Me revoici. Le silence des derniers mois a été provoqué par divers
facteurs. Depuis novembre/décembre, j’ai vraiment régressé physiquement, et le
mental a suivi le même chemin, avec un peu de retard. Infections, inflammations
musculaires, hernies discales (cervicales), je me sentais handicapé en rentrant
à la maison il y a un an, maintenant je me sens cassé !!! Plus d’énergie,
plus d’exercices physiques.
Le décès de papa a aussi modifié notre quotidien ; je n’allais pas
parler de moi et de mes petits bobos dans ces circonstances. Puis l’actualité
(attentats) m’a aussi donné le même sentiment: parler de moi, suite à ce que le
pays vit me laissait un poids désagréable sur le cœur. Cependant la Vie
continue, et j’aime ce moyen de communiquer. Pour ne pas trop m’attarder sur ce
qui ne va pas trop bien, je vous laisse une série de minis cartes postales: mes
« premières fois ».
Il y a 23 mois, je me payais un accident de la route… (en fait, non: il m’a
été offert !) Je repensais il y a quelques jours à tout le travail
effectué depuis le 12 juin 2014. Il y a eu plein de « première fois ».
Durant la revalidation, il y a eu une quantité incroyable d’étapes
franchies, de petits pas vers une autonomie, vers une guérison, vers un
progrès. Parce que je le voulais évidemment, malgré mes limites physiques, mais
aussi parce que des équipes d’anges gardiens m’entouraient : ergos,
toubibs, kinés, infirmières, profs de sport, de chaises roulantes, psy, … Et je
n’oublie pas les encouragements de Madicte, des enfants, de la famille, des
amis. Des premières fois, il y en a
eu !!!
Ce n’est pas la première fois, dans l’ordre chronologique, mais c’était un
moment important :
Quand j’ai reçu ma première chaise roulante : Pouvoir me déplacer
assis, voir autre chose que les plafonds, arriver dans la salle des kinés et
découvrir le paysage par les grandes fenêtres, depuis le sol jusqu’au ciel
(j’ai demandé à rester quelques minutes face à la vue qui s’offrait à moi).
Le jour-même, ou le lendemain, la première fois que Leen, une infirmière,
m’a conduit à la chapelle de Pellenberg ! Elle m’a allumé une bougie sur
l’autel, m’a laissé là en disant que je n’avais qu’à prendre le temps que je
voulais et qu’elle me reconduirait après dans ma chambre. Je ne l’ai découvert
qu’en voulant quitter les lieux : elle était assise dans le fond de la
chapelle. Elle m’attendait.
La première fois que j’ai su me laver les deux mains au lavabo !
La fois où j’ai reçu une chaise électronique (chaise électrique, ça fait un
peu euthanasie …) : quel sentiment de liberté !
La première fois que j’ai suivi le cours de chaise roulante: panique à
bord !
La première fois que j’ai su dévisser le bouchon d’un tube de dentifrice.
La première fois que le prof de chaise roulante m’a félicité.
La première fois que je suis resté 15 minutes assis sans tomber dans les
pommes.
La première fois que je suis rentré à la maison.
La première fois que je me suis transféré seul de la chaise au lit.
La première fois que j’ai eu droit à une douche. C’était à Pellenberg, un
dimanche matin particulièrement calme, près de deux mois après l’accident. Deux
infirmières sont venues me proposer de prendre une douche. C’était tellement
agréable que j’ai demandé trois shampoings à la suite l’un de l’autre !
Elles avaient le temps, et voulaient me chouchouter…
La première fois que je suis sorti avec ma chaise électronique avec Marco, l’ergo,
pour faire un tour du bâtiment, et apprendre les subtilités de certaines manœuvres.
En parlant de chaise roulante… Ma première chaise « active », une
vieille chaise qui devait avoir été refusée au contrôle technique en Tunisie
(petit clin d’œil à mes amis tunisiens), une chaise qui n’était pas à ma
taille… mais qui me donnait l’impression de me mouvoir seul ! Je vois
encore le regard pas très rassuré d’un de mes anges gardiens quand j’ai pris
l’ascenseur tout seul.
La première fois que Madicte a dormi avec moi à Pellenberg ! Les
pensionnaires qui logeaient là le WE pouvaient « apporter leurs
tartines ». Je les vois (pas mes tartines, les infirmières !)
m’expliquer qu’on allait m’apporter un lit supplémentaire dans la chambre. Je
me demandais si elles me taquinaient…
La première fois que j’ai été manger le repas de midi dans la salle commune
(quand je mangeais en tapissant vêtements et sol de nourriture, je préférais
rester seul dans ma chambre): les mots et les cris d’accueil des mes voisins de
rue… Qué bonheur !
La première fois que j’ai rencontré Olivier, mon sauveur ! Il
terminait sa garde du nuit à Beauvechain et, avant de rentrer chez lui, il
voulait me visiter. Il était là vers 8.45 h dans le corridor (ma rue). Les
infirmières lui ont dit que je devais d’abord avoir fini ma toilette. Il est
resté calmement à attendre pendant 45 minutes… Quand il est entré, j’ai d’abord
vu son uniforme. J’ai cru que c’était notre Frédéric qui venait me voir, bien
qu’étonné de le voir en uniforme. Puis j’ai vu son visage ! Quelle émotion
non di djo !
La première fois que j’ai pu porter ma main droite à la bouche avec une
cuiller, sans rien renverser !
La première fois que j’ai eu une chaise roulante active à ma taille (merci
Docteur Kiekens ! Les nouvelles chaises étaient dans la cave, mais ne
pouvaient servir tant qu’elles n’étaient pas immatriculées. Un coup de gueule
et l’affaire était réglée) : légèreté, souplesse, maniabilité, …
La première lettre que j’ai écrite à Pellenberg. Ecriture d’enfant, pleine
de vibrations, irrégulière, incertaine. Mais accompagnée de cette envie
d’écrire, de recommencer « comme avant », de dire des choses
personnelles.
Mon premier retour à l’école à LLN ! L’accueil des enfants, des
collègues ! WAOW !
Mais il y a aussi eu des
premières fois moins agréables :
Ma première chute pendant le sport. Une marche arrière un peu trop rapide,
sans les roues « anti bascule ». Le choc de ma tête sur le sol a été
assez fort, puisque les gens dans la salle voisine sont venus voir ce qui se
passait.
Ma première (et unique) chute hors du taxi (il n’y a pas si longtemps j’ai
eu la confirmation: ma chaise était sur le plateau, à 60 cm du sol). Solide, la
caboche ! Mais quelle inquiétude : j’entendais les gens, et je ne
savais pas répondre ! Je paniquais intérieurement à l’idée de ne plus
savoir parler !
La première fois (la seule jusqu’à présent) où je suis tombé du lit, tout
seul comme un grand (en voulant remonter la barrière, vous savez, celle qui
empêche de tomber du lit).
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