. We zijn op weg naar en Feest… Mijn blaasinfectie is gedaan, ik heb meer energie; we zijn terug aan het fietsen. Het doet deugd. Maar ik voel wel hoe ik kwetsbaar blijf, hoe ik emotief blijf. En daarnaast zijn er zo mooie momenten! Met Bénédicte: altijd op dezelfde golflengte, we kunnen alles tegen elkaar zeggen (soms is het moeilijk, bv als er kwestie is van auto; ik heb vlug schrik, en Bénédicte voelt het en is meer gestresseerd achter de stuur als ik er bij ben; we hebben twee verschillende stijlen om te rijden, en Bénédicte heeft het moeilijk met de maten van onze auto).

Depuis le temps que Madicte se dévoue pour moi, sans jamais rechigner, sans soupirer, toujours avec le sourire… Quel Amour! Je ne me sens pas coupable, ou amoindri, non, juste conscient de toute sa tendresse. Je suis rempli de reconnaissance pour ce qu’elle est ! Je vous parle toujours d’elle… Peut-être parce qu’elle est un sujet sur lequel il fait bon s’étendre ?

Au niveau des cartes postales, en voici une toute récente : nous avons reçu la visite d’un ex voisin de ma rue à Pellenberg. Il vient de recevoir sa voiture, il est comme un enfant qui a reçu un jouet ! Quelques heures de partage, de soutien mutuel… Comme ça fait du bien !
Nos vœux électroniques sont partis ! Chacune et chacun de vous est concerné –e- par ces vœux. Merci pour chaque fois qu’une main a été tendue vers nous !
Une idée musique ? J’écoute Classic 21 : que du bon !

lundi 30 novembre 2015

Des bateaux...



“…Des bateaux, j’en ai pris beaucoup, mais le seul qui ait tenu le coup, qui n’ait jamais viré de bord, … naviguait en père peinard sur la grand mare des canards, et s’appelait les Copains d’abord… »

Marre ! Ras-le-bol ! Voici quatre semaines que je me paye une infection bactériologique ! Et une inflammation musculaire ! Plus beaucoup d’énergie… Ce n’est pas marrant de porter un lange, d’avoir la désagréable surprise de découvrir les fuites en tous genres ! Marre des « odeurs corporelles » (c’est dit pudiquement, hein ? Mais qu’est-ce que j’ai envie de lâcher tous les jurons les plus crapuleux, les plus plats, les plus parlants !!!).
Ces dernières semaines ont été secouantes, peu sereines. Une fois ce sont les draps qui doivent être changés, une fois les vêtements et les draps ; parfois deux douches par jour, parfois en sortant de la douche, on peut me suivre à la trace ; parfois je ne remarque rien mais Madicte me dit pleine de tact que « c’est encore arrivé »… Résultat, je me confine à la maison (à la demande de tante Jacqueline, il n’y aura pas de photo). Comparer ne sert à rien, mais je pense parfois à « avant » et à tout ce qui allait bien. A moi de faire avec ce que le présent me donne ! Entre découragement, envie de gueuler à m’en faire éclater les cordes vocales, ou encore rester sans réaction… tout me passe par la tête. Et puis je vois le calme de Madicte, sa sérénité, son Amour, sa douceur. Alors elle déteint sur moi, je sais que je ne dois pas m’excuser, je lui dis « merci » pour sa disponibilité, sa patience, alors qu’elle est elle-même en traitement (dernière chimio ce mercredi  2 décembre), qu’elle essaye de faire une sieste chaque jour (souvent de mauvaise qualité, soit à cause du bruit dans la rue, soit à cause du sommeil qui ne veut pas d’elle), alors qu’elle-même aurait droit à toutes les attentions… c’est elle qui me tire vers le haut, qui me maintient la tête hors de l’eau.  Je pense à un poème écrit par papa il y a une quarantaine d’années, où il disait « … oui femme, tu es la plus belle des créations… ».
Rajoutons à cela que j’ai tout le temps froid, que je n’arrive pas à me réchauffer. Je vois aussi que je n’arrive pas à manger proprement: sans ma grande serviette blanche (elle est blanche la première fois que je l’emploie), à la mode de nos grands-parents, mon pull, ma chemise, peuvent passer à la lessive.
Et tant que nous y sommes… J’essaie à ma manière de faire de petites tâches ménagères, pour décharger Madicte. Parfois je veux soulever quelque chose (un bac Curver par exemple); si c’est très lourd, c’est moi qui rejoints le bac et non le bac qui monte sur mes genoux ! N’ayant pour ainsi dire plus de muscles abdominaux, je ne sais pas me redresser sans l’aide de mes bras (mais si ceux-ci sont occupés à soulever  quelque chose… c’est mission impossible !). Quand je me vois sur ma chaise roulante, le torse nu, je vois la forme d’une grosse poire ! D’accord, je n’étais pas mince avant l’accident, mais maintenant c’est dur à supporter… C’est à ces moments-là que je hais les miroirs !
Rajoutons la tension artérielle qui ne descend pas, depuis plus d’un mois…
Cette fois-ci, les humeurs sont plutôt noires !

Une idée musique ? Sur Youtube, il y a quelques versions de la chanson « Alleluia » vraiment poignantes (une version longue, par Léonard Cohen ! Par contre, très décevante, la version d’Elvis Presley…). De fil en aiguille, sur Youtube, laissons aller Léonard Cohen avec sa voix profonde, un bon bouquin sur les genoux… Ambiance cocoon assurée.

mardi 10 novembre 2015

Si vis pacem para bellum




La Vie continue à Zepperen… Je suis rentré de Pellenberg depuis deux bonnes semaines. On m’a enlevé les fils du poignet. Cela a modifié certaines manières de réagir chez moi…
Depuis le début de mon séjour au CTR à Brugman, j’ai commencé à développer une peur des piqures… Avec le temps, cette peur est devenue une panique, puis une phobie. C’était clairement la peur de la douleur. Une fois que j’ai pu mettre les mots justes sur cette phobie, il m’a encore fallu du temps pour comprendre pourquoi… Lors de mon séjour à l’hôpital St Pierre à Ottignies, puis à Brugman, j’ai reçu des piqures, on m’a pris du sang, etc … et à chaque fois j’avais droit à des encouragements du genre « Vous verrez, ça ne fait presque pas mal… Ca va un peu faire mal… Attention, vous n’allez presque rien sentir… Ca ne va pas faire mal… Ne bougez pas, ce sera court…» Idem lors d’examens pendant lesquels on m’injectait un produit contrastant dans les veines. Je ne pouvais que subir ces petites ou grandes douleurs, bloqué avec mes bras entravés, ou les deux poignets cassés… Sans oublier la fois où l’on m’a enlevé le drain du poumon : « Je vais vous ôter le drain, ça ne fait pas mal, vous allez juste sentir le tuyau glisser ; je le tire en une fois comme ça vous en êtes directement quitte ». Oui, c’était une bonne idée, mais… la gentille infirmière qui ne voulait pas me faire mal avait un peu zappé le fait que le drain était cousu à ma peau et que, en tirant d’un coup, elle emmenait mon épiderme et ma confiance. Jusqu’à ce que mon cri lui fasse prendre conscience à quel point j’étais attaché à mon drain.
Lors de la préparation pour une petite intervention à Gasthuisberg, j’expliquais à l’anesthésiste à quel point j’avais peur des piqures. Il me disait me comprendre et notait mes remarques. Comme les infirmières de Pellenberg me prenaient du sang dans le pied, là où je ne sens rien, on mettait au point un plan de bataille du même style. Tout était bien, jusqu’au lendemain, peu avant l’opération : l’infirmier (Gasthuisberg) n’a aucunement compte de ma peur de la douleur. « Vous allez voir, j’emploie une aiguille qui ne fait presque pas mal (parce qu’ils en ont aussi qui font mal, pour les patients qui le demandent) ». Il avait été prévu de me donner un calmant, éventuellement de mettre une pommade qui endort l’endroit où l’on va piquer. Balayé, tout ça ! Il a juste consenti à me donner une petite pilule calmante, mais m’a piqué dix secondes après ! Bref, ma confiance a été ramenée à zéro. Et puis, voilà à peu près un mois, j’apprends que l’on va m’enlever la ferraille que j’ai encore dans le poignet. A moi de rester calme, de me préparer psychologiquement… Le docteur Kiekens a bien entendu ma peur, tout comme les infirmières. Et la veille de l’intervention, j’ai rencontré l’anesthésiste. J’ai redis mes peurs, je lui ai expliqué que puisque les moyens existent, on peut les employer. Je lui ai dit que si l’on ne tenait pas compte de tout cela, l’opération se ferait sans moi. Je lui ai dit que je pourrais sans difficulté enjamber les barreaux de mon lit si l’on ne tenait pas compte de moi ! Je lui ai dit que je lui faisais confiance, mais qu’il lui appartenait de ne pas abuser de cette confiance, de vraiment tenir compte de cette demande. Il m’a écouté, compris et s’est engagé à veiller personnellement à ce que tout se passe bien de manière à me mettre à l’aise. Il a suggéré de me donner un calmant le lendemain matin. De plus mes infirmières m’ont dit avoir contacté leurs collègues du bloc opératoire pour leur expliquer mon problème. L’infirmière de nuit m’a donc donné un calmant à 6.00 h. A 6.30 h, l’anesthésiste était dans ma chambre ! Il a essayé de piquer dans le pied (pour le baxter) et a vu que ça marchait (la piqure, pas le pied)! Tout était bien. A 7.30 h on me conduisait vers le bloc opératoire. Je ne me souviens plus de la suite… tant j’étais détendu et en confiance.
Tout ceci pour en revenir au début de ce texte :  certaines choses ont changé en moi. J’ai ( je pense) retrouvé la confiance. Je serais même prêt à accepter une prise de sang dans le bras. Il y a eu comme un déclic lors de mon dernier passage à Pellenberg. Comme je l’ai dit, l’écoute et la compréhension du docteur Kiekens, l’appui des infirmières, l’attitude de l’anesthésiste, la compréhension de Carine, la psy de Pellenberg qui m’a aidé à mettre les mots justes sur ce que je vivais, tout cela a ouvert une porte ! Porte qui était cadenassée depuis plus d’un an…
Dans le même ordre d’idées, j’ai découvert, après mon retour à la maison en avril, comme j’avais peur des chiens… C’était nouveau aussi. Grâce à Norbert, qui m’a fait rencontrer ses grands chiens, et m’a expliqué comment me comporter, quelle attitude avoir (physiquement) en leur présence, comment interpréter leurs aboiements… je peux aussi dire qu’une autre porte s’est ouverte. Je n’irai pas dormir dans le chenil, mais je ne m’arrêterai plus, tout paniqué, en voyant un chien sur mon chemin.
Une petite carte postale, toute fraîche de cette semaine: un matin, je sors sur la terrasse de notre chambre avec l’intention de me recouper les cheveux. Autrefois je faisais cela debout, face au miroir de la salle de bain (j’ai toujours le miroir, la salle de bains, mais plus le debout). Maintenant, pour ne pas éparpiller mes cheveux partout autour de l’évier, je fais ça dehors, à tous vents. Tout se passe bien, je suis content de l’efficacité de la tondeuse. Quand je crois avoir fini, je me retourne pour rentrer dans la chambre et découvre mon reflet dans la porte fenêtre. En me voyant je réalise que j’ai oublié que sur la tondeuse, il y a un réglage à faire: choisir la longueur de tonte. J’ai donc rasé sur la position « longueur minimum » ! me voilà avec une coupe « GI », prêt à entrer dans un centre d’instruction… Mais il parait que ça repousse, dixit Madicte.

Autre carte postale de Zepperen : je devais me rendre chez notre docteur de famille pour un contrôle (Madicte prend le rendez-vous pour moi via internet). En arrivant chez notre toubib, nous avons la bonne surprise de voir qu’elle a placé une rampe pour la marche d’accès à sa salle d’attente. Vraiment bien, notre toubib ! Tous ces petits gestes qui sont autant de marques d’attention…
Ce soir, avant de conclure, je vous envoie une photo de nos deux familles: parents, frères, sœurs, beaux-frères, belles-sœurs, oncles et tantes, cousins, cousines, leurs enfants et petits-enfants. Nous sommes vraiment soutenus par nos deux familles de manière incroyable ! Ce sera l’image finale de ce texte, en sachant que parmi tous ce monde, il y a de la souffrance, des pleurs. Mais aussi des sourires, des éclats de rires !

jeudi 22 octobre 2015

Même pas mal




Quelle bizarre sensation de me retrouver à Pellenberg… les odeurs, les couleurs, l’ambiance des bruits. Et surtout les personnes ! Et à nouveau sans mon alliance… mais… mais … à nouveau avec les tranches de pain bien emballées dans du cellophane (chic !). Les sept daims sont dans le parc. Tout est en place. On peut commencer les piqures.
Madicte vous a parlé des premières heures, je ne vais pas y revenir.
Ici à Pellenberg, l’équipe était prévenue de mon arrivée. Den Pierre is terug ! Je suis impressionné par l’accueil qui m’est fait: chaque infirmière vient me dire bonjour, vient prendre des nouvelles de Madicte. L’une attend déjà que je raconte une blague, une autre pendant sa pause revient de la cafétéria avec une cornet d’amour pour moi, la dame qui nettoie est venue me rendre visite alors qu’elle était occupée à un autre étage, chacune a un mot d’accueil, un mot gentil… Dur dur de rester simple quand votre ego est tellement flatté ! Non, c’est pour rire: en fait je vois surtout combien les liens tissés il y a de nombreux mois sont restés vivants ! Je me remémore chacune de ces personnes. Il y a des prénoms qui reviennent, d’autres que j’ai oubliés, mais chacune de mes anges blancs est liée à un souvenir bien précis ! C’est beau, cette mémoire des bons moments vécus ensemble. Ce qui me paraît  étrange, c’est que les premiers jours, je ne savais presque pas employer ma main droite (pour faire ma toilette, pour me transférer, etc…), donc mes anges gardiens ont été plus actives pour moi qu’elles ne l’étaient il y a 6 mois, à la fin de ma revalidation… je craignais de régresser, heureusement, cinq jours après l’intervention, je suis presque autonome ! J’ai un programme de kiné et ergo pour toute la semaine, avec passage chez la psychologue (rapport à ma peur de la douleur). Je ne dois pas me laisser m’encrouter. J’ignore quand je pourrai rentrer à la maison ; je suppose que je l’apprendrai au début de la semaine. Au moment de finaliser ce texte, je ne sais toujours pas quand aura lieu mon retour définitif à la maison.
J’ai un voisin de chambre à qui on a amputé une jambe suite à un accident de moto. Très sympa, pas trop bavard, il parle un beau néerlandais que je comprends (oui, il y a des dialectes que je ne comprends pas, surtout au moment du repas de midi ; un voisin de table me demandait quelque chose, je ne savais pas ce que c’était… le sel ? une serviette ? de l’eau ? Je lui ai dit que j’entends très mal…). Je constate que mon colocataire est très ordonné, bien organisé, structuré… Je vais devoir faire attention de ne pas envahir plus que l’espace qui m’est dévolu dans notre cellule !
J’ai retrouvé un co-détenu qui est ici depuis presque un an. Il espère voir la fin de sa revalidation avant la fin de l’année. Et puis il y a ce monsieur très gentil qui revient pour quelques temps… Il est arrivé ce matin, m’a salué dans le couloir… je me souviens de lui, mais le prénom est un peu oublié. Nous aurons l’occasion de nous revoir aux repas, et chez les kinés.

Il me revient une carte postale que j’avais oubliée ici. Je ne pense pas vous l’avoir envoyée, celle-là… Je la retrouve en entrant dans le local des ergos. Voici… Nous étions en train de réapprendre divers gestes, manipulations, en train de réaffiner notre motricité (bref, c’était un atelier cuisine). Nous avions suggéré et obtenu de pouvoir faire des crêpes. Le quatuor des dangereux se met à la tâche, sous la férule de notre ergo en chef, parfois en train de rire avec nous, parfois inquiète de nos gamineries. L’humour et surtout l’autodérision sont une médecine mentale efficace ! La pâte est prête, nous laissons reposer un peu (la pâte et l’ergo). On attaque la cuisson, à tour de rôle nous cuisons quelques crêpes. Rapidement le tas de crêpes monte, monte (un peu comme l’abbé bête). Autre apprentissage: dresser la table, là aussi nous jouons plus que nous n’obéissons. Après quelques fou-rires, nous pouvons passer à table. Mais nous voyons bien que nous n’arriverons pas à vider le plat. Notre maestria nous suggère d’aller en porter dans la salle de travail des ergos (nous sommes à la cuisine). Me croyant le plus fiable (c’est ma lecture des faits, peut-être étais-je simplement plus près de la porte ?), elle me demande d’aller porter une assiette à un monsieur nouvellement arrivé, ce sera un petit geste d’accueil, pour lui montrer comme nous l’aimons déjà (« Je t’aime petit frère » comme disait le philosophe Cruchot) . Deux crêpes sur l’assiette, l’une au sucre , l’autre au choco. Pour me mettre au courant, afin de ne pas commettre d’impair, notre chèfe me dit que le nouveau est un grand brulé qui vient terminer sa revalidation chez nous. Je démarre avec l’assiette sur mes genoux, ainsi qu’avec une serviette et des couverts et au moment de franchir la porte  je me retourne et demande à notre gentille organisatrice si je peux dire « Attention, c’est très chaud ! ». J’ai souvent vu son visage changer quand la crainte l’envahissait, mais là c’est la peur qui a pris possession des traits de son visage ! Elle a crié « Nee ! » plus paniquée que fâchée. Je suis entré dans la salle avec les larmes aux yeux, entendant les rires deux pièces plus loin ; sans rien laisser transparaître, j’ai offert l’assiette au monsieur avec un gentil mot d’accueil. Il a juste retenu qu’il y avait une très bonne ambiance chez les ergos. Si un train peut en cacher un autre, un sourire peut aussi en cacher un autre.

Souvent je pense à mon côté gamin… Il m’a parfois joué de vilains tours, mais je sais aussi que cet humour m’a permis de passer au-delà de certaines difficultés, sans pour autant les occulter. Il m’arrive de tourner certaines situations en dérision. Je ne pense pas que ce soit une fuite. Mais dédramatiser certaines situations aide parfois à franchir l’obstacle. Quelqu’un parmi vous, chers lecteurs, m’a offert un livre de Patrick Sébastien « Les joyeux guérissent toujours ». Je n’aime pas le personnage, mais sa philosophie de Vie est un fameux moteur ! Les exemples de son livre sont parfois dérangeants, mais souvent vrais (pour moi !). Madicte et moi rions souvent de nos situations respectives, non par dépit, mais avec l’idée non dissimulée « ça aurait pu être plus grave, voyons ce qu’il nous reste, faisons du neuf avec du vieux, avec du cassé ». Ce qui a été épargné l’an passé (accident et maladie) est ressorti plus fort, donc ce sont là de bonnes bases pour reconstruire du solide. Les pièces du puzzle ne s’assemblent pas aussi facilement, il faut adapter, poncer, trouver le bon accord, la bonne place… mais nous voyons ce qui se reconstruit.
Nous avons pris conscience ces derniers temps que je ne suis pas malade et que Madicte, avec son traitement, se sent comme malade, affaiblie, parfois sans énergie. Lorsque nous avons de la visite, c’est surtout du bonheur, mais pour Madicte, il y a la fatigue en plus. Je dois un peu me brider pour ne pas exagérer. De même pour les déplacements : c’est toujours ma Belle qui est au volant, ce qui arrivait rarement avant l’accident. Et en plus elle doit subir mes peurs et mes tensions quand elle conduit ! 

Une carte postale de notre réfectoire: nous y sommes nombreux : 16 ou 17. J’ai la chance d’avoir en face de moi un monsieur très gentil qui déborde de tous les côtés de sa chaise roulante (croulante ?), mais qui enfourne sa tartine en entier dans sa bouche, qui rit très fort quand il rit la bouche pleine, nous avons droit à des échantillons gratuits), qui avale plus ses mots que ce qu’il n’a dans sa bouche (c’est parce qu’il n’y a pas assez de place pour la nourriture ET les mots ensemble dans sa bouche ?). Nous nous faisons à l’occasion un clin d’œil, mon voisin de chambre et moi: pas besoin de beaucoup de mots pour nous comprendre. Mais ce monsieur est vraiment sympathique, ce qui fait qu’on lui passe beaucoup de ses excès à table. Nous en parlions tous les deux, et nous sommes d’accord: une éducation différente ne provoque pas systématiquement une scission, ou un clan à part. Ici, nous avons tous un point commun dans notre passé… et nous appartenons un peu à la même famille. En tout cas tant que nous vivons en communauté, autour de la même table.

Je me rendais à la fontaine pour remplir ma petite carafe d’eau. Et un souvenir m’est revenu: presser sur le bouton de la fontaine était un exercice douloureux, les premiers mois. Etant donné la position du bouton, je ne savais le faire qu’avec la main droite (celle qui était en plus mauvais état). Quel chemin parcouru, que j’ai un peu oublié, ou disons qui est éclipsé par le quotidien; pas besoin de repenser au passé; s’il me revient ainsi à l’occasion, je ne peux que me réjouir de ce chemin parcouru. Les douleurs chez les kinés, mes peurs, la crainte de ne pas y arriver, etc… c’est si loin tout ça ! Par contre restent bien vivants les souvenirs de vos encouragements, de vos sourires, de vos mots simples, justes, de vos présences, de vos prières, de vos rires et de vos larmes, de vos visites, de vos courriers en tous genres, et aussi de chaque progrès, de chaque nouvelle étape atteinte durant les 9 mois de revalidation. Vous êtes bien entendu incluse dans cette énumération, ma chère femme !!!

Il y a mon petit monde de plaisirs et de bêtises que je vous raconte, mais il y a aussi la Vie autour de nous, avec ses côtés brillants et ses côtés durs. Ce lundi était enterrée Annick, une amie. Difficile de ne pas penser à ses mois de souffrance, et à Jean-Benoît son mari, et à leurs enfants. J’ai regardé les photos de nos vacances en Provence avec eux et avec Brigitte et Jean-Philippe; c’était ma manière à moi de lui dire au-revoir. Le soir, je suis passé à la chapelle, toujours aussi déserte. J’avais emmené le livre de Anselm Grün et l’ai ouvert au hasard (mais, bon, le hasard…hein !) et suis tombé sur le texte de l’ange de la séparation, du deuil !

Je m’apprêtais à envoyer mon texte à Madicte, pour qu’elle le publie sur la toile, quand j’ai appris que je peux rentrer définitivement demain à la maison (vendredi 23.10). Grande joie de retrouver mes pénates, de pouvoir à nouveau m’endormir près de ma belle ! Et de me réveiller à nouveau à ses côtés. Les séparations, ça ne nous réussit pas ! Les jours à venir vont être une découverte de mes possibilités, en fonction des bandages de mon poignet. Je n’ai pas encore vu ma cicatrice, mais je la sens ! Voilà, rien à ajouter sinon que la Vie est belle.