mardi 28 juin 2016

“… reprenez à Fa Mi Fa Mi Ré…” « … et chaque fois que je l’entends c’est le printemps… »



Voilà… c’est fait, c’est fini. L’opération s’est bien passée, le Professeur est content. Le patient aussi ! Je suis surpris par ma sérénité avant l’opération, pas d’angoisse ou de panique. Il y avait de la résignation mais aussi une volonté d’aller de l’avant, sachant ce qui m’attendait quand on m’a annoncé que sans cette opération je finirais tétraplégique. Mon bras gauche était déjà sur le déclin, sans parler des douleurs dans la nuque. Voilà donc, si pas une épine hors du pied, à tout le moins un drain dans la colonne vertébrale.
A nouveau nous nous sommes retrouvés dans une situation bien connue : Madicte seule à la maison, croulant sous les nouvelles démarches administratives qui arrivent comme les inondations en cette saison. Seule avec les idées qui tournent dans sa tête : elle me voit souffrant sur mon lit, nuit et jour, impuissante à diminuer ma douleur. Et moi de mon côté, bien entouré, chouchouté par les anges en blanc. Les premiers jours ont été très douloureux ; je n’ai de ma vie jamais avalé autant d’antidouleurs et de médicaments. J’ai dû rester les trois premiers jours complètement à plat sur le dos, sans pouvoir bouger, tirer ou pousser sur mes bras. C’est long, trois jours !!! Puis mon infirmière a commencé à me redresser prudemment. Quelques étapes bien pensées jusqu’à m’amener assis au bord du lit pour faire ma toilette. Puis j’ai pu dormir sur le côté, ça fait du bien.

Me retrouvant en clinique, j’ai revécu certaines sensations, ce que l’on pourrait appeler  des « déjà vu » :
-les tranches de pain emballées dans le cellophane
-les barres froides en inox du lit
-un bracelet au poignet, pour m’identifier en cas de perte ou pour identifier mon cadavre
-les bruits du couloir, typiques d’un hôpital. Etant bloqué dans mon lit, je ne sais ni ne vois rien de ce qui se passe à l’extérieur de ma cellule.
-une très gentille dame qui est venue m’apporter la communion dimanche. Avec juste une parole « Je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Nom di djo ! quand je serai Pape, je changerai ça !!! C’est quoi ça ? Nous ne sommes pas dignes de Dieu ? Et dans le même temps nous proclamons que Dieu est Amour. S’il nous aime et que nous ne sommes pas dignes de cet Amour, je propose de fermer la boutique : il travaille pour rien… J’ai quand-même des difficultés avec « ma » religion !
Tiens, une différence avec Pellenberg : ici les chambres ont un crucifix ! Je me souviens d’une conversation à ce sujet avec un responsable de Pellenberg. On avait supprimé les crucifix parce qu’ils choquaient certains patients non croyants, ou juifs ou musulmans… Mais nom de Djeu, un établissement, une institution qui se dit chrétienne, qui soigne tout le monde en s’efforçant, dans la manière d’attribuer les soins, de respecter certaines traditions, certaines croyances propres aux patients, peut quand-même afficher son orientation philosophique! Le crucifix n’est pas une injure que l’on crache à la figure des patients ! Il ouvre ses bras en signe de bienvenue ! On ne ressort pas infecté d’un local où il y a un crucifix me semble-t-il. Pourquoi s’effacer, gommer ce que l’on est « en signe de respect pour les autres » ? Ne peut-on les respecter en restant ce que l’on est ? Il est loin le temps où la Chrétienté avait aussi comme objectif de convertir un maximum de personnes « engagées sur la mauvaise voie ». Quand viendra le temps de supprimer le mot « saint » du vocabulaire ? les noms de villes, de villages, de lieux-dits vont finir par se voir raboter. On a déjà transformé les noms des congés scolaires, qui étaient trop à consonance religieuse. Le congé de Toussaint est devenu le Congé d’Automne (congé d’automne qui est fixé en fonction d’une fête chrétienne… et d’une commémoration plus universelle – le jour des morts). Le congé de Noël est devenu Vacances d’Hiver (mais dont les dates sont fixées en fonction d’une fête chrétienne ET d’une fête laïque – Nouvel An) ; qui plus est Noël n’est pas le nom de la fête chrétienne, c’est la Nativité, Noël s’adressant à tout le monde. Le congé de Carnaval a lui fait les frais de cette rage de tout laïciser : il est devenu congé de … (oublié) alors qu’il n’a jamais été nommé en fonction de la célébration chrétienne qui se situe en son milieu. Le congé de Pâques est devenu Vacances de Printemps. Printemps… ah ah ah ! même quand la date du printemps n’est pas comprise dans le congé ! La date de Pâques peut varier: après différentes tentatives d’unification, les chrétiens ont choisi de fixer (si l’on peut dire) la date de Pâques au dimanche qui suit la première pleine lune du printemps (ce qui rend la date de Pâques très variable: entre le 26 mars (1989) et le 23 avril (2000)!! ). Le congé de "ex-Carnaval" commence donc 47 jours avant cette date mobile.
L’idée de tout laïciser devient surtout une obsession de faire table rase ! Si on change les noms des congés, mais que les dates des mêmes congés ne changent pas, c’est un peu risible.

Mais je m’excite un peu trop ! Je n’avais pas pris mon clavier pour vous parler de ça…
J’en reviens à notre vécu… Quand je suis à la maison, je vois bien comme je suis limité physiquement. Quand je suis au lit, il m’est difficile de me tourner sur le côté pour donner un bisou à Madicte, ou lui faire un câlin. D’où frustration ! Se blottir l’un contre l’autre nous manque à tous les deux, la tendresse est en manque. Je me dis parfois qu’il y a des situations injustes dans la Vie : il m’est plus facile d’avoir des contacts avec notre chat sur mes genoux qu’avec Madicte. A travailler, tout peut changer !!!

Ce mercredi, je rentre à la maison : YOUPIE ! Il y aura du boulot… On a un peu étiré et déplacé certains muscles du dos, il leur faudra du temps pour retrouver leur taille normale et leur place… Je ne sais pas encore rester plus d’une heure dans ma chaise.
Comme j’ai hâte de revoir le jardin, de m’endormir auprès de ma douce. Ce n’est que l’ordre chronologique, hein ! Je ne vais pas rentrer, me mettre au lit et le soir aller voir le jardin !

J’avais une liste de titres à retrouver sur Youtube, mais elle est restée sur mon bureau ; ce sera pour une autre fois.
Le mot MERCI est vraiment celui qui revient le plus souvent. Merci la Vie, merci les familles, merci les amis ! Vous êtes présents, vous nous soutenez ! Pas un jour sans un signe !
Merci !

C'est ma chaise!!!


lundi 27 juin 2016

Sans voix, sans voie?




Alors que pendant 10 mois  j'ai dû apprendre à vivre séparée de Pierre, je ne m'y fais toujours pas. C'est fou comme il me manque, comme je me sens toute perdue dans notre maison sans lui, sans sa bonne humeur et sa tendresse, sans ses ronflements rassurants qui me rappellent qu'il est bien vivant. J'ai l'impression de fonctionner, de poser les gestes nécessaires au quotidien, mais plus vraiment de vivre.
Le chat aussi est un peu désemparé.  Il ne trouve plus sa papamobile dont il sert de figure de proue, trônant majestueusement sur les genoux immobiles du maître du logis. Il se rabat sur moi, qui occupe la place du podium de son cœur réservée aux médaillés de bronze, Emilie, absente en journée, ayant obtenu sans contestation l'or aux yeux de ce félin sibyllin.
Je ne cache pas que ces derniers jours ont été éprouvants.  J'ai une admiration infinie pour la sagesse et la sérénité de Pierre.  A mon avis son papa l'a tenu par la main tout au long de ces dernières semaines.  Pas un soupçon d'anxiété, de panique, de découragement, de lassitude ne l'a effleuré.  Alors que je me faisais violence pour rester confiante et sereine, il allait de l'avant, comme l'agneau pascal,  prêt à supporter de nouveau les piqûres et le scalpel, les infusions et la gastronomie hospitalière.
On a eu beau demander à l'avance à l'anesthésiste de tenir compte du syndrome post-traumatique d'angoisse de Pierre par rapport à la douleur et aux piqures, à nouveau cela n'a servi à rien.  Les préposés ont refusé de faire les injections dans le pied et n'ont pas non plus utilisé le patch insensibilisant avant d'enfoncer leur matériel dans la chair fraîche de mon tendre époux.  Chaque main s'est vue décorée d'un cathéter veineux. Heureusement il avait déjà avalé un sédatif qui l'a empêché de prendre la poudre d'escampette, contrairement à la fois d'avant où, pour les examens préopératoires au moment de la prise de sang, il a bien fait comprendre à l'infirmière qu'elle pouvait faire la prise de sang sans lui, si elle ne la faisait pas dans son pied.  Comme elle a dû lui courir derrière, (je ne vous dis pas comme il peut aller vite dans sa chaise de course, n'oubliez pas qu'il a fait les 20 km de Bruxelles l'année passée!)  elle a, furieuse, dû prendre son pied (celui de Pierre) pour accomplir son devoir de vampire.
Il n'a même pas la consolation de pouvoir se faire chouchouter par ses anges familiers de Pellenberg puisqu'il se trouve sur l'autre mont.  Vous vous souvenez, le Gasthuisberg, l'hôpital usine, où j'ai laissé la moitié de mon petit paradis en août 2014.  La chambre de Pierre donne sur une grande cheminée, je suppose celle de l'incinérateur qui réduit en cendre, sans état d'âme, tout ce que les chirurgiens découpent et amputent pour rendre l'espoir en de jours meilleurs.
C'est assez confrontant pour moi d'arpenter à nouveau ces couloirs fléchés de toutes les couleurs. Heureusement ce n'est plus la flèche orange, mais bien la brune qui nous guide pour arriver en neurochirurgie. J'essaye d'oublier le département oncologique et je me fixe sur les retrouvailles avec mon homme cassé qui reprend force et courage.
Ah oui, j'oubliais, vous ne l'aurez certainement par remarqué, mais j'ai un petit souci: je suis actuellement comme une télé cassée: y a l'image mais plus le son...
Je vous assure que ce n'est pas en supportant les Diables Rouges hier que c'est arrivé. Une inflammation de la gorge et des cordes vocales ont eu le dernier mot. En me réveillant de ma sieste vendredi, je constate qu'il m'est impossible de parler. Je chuchote, je murmure, je suis l'adage qui dit que la parole est d'argent, mais le silence est d'or.  Pour le moment chez moi c'est la parole qui est dehors, hors de ma portée.  Quand je suis seule c'est pas un problème, le chat est habitué à communiquer avec moi en langage chat, pas sur internet.  Avec Pierre c'est la solution qu'on a trouvée ce soir, nous avons clavardé, chatté sur Facebook. C'était une bonne façon de ronronner un peu ensemble.
Il m'a fallu annuler mon rendez-vous chez mon psy.  Fastoche, direz-vous, il suffit de téléphoner...  Ah oui et on fait comment quand on est aphone?  Je suis allée chez des voisins, ici plus loin dans la rue. Lui, étant général à la retraite et donc polyglotte, il a pu téléphoner pour moi en français et laisser un message sur le répondeur.
Donc, mes chers amis, ce n'est pas le moment de me téléphoner pour prendre des nouvelles, vous penserez sinon que vous vous êtes trompés de numéro et que c'est un rigolo qui a décroché et qui se prend pour Le Visiteur, Jaquouille (Christian Clavier) en faisant toutes sortes de bruits bizarres dans le cornet.
D'ici quelques jours, quelques doses d'antibiotiques et cuillerées de sirop ça ira mieux! Enfin je l'espère...

mercredi 22 juin 2016

Chers tous,
voilà, c'est fait, je suis de retour dans ma chambre, pour le moins vaseux (les effets de l'anesthésie ne sont pas encore dissipés). L'opération a duré deux heures et demie. A cinq heures j'étais dans ma chambre, très vite rejoint par Madicte qui s'adapte de façon extraordinaire. Le chirurgien est déjà passé pour me dire que tout s'est bien déroulé. J'ai une nouvelle cicatrice de 12 cm dans le dos pour introduire un drain interne qui va soulager la pression dans la moelle épinière. Les effets de l'anesthésie ne sont pas encore entièrement dissipés et j'ai l'impression de parler comme quelqu'un qui a vidé un tonneau de bière. La douleur dans le dos est supportable, mais très gênante. Je sais combien vous êtes toutes et tous attentifs, présents, priants à tout ce que nous vivons. C'est une grâce et un bonheur de vous avoir, de vous savoir si proches. Je pense que de nouveau les marchands de bougies auront fait des affaires ce mois-ci. Il est question d'un séjour en clinique de 4 à 5 jours dont les trois premiers dans la position couchée. Je me sens un peu vide intellectuellement c'est pourquoi je dicte à Madicte ce petit texte pour vous remercier. Je vous remercie toutes et tous. Je vous embrasse. D'autres nouvelles suivront.
Pierre

vendredi 10 juin 2016

Ce petit message pour vous mettre au courant d’une nouvelle au sujet de l’état de santé de Pierre.
 
Nous avons appris lundi que Pierre a une complication posttraumatique à la moelle épinière.  Il s’agit d’une seryngomyélie, à savoir: une cavité dans la moelle qui se remplit de liquide qui n’arrive plus à s’écouler normalement.  Cela a pour conséquence qu’une pression progressive est exercée sur la moelle et le système nerveux.  Si on n’intervient pas, à long terme cela peut aboutir à une perte de motricité et sensibilité des deux bras.
Pierre est en de bonnes mains, il sera opéré par un éminent professeur de l’UZ Leuven à Gasthuisberg le 22 juin prochain.  Celui-ci nous a assuré qu’il ne s’agit pas d’une opération lourde.  Un drain sera posé dans la moelle à hauteur de sa lésion (D9). On ne peut pas nous garantir une amélioration de sa situation actuelle (il a perdu un partie de sa sensibilité et de force dans le bras gauche et souffre de douleurs dans la nuque), cependant on peut l’espérer. En tout cas le but est de stabiliser son état et d’en empêcher une aggravation.
Nous ne savons pas encore la durée de son hospitalisation, certainement quelques jours.
 
Ce ne sont évidemment pas des perspectives joyeuses, cependant, nous sommes soulagés qu’on ait trouvé la cause du problème et qu’il y a moyen d’y faire quelque chose.

jeudi 2 juin 2016

Deux mois de silence...



Deux mois de silence depuis notre hommage à papa.
Deux mois avec des hauts et des bas, des marées hautes et basses qui se succèdent, des émotions qui nous bousculent et nous obligent à nous tenir à la main courante de l'amour et de l'amitié pour ne pas perdre pied et se retrouver par terre comme une tortue sur le dos, battant désespérément l'air de ses pattes.
Souvent je me sens l'âme d'un clown triste, le cœur d'une chtroumpfette qui a le blues.
Quand mon homme n'a pas la forme, je m'arrange pour le faire rire de toutes mes bêtises dès le réveil. Heureusement qu'il n'y a pas de caméras ou de micros cachés, car je risquerais d'être envoyée illico presto chez les foldingues! Notre hilarothérapie reste efficace. Nous essayons de transformer nos petits malheurs en moments de complicité joyeuse et déjantée.
Quand les temps sont parfois durs, on se dit qu'on a de la chance que ça aurait pu être pire et on s'évertue à trouver tout ce qui marche (aïe, le mot est mal choisi) encore...
J'ai pris l'habitude de m'attendre au pire, ainsi je suis toujours rassurée en voyant que tout compte fait la situation est moins grave et moins désespérée.

Bonne nouvelle, en ce qui me concerne, j'ai pu me débarrasser du port-a-cath qui me squattait depuis plus d'un an et demi. Devoir repasser sur le billard ne m'enchantait guère et me stressait, mais c'était mon choix d'en finir avec cette souris sous-cutanée qui perturbait mon sommeil et me rappelait sans cesse les joyeusetés des traitements chimiothérapiques. 
Intervention chirurgicale sous anesthésie locale et contrairement au moment de la pose où j'étais dans un brouillard total, ici sans sédation (on trouvait que j'étais assez paisible ).  Je ne vous dis pas, à part l'image j'ai eu droit aux sons et aux odeurs... Alors que j'entendais les bavardages entre le chirurgien et son assistante, à un certain moment j'ai cru reconnaître l'odeur de roussis des dernières plumes des ramiers que mon père, rentré de chasse, passait au-dessus de la flamme de la cuisinière.  Comme l'alarme incendie ne se mettait pas en route, j'ai demandé ce qui était en train de cramer ainsi. Le chirurgien a cru me rassurer en me disant que c'était la cautérisation de la plaie interne.  C'était donc moi qui jouais le rôle du ramier... Evidemment ce n'était rien au regard de ce que Jeanne d'Arc a dû sentir....
Comme on ne m'avait pas mise sous sédation, j'ai gardé mes esprits pendant toute l'intervention et j'ai pu rentrer rapidement à la maison, ramenée par un de nos multiples anges gardiens qui veillent sur nous. (au fait, c'était une ange, mais la langue française a décidé que le mot ange est masculin. Enfin, ça ne sert à rien de discuter du sexe des anges, moi je sais qu'il y en a des masculins et des féminins et ce jour-là il y en avait une quarantaine qui m'ont envoyé des mots doux pour me tenir la main et m'aider à rester paisible. Merci les anges, vous ne vous doutez pas à quel point vous nous aidez à garder le cap!
 D'autres nouvelles? Contrairement à l'adage "pas de nouvelles, bonne nouvelle", nos silences cachent parfois sous un voile pudique le combat inégal que nous menons contre les difficultés physiques, psychiques et matérielles qu'il nous faut affronter.
C'est plus facile d'en parler quand on arrive à nouveau à sortir la tête de l'eau que lorsqu'il nous faut un tuba pour arriver à respirer encore. De toute façon, on ne parle pas la bouche pleine et avec un tuba, y a pas moyen ...
Le bulletin médical de Pierre n'a pas été brillant ces derniers mois. Oui, évidemment, les méchantes langues diront qu'en tant qu'élève autrefois les bulletins c'était pas vraiment son fort, mais ici on ne peut pas dire qu'il ménageait ses efforts pour avoir de bons points. Ses scores en tension artérielle sont trop élevés (là il fait du zèle), les analyses des urines indiquent depuis des semaines une infection que les antibiotiques n'arrivent pas à circonscrire (là il fait preuve de bcp de persévérance), en même temps il souffre d'inflammations musculaires au bras gauche et d'hernies discales aux vertèbres cervicales qui avaient été fracturées lors de l'accident (il excelle dans tous les domaines, il ne fait pas les choses à moitié).  Avec des remarques pareilles ses parents auraient été fiers de lui. Bref, trêve de plaisanterie, c'était dur dur et le moral a accusé le coup. Je l'ai emmené à l'insu de son plein gré (pas vraiment) à la mer, début avril et aussi la semaine passée. Comme toujours, notre mer nationale nous a redonné courage et énergie. Petit à petit Pierre a repris du poil de la bête, mais sa calvitie est restée inchangée.
Les rendez-vous et examens médicaux se succèdent: Urologie, cardiologie, radiologie, neurologie, neurochirurgie...  On le passe à toutes les sauces... Moi je me contente de l'oncologie, c'est un menu plus rodé et plus espacé.  
Pour ce qui est des surprises on a aussi été gâtés: quand Emilie et Jan sont allés passer quelques jours dans notre abri côtier à l'Ascension ils ont eu les pieds mouillés.  Normal, direz-vous, à la mer on prend des bains de pieds.  Oui, mais, c'était pas sur la plage, mais bien sur notre parquet en arrivant dans notre appartement au cinquième étage ... Les nouveaux propriétaires du sixième ont engagé un entrepreneur pour rénover leur appartement. Paraît que les ouvriers causent russe (ou causent casse) .  En tout cas ils ne savaient pas que lorsqu'on retire des radiateurs, il faut mettre des bouchons aux canalisations. Comme leurs voisins de gauche avaient leur chauffage qui manquait de pression, le chauffagiste a rempli le circuit qui ne semblait pas pressé de se remplir.  Logique puisque c'était la chape du sixième et notre plafond qui se transformaient en vase d'extension. Les gaines des plafonniers du living et de la salle de bains ont servi de relais pour transformer notre appartement en aquarium marin.  Non, je rigole, les crevettes n'auraient pas pu s'y balader, mais bon, on aurait pu se passer de ce genre de soucis. Evidemment, ce n'est qu'un dossier de sinistre de plus ou de moins à régler avec les assurances, on n'est plus à ça près... C'est devenu mon passe-temps favori (rien que d'y penser, j'ai mon coeur qui se met à battre plus fort).   Mais à part ça, tout va très bien, Madame la Marquise. Ah oui, on déplore un petit rien, une petite fuite au nouveau plafond de notre chambre à coucher à la maison suite aux violents orages du week-end passé. Heureusement on est venu réparer le toit hier, avant que le village de Zepperen ne se retrouve sous eau cette nuit. On a eu de la chance, contrairement à d'autres personnes du village dont la maison a été inondée.  L'eau n'a pas dépassé notre boîte aux lettres. Vous voyez, nous on est des vrais chançards, il y en a toujours qui ont plus de poisse que nous! Non, mais, de quoi on se plaindrait?

Faut pas gonfler Gérard Lambert quand il répare sa mobylette





Me revoici. Le silence des derniers mois a été provoqué par divers facteurs. Depuis novembre/décembre, j’ai vraiment régressé physiquement, et le mental a suivi le même chemin, avec un peu de retard. Infections, inflammations musculaires, hernies discales (cervicales), je me sentais handicapé en rentrant à la maison il y a un an, maintenant je me sens cassé !!! Plus d’énergie, plus d’exercices physiques.
Le décès de papa a aussi modifié notre quotidien ; je n’allais pas parler de moi et de mes petits bobos dans ces circonstances. Puis l’actualité (attentats) m’a aussi donné le même sentiment: parler de moi, suite à ce que le pays vit me laissait un poids désagréable sur le cœur. Cependant la Vie continue, et j’aime ce moyen de communiquer. Pour ne pas trop m’attarder sur ce qui ne va pas trop bien, je vous laisse une série de minis cartes postales: mes « premières fois ».
Il y a 23 mois, je me payais un accident de la route… (en fait, non: il m’a été offert !) Je repensais il y a quelques jours à tout le travail effectué depuis le 12 juin 2014. Il y a eu plein de « première fois ».
Durant la revalidation, il y a eu une quantité incroyable d’étapes franchies, de petits pas vers une autonomie, vers une guérison, vers un progrès. Parce que je le voulais évidemment, malgré mes limites physiques, mais aussi parce que des équipes d’anges gardiens m’entouraient : ergos, toubibs, kinés, infirmières, profs de sport, de chaises roulantes, psy, … Et je n’oublie pas les encouragements de Madicte, des enfants, de la famille, des amis.  Des premières fois, il y en a eu !!!
Ce n’est pas la première fois, dans l’ordre chronologique, mais c’était un moment important :
Quand j’ai reçu ma première chaise roulante : Pouvoir me déplacer assis, voir autre chose que les plafonds, arriver dans la salle des kinés et découvrir le paysage par les grandes fenêtres, depuis le sol jusqu’au ciel (j’ai demandé à rester quelques minutes face à la vue qui s’offrait à moi).
Le jour-même, ou le lendemain, la première fois que Leen, une infirmière, m’a conduit à la chapelle de Pellenberg ! Elle m’a allumé une bougie sur l’autel, m’a laissé là en disant que je n’avais qu’à prendre le temps que je voulais et qu’elle me reconduirait après dans ma chambre. Je ne l’ai découvert qu’en voulant quitter les lieux : elle était assise dans le fond de la chapelle. Elle m’attendait.
La première fois que j’ai su me laver les deux mains au lavabo !
La fois où j’ai reçu une chaise électronique (chaise électrique, ça fait un peu euthanasie …) : quel sentiment de liberté !
La première fois que j’ai suivi le cours de chaise roulante: panique à bord !
La première fois que j’ai su dévisser le bouchon d’un tube de dentifrice.
La première fois que le prof de chaise roulante m’a félicité.
La première fois que je suis resté 15 minutes assis sans tomber dans les pommes.
La première fois que je suis rentré à la maison.
La première fois que je me suis transféré seul de la chaise au lit.
La première fois que j’ai eu droit à une douche. C’était à Pellenberg, un dimanche matin particulièrement calme, près de deux mois après l’accident. Deux infirmières sont venues me proposer de prendre une douche. C’était tellement agréable que j’ai demandé trois shampoings à la suite l’un de l’autre ! Elles avaient le temps, et voulaient me chouchouter…
La première fois que je suis sorti avec ma chaise électronique avec Marco, l’ergo, pour faire un tour du bâtiment, et apprendre les subtilités de certaines manœuvres.
En parlant de chaise roulante… Ma première chaise « active », une vieille chaise qui devait avoir été refusée au contrôle technique en Tunisie (petit clin d’œil à mes amis tunisiens), une chaise qui n’était pas à ma taille… mais qui me donnait l’impression de me mouvoir seul ! Je vois encore le regard pas très rassuré d’un de mes anges gardiens quand j’ai pris l’ascenseur tout seul.
La première fois que Madicte a dormi avec moi à Pellenberg ! Les pensionnaires qui logeaient là le WE pouvaient « apporter leurs tartines ». Je les vois (pas mes tartines, les infirmières !) m’expliquer qu’on allait m’apporter un lit supplémentaire dans la chambre. Je me demandais si elles me taquinaient…
La première fois que j’ai été manger le repas de midi dans la salle commune (quand je mangeais en tapissant vêtements et sol de nourriture, je préférais rester seul dans ma chambre): les mots et les cris d’accueil des mes voisins de rue… Qué bonheur !
La première fois que j’ai rencontré Olivier, mon sauveur ! Il terminait sa garde du nuit à Beauvechain et, avant de rentrer chez lui, il voulait me visiter. Il était là vers 8.45 h dans le corridor (ma rue). Les infirmières lui ont dit que je devais d’abord avoir fini ma toilette. Il est resté calmement à attendre pendant 45 minutes… Quand il est entré, j’ai d’abord vu son uniforme. J’ai cru que c’était notre Frédéric qui venait me voir, bien qu’étonné de le voir en uniforme. Puis j’ai vu son visage ! Quelle émotion non di djo !
La première fois que j’ai pu porter ma main droite à la bouche avec une cuiller, sans rien renverser !
La première fois que j’ai eu une chaise roulante active à ma taille (merci Docteur Kiekens ! Les nouvelles chaises étaient dans la cave, mais ne pouvaient servir tant qu’elles n’étaient pas immatriculées. Un coup de gueule et l’affaire était réglée) : légèreté, souplesse, maniabilité, …
La première lettre que j’ai écrite à Pellenberg. Ecriture d’enfant, pleine de vibrations, irrégulière, incertaine. Mais accompagnée de cette envie d’écrire, de recommencer « comme avant », de dire des choses personnelles.
Mon premier retour à l’école à LLN ! L’accueil des enfants, des collègues ! WAOW !

Mais il y a aussi eu des premières fois moins agréables :
Ma première chute pendant le sport. Une marche arrière un peu trop rapide, sans les roues « anti bascule ». Le choc de ma tête sur le sol a été assez fort, puisque les gens dans la salle voisine sont venus voir ce qui se passait.
Ma première (et unique) chute hors du taxi (il n’y a pas si longtemps j’ai eu la confirmation: ma chaise était sur le plateau, à 60 cm du sol). Solide, la caboche ! Mais quelle inquiétude : j’entendais les gens, et je ne savais pas répondre ! Je paniquais intérieurement à l’idée de ne plus savoir parler !
La première fois (la seule jusqu’à présent) où je suis tombé du lit, tout seul comme un grand (en voulant remonter la barrière, vous savez, celle qui empêche de tomber du lit).